JUSTICELe mari de la femme accusée d’avoir tué 5 de ses nourrissons à la barre

Meurtre de cinq nourrissons à Bordeaux: Le mari de l’accusée entendu à la barre

JUSTICEAu deuxième jour du procès aux Assises de Ramona Canete, jugée pour le meurtre de cinq de ses nouveau-nés, le père des enfants a été entendu devant le tribunal. Possessif et jaloux, il se dit très amoureux de sa femme…
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Jusqu’à vendredi, Ramona Canete, 38 ans, est jugée pour le meurtre de cinq de ses enfants à leur naissance, dont elle a dissimulé les corps de quatre d’entre eux dans le congélateur.
  • Son mari, Juan Carlos Canete, 42 ans, a été entendu ce mardi à la barre en qualité de partie civile. L’instruction a conclu à un non-lieu après sa mise en examen pour non-dénonciation de crimes et recel de cadavres dans un premier temps.
  • Décrit comme possessif et jaloux, il assure qu’il ignorait tout des grossesses successives de sa femme.

Dans le box des accusés, Ramona Canete, frêle silhouette aux cheveux longs et aux grands yeux, a écouté attentivement son mari Juan Carlos Canete, lors de son audition devant la Cour d’Assises de la Gironde ce mardi. Cette femme de 37 ans est jugée pour le meurtre de cinq nouveau-nés à leur naissance, entre 2009 et 2015, à Louchats en Gironde. Son mari, 42 ans, avait d’abord été mis en examen pour non-dénonciation de crimes et recel de cadavres, avant que l’instruction ne conclut à un non-lieu. Il est partie civile dans ce procès, aux côtés de la famille de l’accusée et de l'association Innoncence en danger.

Le 19 mars 2015, la plus jeune des deux filles du couple vient trouver son père en lui disant « papa viens voir, j’ai trouvé un bébé caché sous du linge ». Le corps du petit gît dans un sac isotherme, dans le bureau occupé par la mère, qui fait alors chambre à part avec son mari. « Je l’ai pris dans mes bras et j’ai vu que c’était un garçon, et moi je voulais un garçon, raconte Juan Carlos Canete. Je n’ai pu que le prendre dans mes bras, il était mort ». Il contacte sa femme, qui était alors au travail, pour qu’elle revienne au domicile. Quand il lui demande des explications, elle répond simplement « je ne savais pas comment te le dire ». Les recherches des gendarmes vont conduire à la découverte de quatre autres corps, dissimulés dans un congélateur. Interrogée lundi devant le tribunal, l’accusée n’a pas su expliquer son geste mais son entourage évoque un mari « très jaloux voire violent ». Lui parle de « gifles et de bousculades », uniquement au début de leur relation.

Un mari jaloux et possessif

Lorsqu’il découvre le corps sans vie du premier nourrisson, le mari soupçonne d’entrée que sa femme ait voulu lui cacher la naissance d’un enfant qui n’était pas de lui. Au tout début de leur relation, qui a commencé quand elle avait 15 ans, elle lui a été infidèle « à de multiples reprises » et il raconte qu’il a alors perdu confiance en elle. Il parle beaucoup de ces incartades dont il ne semble pas encore remis aujourd’hui. Sa femme a décrit un huis clos conjugal dans lequel elle se sentait enfermée tandis que lui insiste sur l’amour qu’il lui porte et sur tout ce qu’il fait pour sa famille.

Possessif, il ne supporte pas l’idée que son épouse aille consulter un gynécologue de sexe masculin et jette à la poubelle une de ses jupes qu’il juge trop courte. « Je ne suis pas plus jaloux qu’un homme qui aime sa femme », estime-t-il pour sa part. Les analyses biologiques réalisées sur les cinq cadavres des nourrissons ont confirmé que Ramona et Juan Carlos Canete étaient bien les parents des petits.

Comment a-t-il pu ignorer les grossesses de sa femme ?

« J’étais à des années-lumière de penser à ces choses-là », assure le père à la barre. Sa femme a accouché à cinq reprises dans la baignoire de la maison, laissant les bébés, tous nés viables, au fond de l’eau. « J’ai vu des différences sur son corps mais ce n’était pas le même ventre que pour mes deux filles, elle avait pris un peu de poids un peu partout, raconte-t-il. Quand je lui ai fait remarquer elle a dit que c’était des ballonnements. Je me suis dit que c’étaient des trucs de femmes. Je ne pouvais pas imaginer une chose pareille ». A une reprise, il sent aussi « quelque chose bouger » dans son ventre, en l’enlaçant et elle lui explique qu’elle « gargouille » et qu’elle va s’en occuper. A l’été 2014, il croit entendre des cris de bébés alors qu'il fume, à l'extérieur de la maison. Il prend alors sa voiture pour faire un tour dans le voisinage mais les cris s'arrêtent et il rentre chez lui.

Depuis un à deux ans, avant les faits, sa femme était devenue distante avec lui. Elle avait appris le comportement exhibitionniste de son mari contre lequel une plainte a été déposée en 2009 par deux joggeuses. Il aurait fait semblant d’uriner dans un bois du Barp. Il a nié puis s’est dénoncé, commençant un suivi psychologique à partir de mars 2010. Son exhibitionnisme est interprété comme « une démarche auto-punitive pour répondre à une tromperie de sa femme », selon l’expert psychiatre Paul Bonnan, qui a rencontré Juan Carlos Canete en août 2015, alors qu’il était mis en examen.

Le procès se poursuit jusqu’à vendredi. L’accusée encourt la réclusion criminelle à perpétuité.