Michel Cardon, l'un des plus vieux prisonniers de France, bientôt libéré?
QUARANTE ANS EN PRISON•Son avocat, maître Eric Morain, a demandé récemment sa grâce à Emmanuel Macron…Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Michel Cardon a été condamné en 1979 à la prison à perpétuité.
- Son avocat, maître Eric Morain, a déposé une demande de libération conditionnelle.
- Il demande également au président de la République d’user de son droit de grâce.
Michel Cardon, 67 ans, a fêté l’année dernière ses quarante ans de détention tandis que le président de la République fêtait son quarantième anniversaire. Condamné en 1979 à la prison à perpétuité par la cour d’assises de la Somme pour un meurtre « simple » commis deux ans plus tôt, il est aujourd’hui l’un des plus anciens prisonniers de France. Son avocat, maître Eric Morain, dénonçant « l’absurdité de la longueur d’une telle peine », a récemment écrit à Emmanuel Macron pour lui demander sa grâce.
L’affaire remonte à 1977. Originaire d’Amiens, Michel Cardon et un complice, Jean-Yves Defosse, décident de cambrioler l’habitation d’un retraité, comme l’a raconté récemment Le Courrier Picard. Le duo repart avec 200 francs et une charrette d’objets dérisoire. Mais le coup a mal tourné et la victime a été tuée. En 1979, lors du procès, l’avocat général requiert la peine de mort. Les deux hommes sont finalement condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Son complice est depuis décédé.
Michel Cardon, lui, croupit toujours dans sa prison à Bapaume (Pas-de-Calais), sans rien demander, sans voir personne. Sa première visite au parloir, c’était durant l’été 2016, après 38 années passées derrière les barreaux. Ce jour-là, un ancien codétenu tout juste libéré passe le voir. Une visite dont le journal La Voix du Nord se fera l’écho. En vacances dans la région, maître Morain tombe dessus. « Je suis assez bouleversé et ému par ce que je lis alors », raconte ce dernier à 20 Minutes.
« La société qui vous a sanctionné a choisi aussi de vous oublier »
De retour à Paris, il demande au directeur des chambres de détention de Bapaume un permis de communiquer. Il rédige également une lettre ouverte à Michel Cardon qu’il publie sur les réseaux sociaux. « Cher Michel, la société qui vous a sanctionné a choisi aussi de vous oublier », écrit l’avocat, lui demandant s’il peut « faire quelque chose pour » le sortir de prison. Un constat également réalisé, en janvier dernier, parla commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté de Lille qui a examiné son cas « On dirait qu’il a été "oublié" en détention », s’était-elle étonnée, relevant « qu’aucun projet d’exécution de peine n’a été imaginé à son sujet ».
En septembre 2016, il reçoit l’autorisation de le rencontrer se rend à la prison de Bapaume. Là, comme il l’a confié à l’AFP, Eric Morain à l’impression de voir « Robinson Crusoé » : « Il avait une barbe qui lui mangeait le visage, la bouche tordue après un AVC, des difficultés d’élocution du fait de problèmes cardiaques, il est sourd d’une oreille, à une cécité partielle… mais il a aussi l’un des plus beaux sourires que j’aie vus de ma vie ». L’avocat confie aujourd’hui qu’il ne savait pas comment il allait être accueilli.
Finalement, Michel Cardon lui a « demandé de l’aider à sortir de là ». Dans les semaines qui suivent, l’avocat saisit le tribunal correctionnel d’Arras d’une demande de libération conditionnelle. Dix-huit mois plus tard, n’ayant pas de nouvelles concernant sa requête, il décide d’écrire au président de la République. Dans son courrier révélé par le JDD, envoyé le 12 février dernier, il souligne l’absence de « dangerosité » de Cardon « éteint par cette trop longue détention ». Le numéro d’écrou 7147 « est sacrément abîmé », nous dit-il.
Son dossier examiné le 15 mars
Pourquoi avoir, en plus de la demande de libération conditionnelle, demandé à Emmanuel Macron d’user de son droit de grâce ? « S’agissant d’un détenu condamné à perpétuité, le tribunal d’application des peines ne peut pas complètement libérer Michel Cardon. Il est obligé de passer par une période probatoire : soit une semi-liberté, soit un placement sous bracelet électronique. Pendant ce temps-là, cette personne est toujours juridiquement détenue. Or, je ne veux pas d’un placement sous bracelet électronique qui n’aurait aucun sens pour Michel Cardon », explique-t-il. Il faut qu’il « soit purement et simplement remis en liberté ».
Sauf si Emmanuel Macron répond, d’ici là, favorablement à la demande de son avocat, sa demande de libération conditionnelle sera examinée le 15 mars prochain. Si elle lui était accordée, Michel Cardon ne se retrouverait pas « tout seul » dehors, assure Eric Morain. « Il en est psychologiquement, moralement et physiquement incapable, explique l’avocat. Il sera pris en charge dans un centre où, au lieu de voir du béton depuis sa fenêtre, il verra des arbres et des oiseaux. »