Manque d’effectifs, remises en liberté et dossiers en retard... Le tribunal de grande instance de Rennes au bord de l’implosion
JUSTICE•Les magistrats ont pris la parole pour demander des renforts d’urgence…Camille Allain
On les entend rarement, pour ne pas dire jamais. Vendredi, les magistrats du tribunal de grande instance de Rennes ont décidé de convier la presse pour lancer un appel à l’aide. Un cri du cœur, même. « J’envoie des rapports tous les quatre jours pour alerter la chancellerie. Mais rien ne change. C’est comme si Rennes était oublié. Nous croulons sous les dossiers », se désole le président du TGI Ollivier Joulin.
Une juridiction qui rapporte des millions à l’Etat
Depuis 2009, le tribunal n’a pas vu ses effectifs augmenter, alors que la population est en forte croissance et que la juridiction interrégionale spécialisée demande de plus en plus de temps. Ce tribunal dédié au crime organisé sollicite énormément les magistrats. Pourtant, sur les trois postes de juge d’instruction alloués à la JIRS, seul un sera pourvu d’ici quelques semaines. « C’est censé être un pôle d’excellence qui traite des dossiers complexes. Certaines affaires ont 50 tomes d’écrits. Mais comment faire quand on a 150 détenus en attente ? », s’interroge une magistrate de la JIRS. Si elle est complexe, la juridiction est en plus l’une de celle qui rapporte le plus à l’Etat, tant les montants des sommes saisies peuvent être importants.
Débordés, les magistrats sont parfois contraints de libérer certains détenus, faute de pouvoir les juger dans un délai raisonnable. « Le juge des libertés et de la détention n’a pas le choix. On ne peut pas garder des gens en détention provisoire pendant des années si l’on ne sait pas quand on pourra instruire leur dossier. Nous faisons des choix pour éviter que ce ne soit pour des faits graves. Mais ce n’est pas une bonne solution », témoigne une autre magistrate rennaise au nom de ses confrères.
Regroupés derrière leur président, les justiciers attendent une réponse du ministère pour savoir si les postes vacants seront pourvus en janvier. « Si ce n’est pas le cas, ça va craquer. Il y aura des conséquences sur les délais mais aussi sur la qualité du travail. On ne peut pas continuer comme ça ». Le TGI de Rennes voit chaque année ses effectifs se renouveler à 30 %, quand la moyenne nationale est de 17 %. « C’est une très bonne école pour l’avancement de carrière. Quand on a fait Rennes, les portes s’ouvrent », glisse le président Ollivier Joulin.
Des dossiers qui datent de 2013
Si la juridiction est réputée pour ses compétences, elle l’est aussi pour ses délais d’attente hyper longs. Il faut ainsi patienter onze mois avant de pouvoir rencontrer un juge aux affaires familiales. Quant au tribunal des affaires de sécurité sociale, il traite actuellement des recours émis en 2013…