«Plan prison»: Pourquoi Macron veut s'attaquer aux courtes peines?
PRISON•Le président de la République souhaite passer d’un système axé sur la prison à une justice qui privilégie d’autres sanctions…Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Emmanuel Macron a présenté mardi à Agen une « refondation » pénale.
- L’objectif est de rendre les peines plus efficaces et de lutter contre la surpopulation carcérale.
Redonner du sens à la peine et lutter contre la surpopulation carcérale. C’est l’objectif des mesures annoncées mardi à Agen par Emmanuel Macron. Le président de la République a notamment annoncé la fin de « l’automaticité » de l’aménagement des peines de prison inférieures à un an et a appelé à « proscrire les peines de prison inférieures à un mois ». « Les peines entre un et six mois pourront s’exécuter hors des établissements pénitentiaires », a-t-il ajouté, soulignant qu’il ne s’agissait « clairement pas d’une concession à la fermeté nécessaire face à la délinquance ».
Maître Patrice Spinosi, avocat de l’Observatoire international des prisons, reconnaît que les annonces du président partent d’une « bonne intention », celle de ne pas « rentrer systématiquement dans une démarche d’incarcération ». « Depuis une quinzaine d’années, on a augmenté de façon significative le nombre de personnes incarcérées, et les peines d’emprisonnement prononcées ont été allongées. Ça ne marche pas. » Du fait de la surpopulation carcérale, du manque de moyens pour entretenir les prisons, les détenus sont « incarcérés dans des conditions indignes », déplore en outre l’avocat.
Surpopulation carcérale
La surpopulation carcérale atteint 120 % en moyenne dans les 188 prisons françaises, avec des pics à plus de 200 % dans certains établissements de la région parisienne. « Tout ce qui peut réduire l’utilisation de la prison est évidemment bienvenu au regard de la situation dans laquelle nous nous trouvons », note René Lévy, directeur de recherche au CNRS et chercheur au Cesdip. Il souligne que « c’est surtout dans les maisons d’arrêt qu’il y a de la surpopulation », là où sont placées les personnes condamnées à des peines inférieures à deux ans de prison, ou qui attendent d’être jugées. Ce sont elles que visent les annonces du président.
Or, observe-t-il, les courtes peines « sont nocives ». « Elles désocialisent et, en prison, on a souvent de mauvaises fréquentations. Ça n’a pas réellement d’effet bénéfique. » De son côté, l’USM indique ne pas être « défavorable au fait que les très courtes peines d’emprisonnement soient supprimées, ou qu’elles soient aménagées autant que possible par les juridictions ». « Mais il faut donner les moyens de le faire, notamment pour les conseillers d’insertion et probation », fait savoir Jacky Coulon, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats. Une analyse partagée par Patrice Spinosi.
Problème des moyens
« Le recours au bracelet électronique existe à peine en France, alors qu’il pourrait être beaucoup plus employé, tout comme les peines de semi-liberté, dit-il. Mais, ajoute l’avocat de l’OIP, « cela nécessiterait plus d’agents de probation ». Actuellement, leur nombre s’élève à 4.000 pour 250.000 personnes suivies en détention ou en milieu ouvert. Emmanuel Macron a annoncé la création de 1.500 postes. Un nombre encore insuffisant, selon Patrice Spinosi. « Chacun d’entre eux est en charge de plus d’une centaine de dossiers. Il faudrait réduire de moitié leur charge de travail, et pour cela, il faut en employer le double. »
Ces peines alternatives et ces aménagements de peines sont-elles aussi efficaces qu’une peine d’emprisonnement ? Oui, affirme l’avocat de l’OIP. « Ce n’est pas des vacances, ce sont des mesures contraignantes », explique René Lévy. Il ajoute que les personnes placées sous bracelet électronique n’ont pas commis d’infraction d’une « extrême gravité ». « Ce sont souvent des gens socialement intégrés, qui ont une famille, un travail ou qui sont étudiants », dit-il. Avant d’ajouter : « On peut développer son utilisation, mais il y aura toujours un tri qui aura été fait. »
Contradiction
Le président a aussi expliqué qu’il n’y aurait « plus d’aménagement » pour les peines de prison supérieures à un an, contre deux actuellement. Une mesure à laquelle l’USM est favorable. « Le seuil de deux ans avait été fixé par la loi pénitentiaire de 2009. Or, il était beaucoup trop élevé. Cette loi a eu pour effet d’engorger les juges d’application des peines et donc de retarder l’exécution des peines », remarque Jacky Coulon.
Patrice Spinosi, lui, estime que cette mesure est « contradictoire » avec l’esprit du plan dévoilé par le président. « Il faut repenser l’emprisonnement, mais il faut le faire vraiment. On ne peut pas dire qu’on va faire des peines de substitution et en même temps en limiter l’usage. »