META DANS LA COURSEC’est quoi l’intelligence générale sur laquelle planchent les Big Tech ?

Zuckerberg à fond sur l’IA : C’est quoi « l’IA générale », plus intelligente que l’humain, promise par les Big Tech ?

META DANS LA COURSEDans une interview pour « The Verge », Mark Zuckerberg a déclaré que Meta travaillait désormais sur l’intelligence artificielle dite « générale »
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Mark Zuckerberg a déclaré à « The Verge » ce jeudi que Meta planche sur l’intelligence artificielle générale, censée dépasser l’intelligence de l’humain.
  • Avant lui, Sam Altman, à la tête d’OpenAI, a déjà annoncé l’arrivée future d’une intelligence artificielle de ce genre.
  • Qu’est-ce qu’une IA générale ? On fait le point.

Et un de plus dans la course. Mark Zuckerberg, à la tête de Meta (Facebook, Instagram), a déclaré dans une interview à The Verge publiée ce jeudi, plancher sur une intelligence artificielle « générale ». Tout comme OpenAI, derrière la « révolution » ChatGPT, sortie fin 2022. « Nous sommes arrivés à la conclusion que, pour construire les produits que nous voulons construire, nous devons travailler pour l’intelligence générale », a-t-il expliqué au magazine spécialisé américain. Après les IA génératives, capables de créer des contenus (texte, images) de façon autonome, les Big Tech promettent l’arrivée d’une IA générale (AGI), à l’intelligence égale ou supérieure à celle de l’humain. C’est bien beau tout ça, mais c’est quoi précisément ?

« Il n’y a pas de définition exacte d’une AGI parce qu’il y a différentes interprétations, analysait Christophe Cerisara, chercheur du CNRS au laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications, dans une interview à 20 Minutes en avril dernier. C’est une intelligence artificielle qui aurait les mêmes facultés cognitives que l’humain. Elle serait capable d’apprendre par elle-même et de s’améliorer avec le temps ».

De la science-fiction

Côté Big Tech, tout le monde se prend un peu les pieds. Nick Clegg, responsable des Affaires internationales chez Meta, a confirmé ce jeudi à Davos qu’il n’y a « pas de consensus sur la signification exacte de l’IA générale ». « Demandez à des scientifiques informatiques de (la) définir et vous obtiendrez une définition différente de chacun d’entre eux », a-t-il souligné. La preuve. Dans The Verge, Mark Zuckerberg tourne un peu autour du concept. « Vous pouvez chipoter pour savoir si l’intelligence artificielle générale est au niveau de l’intelligence humaine, s’il s’agit d’une intelligence humaine augmentée, ou s’il s’agit d’une future super-intelligence. Pour moi, ce qui est important, c’est son ampleur, qu’elle puisse posséder toutes les capacités, de raisonnement et d’intuition », pointe-t-il.

De son côté, Sam Altman, patron d’OpenAI, la définit comme la technologie qui sera à l’œuvre dans des programmes « plus intelligents que les humains en général ». « Je pense qu’un jour, nous créerons quelque chose qui sera considéré comme de l’IA générale, selon la définition floue que vous voulez », a-t-il lâché à Davos. Les Big Tech ne se mouillent pas trop. On peut jouer à se faire peur en imaginant des humanoïdes façon Westworld, à une intelligence artificielle dans la veine de Her, de Spike Jonze, toujours dispo pour écouter nos complaintes à travers une oreillette, ou simplement à une version améliorée de GPT-4.

Une chose est sûre, aujourd’hui, « c’est de la science-fiction, taclait Christophe Cerisara dans la même interview. ChatGPT ne possède en rien toutes les capacités cognitives humaines. » C’est d’ailleurs la position de Yann Le Cun, responsable de la recherche en intelligence artificielle et vice-président de Meta, qui, depuis l’arrivée de ChatGPT, a toujours nuancé, voire remis en cause, les capacités intellectuelles des IA génératives.

Le spectre de la singularité

« En tant qu’humain, on a tendance à attribuer automatiquement de l’intelligence à quelque chose capable de parler, mais c’est une erreur, expliquait Yann Le Cun à l’heure de VivaTech en juin 2023 sur Europe 1. On peut manipuler la langue sans penser. C’est le problème de ces systèmes qui sont très volubiles, très fluides, mais ce qu’ils racontent n’est pas toujours vrai ». Longtemps très prudent sur les capacités futures des machines, la star française de l’IA a opéré un petit virage intellectuel du côté des technoprophètes, n’excluant plus complètement la possibilité de voir naître une IA aussi intelligente que l’humain. Selon lui, elles n’auront pas de volonté de dominer comme un Terminator, un penchant qui a plus à voir avec la testostérone qu’avec l’intelligence. De plus, elles seront construites pour être soumises à l’humanité.

Rassurons-nous, on ne verra pas une IA forte avant très longtemps. « Peut-être qu’une réflexion sur la notion d’intelligence va être menée. C’est aux philosophes et aux sociologues de le faire. Mais on ne peut pas comparer l’intelligence d’une machine avec l’intelligence animale ou humaine. Les machines sont capables d’une certaine forme de raisonnement, mais ça n’en fait pas du tout une intelligence humaine », avait conclu Christophe Cerisara. Et Yann Le Cun de confirmer dans la même interview d’Europe 1 : « L’intelligence est une collection de compétences alliées à une capacité à en apprendre de nouvelles très rapidement. On constate que les capacités d’apprentissage de ces systèmes artificiels aujourd’hui sont très en deçà de ce qu’on observe chez les animaux et les humains ». Si les Big Tech continuent d’agiter le spectre de la singularité numérique avec l’arrivée de machines ultra-intelligentes (pour faire parler d’elles ?), elles n’y sont pas du tout.