Poussières d’étoile: A défaut de la Lune, un Montpelliérain disperse vos cendres dans la stratosphère
ESPACE•Deux sociétés américaines projettent très vite de disperser des cendres d’êtres chers sur la Lune. En France, la loi rend difficile une telle entreprise. Mais un Montpelliérain a trouvé une solution intermédiaire…Fabrice Pouliquen
«Se souvenir de l’être aimé en regardant le ciel » L’envolée lyrique s’étale en grand sur la page d’accueil du site Internet d’Elysium Space. Il ne faut pas seulement y voir que de la poésie, la start-up spatiale californienne se propose réellement à des particuliers d’envoyer quelques grammes de cendres d’un proche disparu dans l’Espace.
Deux sociétés américaines se partagent aujourd’hui cette niche encore microscopique des funérailles spatiales et toutes deux se sont lancées dans une course pour être la première à déposer des cendres d’êtres humains sur la Lune : Elysium Space vise 2019 quand son concurrent, Celetis, donne rendez-vous au premier trimestre 2018. Demain autrement dit.
A défaut de la Lune, cap sur la stratosphère
En France, aucune entreprise ne s’est encore lancée dans un tel projet. « ça serait compliqué, confie d’emblée Vivien Tani. Pour des questions de coût, Elysium Space ou Celistis n’envoient dans l’espace que quelques grammes des restes du défunt. En France, une loi l’interdit : les cendres doivent être dispersées en même temps et dans un même endroit, on ne peut prélever une partie. »
Qu’à cela ne tienne. Vivien Tani, conseiller funéraire à Montpellier, propose une solution adaptée à la France : expédier les cendres dans la stratosphère, soit tout de même à 30 km d’altitude, le tout à l’aide d’un ballon stratosphérique gonflé à l’hélium. « Les mêmes que ceux qu’utilise Météo France pour ses relevés météorologiques, précise Vivien Tavani. La montée est très rapide puisqu’elle dure environ deux heures. Au sol, le ballon fait à peine deux mètres puis se gonfle progressivement au fil de l’ascension pour faire près de dix mètres une fois dans la stratosphère. A ce point, l’enveloppe du ballon, en latex, a atteint son élasticité maximum et se rompt. Les cendres à l’intérieur se retrouvent alors dispersées. »
Dix-sept dispersions depuis 2017
Cette solution offre l’avantage de pouvoir transporter l’ensemble des cendres du défunt, soit un poids de trois kilos en moyenne pour un homme. Vivien Tani promet aussi une solution sans impact pour l’environnement. « Le latex du ballon, qui finit par redescendre, est entièrement biodégradable, assure-t-il. Cette matière peut être utilisée comme compost. On a fait le test de laisser le ballon quinze jours en pleine terre. En revenant, il n’y avait plus rien. »
Le Montpelliérain, 29 ans aujourd’hui, s’est lancé une première fois dans cette activité en 2014 en fondant avec un ami, Lucas Moreau, Atome énergie. L’entreprise funéraire, qui s’était spécialisée dans des solutions écologiques de crémations, a depuis été mise en sommeil, mais Vivien Tani continue malgré tout les dispersions stratosphériques de cendres en tant qu’autoentrepreneur sous la marque « Poussière d’étoile ». « J’ai réalisé dix-sept dispersions depuis que j’ai relancé l’activité au début de l’année », raconte Vivien Tivani. Souvent ces cérémonies sont organisées en hommage à des personnes qui ont beaucoup voyagé dans leur vie ou travaillé dans l’aéronautique et l’aérospatial. Mais c’est difficile d’établir un profil type. Parfois, il s’agit simplement de proches du défunt qui trouvaient la symbolique très jolie. »
Des normes à respecter
Pour une dispersion à Montpellier, où Poussières d’étoile dispose d’un terrain propice aux lâchers en accord avec services de la circulation aérienne de l’aéroport local, il vous en coûtera 999 euros. Mais l’auto-entrepreneur se déplace aussi dans toute la France. Il faut alors ajouter les frais de déplacement.
Aucune loi ne s’oppose à l’activité de Poussière d’étoiles, mais Vivien Tavani se doit tout de même de respecter quelques normes avant tout lâcher de ballons. « Il faut déjà en faire la demande auprès de la préfecture et de la commune sur le territoire de laquelle est prévu le lâcher, mais aussi bien entendu auprès de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile), détaille l’autoentrepreneur. Les lâchers doivent se faire en dehors de zones à fort trafic aérien et à une certaine distance des zones militaires interdites de survol. »
Comptez alors un minimum de quinze jours de préparation. Jusqu’à présent, Vivien Tavani n’a pas eu à essuyer grand nombre de refus. « Juste des reports liés à des conditions météorologiques défavorables », raconte-t-il.
Que deviennent les cendres ?
Reste une question et pas des moindres : que deviennent les cendres une fois stratosphère atteinte ? Elles aussi finiront par retomber sur Terre même si bien moins vite que l’enveloppe du ballon. Vivien Tavani ne peut assurer où. « Ces cendres sont tellement légères et tombent de tellement haut », explique-t-il. Est-ce bien grave ? Après tout, « nous sommes des poussières d’étoiles », pour reprendre l’expression des astronomes américain Carl Sagan et français Hubert Reeves. En janvier dernier, une vaste étude a corroboré cette jolie maxime.