"Le flic a dégainé et reculé arme au poing pendant plusieurs dizaines de mètres"

Sandrine Cochard
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Les premiers éléments de l’enquête permettent de mieux comprendre comment s'est joué le drame de la nuit durant laquelle un policier a tué et blessé deux supporters du PSG.

Il est 23h00 au Parc des Princes jeudi soir. Le PSG, dont le début de saison est catastrophique, perd 2-4 face au Hapoël Tel-Aviv. Selon la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), les insultes antisémites et des cris à la gloire de Hitler pleuvent dans les tribunes. (Voir les images).

Révoltés par le score, les supporters du PSG tonnent, comme le raconte à 20Minutes Sacha, un supporter présent au parc. Ils sont rapidement canalisés vers la place de la Porte de Saint-Cloud. Trois supporters du Hapoël Tel-Aviv sont pris à partie par une foule hostile dans une rue à proximité. Deux parviennent à s’échapper. Le troisième, Français de confession juive habitant dans le Val d’Oise (95) est menacé de lynchage par une centaine de personnes. Sur les lieux, un journaliste de L'Express, qui livre sur le site de l'hebdomadaire un premier témoignage

Antoine Granomort, fonctionnaire en civil de la police des transports d’origine martiniquaise, est présent. Il va se porter au secours du jeune homme, qui est devant l'église de la Porte de Saint-Cloud. Les deux hommes sont les cibles d’insultes racistes et antisémites.

"Le flic a dégainé et reculé, arme au poing pendant plusieurs dizaines de mètres, et s'est retrouvé adossé à un petit bar, à 30 mètres du Mc Donald's de l'avenue de Versailles.


Interpellations

C’est alors que tout s’emballe. Le policier martiniquais, un temps au sol, fait usage d'une bombe lacrymogène afin de se dégager. Il a été frappé à la tempe et au bas ventre, selon Nicolas Sarkozy qui précise que «(le policier) a hurlé à plusieurs reprises qu'il appartenait à la police et il a commencé à asperger les manifestants avec sa bombe lacrymogène», avant de tirer sur la foule, tuant un supporter et en blessant grièvement un autre.

La centaine de supporters du PSG gronde de plus en plus fort, le policier et son protégé se réfugient dans un Mac Donald’s proche. Les renforts policiers, pourtant en position autour du Parc, mettront plusieurs minutes à arriver sur place. Ils n’ont pas cru à un coup de feu mais à l’explosion d’un pétard...

Les jeunes du quartier qui ont assisté à la scène se demandent pourtant pourquoi les renforts ne sont pas intervenus plutôt, "pendant que le policier et son protégé reculaient de l'Eglise au Mc Do?".

La nuit s’achève par l’interpellation de cinq supporters du PSG, pour "injures racistes et antisémites", et la garde à vue du policier impliqué dans les locaux de l’Inspection générale des services (IGS), la police des police.

«L'enquête confiée à l'IGS est ouverte pour homicide volontaire mais pourrait être transformée en coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Se pose la question de la légitime défense», a indiqué le procureur. Quatre syndicats policiers ont apporté leur soutien vendredi matin à Antoine Granomort.

«L’enquête devrait aller assez vite, elle devrait être bouclée d’ici à dimanche,» a assuré un enquêteur. Vendredi midi, l’identité des deux supporters du PSG victimes du coup de feu a été révélée. Le premier, Julien Quemener, 24 ans, membre, selon la police, du "kop" de Boulogne est mort vers 23h30. Il faisait partie des «Indépendants», un des groupes les plus durs, et serait proche des mouvements d’extrême droite.

[Sur le sujet, lire l’interview de Dominique Bodin, maître de conférences à l'Université de Rennes.]

Le second, âgé de 26 ans, autre membre de ce kop, sans en être pour autant une grande figure, a été grièvement blessé au poumon mais sa vie n'est pas en danger. Selon des témoins, après avoir été blessé il s'est réfugié, en sang, au bar les Trois Obus, qui a appelé le Samu. Il est actuellement hospitalisé à Paris.

Selon le procureur de la République de Paris Jean-Claude Marin, la police envisage qu'une seule balle ait pu atteindre les deux hommes, touchant le blessé au poumon et Julien Quemener au coeur.

Vendredi matin, plusieurs personnalités politiques et sportives ont condamné ces violences, notamment le président du club parisien Alain Cayzac qui a déclaré que c’était «la période la plus sombre du PSG.»