Paris Games Week 2024 : « Le jeu vidéo a atteint l’âge de la maturité »
Rendez-vous•Nicolas Vignolles, délégué général du syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, qui organise le salon Paris Games Week, estime que le le jeu vidéo, et en particulier l’e-sport, sont à même de créer du lienQuentin Meunier
L'essentiel
- La Paris Games Week, créée en 2010, revient à nouveau cette année. Le salon revendique toujours d’être un lieu de divertissement « très grand public ».
- Selon Nicolas Vignolles, délégué général du Sell, les statistiques montrent que les joueurs de jeu vidéo sont aussi de grands consommateurs d’autres activités, et que le public du salon est très familial.
- Le développement d’espaces et de moment consacrés à l’e-sport montre que cette discipline est à même de créer de la ferveur et de changer l’image du public sur le jeu vidéo.
La Paris Games Week est de retour du 23 au 27 octobre. Chaque année, ce salon du jeu vidéo grand public constitue l’occasion pour les passionnés de tester les nouveautés de rentrée et, avec un peu d’avance, celles qui finiront peut-être sous le sapin de Noël. En quatorze ans d’existence, le salon s’est aussi agrandi pour accueillir toutes sortes d’activités et occuper les immenses espaces du Parc des Expositions de la porte de Versailles.
Gagnez des places pour la Paris Games WeekSigne que le jeu vidéo, perçu comme violent ou abrutissant dans les années 1990 et 2000, a désormais toute sa place en France ? Nicolas Vignolles, directeur du syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), qui organise la Paris Games Week, veut croire que le jeu vidéo et son salon sont désormais vecteurs de liens.
A quoi faut-il s’attendre à la Paris Games Week cette année ?
L’édition 2024 est la plus ambitieuse post-Covid, en s’élargissant à la pop culture, le manga, l’anime, l’e-sport et le sport. J’ai un exemple de nouveautés dans chaque hall, à commencer par un grand village manga opéré par l’application Mangas.io dans le hall 1. Un nouvel espace B2B sera ouvert dans le hall 2. Enfin, dans le hall 3, 3.000 m2 seront consacrés au sport et à l’e-sport, avec du basket, des rampes de skate, et plusieurs fédérations sportives. Il s’agit de montrer que le gaming s’insère dans la préparation sportive. Il y aura aussi une scène de 2.000 m2 avec 1.800 places assises opérée par Webedia, qui servira aussi de village des fans pour les mondiaux de League of Legends qui auront lieu au même moment [avec les quarts et demi-finales de l’autre côté de Paris, dans l’Adidas Arena Porte de la Chapelle]. Tout ça en plus des choses récurrentes, comme la présence des trois gros constructeurs de consoles, Nintendo, Sony (PlayStation) et Microsoft (Xbox). C’est très costaud.
Pourquoi ouvrir une partie professionnelle ? Est-ce pour se rapprocher de salon comme la Gamescom en Allemagne ?
On ne veut pas prendre le pas sur l’identité très « grand public » de la Paris Games Week. Cependant il nous manquait ce côté professionnel. On veut quelque chose aux standards des salons internationaux, de très premium et très exclusif. Il n’y a pas encore de matchmaking entre studios et éditeurs, on s’oriente plutôt vers des conférences. Mais on n’exclut pas le développement en année 2 ou 3.
Grand public, pour vous, à qui cela correspond ?
Nous sommes un salon qui convainc de plus en plus les familles. Dans nos statistiques, il y a deux profils : la famille avec enfants pré-adolescents, qui vient pour le côté « test de jeux ». Et les groupes de potes 15-20 ans, qui vient à 5-6 passer un après-midi sympa.
Diriez-vous que cet esprit familial témoigne d’une évolution du public et de la perception du jeu vidéo ?
C’est un travail que je mène aussi au Sell. Le syndicat sort une étude chaque année sur la pratique du jeu vidéo. Depuis pas mal de temps, on voit que les joueurs consomment plus d’activités culturelles et sportives que la moyenne. Cela vient contrecarrer une idée fausse sur la sédentarité du jeu vidéo.
Le temps d’écran et les réseaux sociaux ont-ils pris la place du jeu vidéo dans les inquiétudes des parents ?
Ill y a une concurrence entre les temps d’écran. L’objectif de la Paris Games Week c’est de venir au jeu vidéo. Je dirais que le jeu vidéo c’est un temps choisi : on s’assoit devant son écran, on réserve un moment où on est bien, il y a une notion de performances parfois. Ça ne se pratique pas dans n’importe quelles circonstances. Les créateurs de jeux recherchent un engagement qualitatif de la part de joueur, pas forcément d’un nombre d’heures de jeu. Ce sont d’autres formes de consommation. Le jeu vidéo, contrairement à certains réseaux sociaux, n’est pas un modèle de l’attention. Avec cinquante ans d’existence, il est aussi à l’âge de la maturité.
Comment l’intérêt grandissant pour l’e-sport participe à cette dynamique ?
L’e-sport est une vitrine incroyable du jeu vidéo. C’est l’accès le plus visible à la passion de millions de Frances. Une salle d’e-sport ressemble à un stade. Il y a une compétence extrême dans la discipline, des soft-skills, et, pour les spectateurs, une réalisation et une régie très performante. Y être vaut bien mieux que 10.000 mots. Après, il ne faut pas se tromper, ça reste une activité marketing du jeu vidéo.
La finale du trophée des seniors, compétition de Wii Sports, a encore lieu cette année. Là, aussi, l’e-sport redonne une image familiale au jeu vidéo ?
La compétition a une résonance médiatique phénoménale. C’est un moment hyperémouvant, et la reconnaissance de la force du jeu vidéo comme un lien intergénérationnel. Les personnes âgées le voient comme un lien avec le monde actuel. Il n’y a aucune ironie, l’enthousiasme est sincère. En général, à la Paris Games Week, ce qui frappe c’est la diversité et la bienveillance, qui a peu d’équivalents.
Envisagez-vous d’organiser ou d’accueillir directement une compétition d’envergure dans le futur ?
On se voit plutôt comme une zone déportée. Le jeune qui n’a pas eu de billet pour les Worlds a toute sa place pour voir les matchs dans la fanzone de la Paris Games Week. On veut être une grande fête populaire transversale. Typiquement, les JO de l’e-sport, ça nous mettrait des étoiles dans les yeux. On est ouverts à tous les projets. Si la France venaient à les accueillir après l’Arabie saoudite, on est candidats à accueillir une fan zone ou des événements.