LIVRESDes IA s’inspirent des œuvres de romanciers… qui utilisent eux-mêmes l’IA

Des IA « pompent » des auteurs… qui utilisent ensuite des IA pour écrire leurs romans

LIVRESDe plus en plus d’ouvrages sont générés, au moins partiellement, par des logiciels d’intelligence artificielle générative
Olivier Mimran

O.M.

Après les avoir conspuées, les écrivains seraient-ils en passe de devenir les « meilleurs ennemis » des intelligences artificielles ? Deux informations nous rappellent, en tout cas, l’ambiguïté des rapports que les créateurs entretiennent avec les nouvelles technologies.

La première concerne le pillage, par les IA, d’œuvres littéraires issues d’imaginations bien humaines : le site Actualitté nous apprend en effet que Meta, la maison-mère de Facebook, aurait « autorisé » son IA Llama (en développement) à puiser dans une énorme banque de données littéraires pour se perfectionner.

Problème, Books3, la banque de données en question, était une bibliothèque « pirate ». Entendez par là qu’elle compilait plus de 196.000 livres, gratuitement mis à disposition comme sur les célèbres « bibliothèques fantômes » LibGen, Z-Library ou Sci-Hub (désormais inaccessibles en France).

Si les données contenues dans cette caverne d’Ali Baba ont été effacées en août dernier sous la pression de Rights Alliance (une organisation danoise qui vise à promouvoir le respect des droits d’auteur et des droits de propriété intellectuelle), le mal était fait… Mais en toute légalité, selon Meta, qui s’appuie sur la doctrine américaine du droit équitable (selon laquelle « l’utilisation de contenus protégés par des droits d’auteur à des fins d’enseignement ou de recherche peut être considérée comme étant équitable »).

« Arroseur arrosé » ou « arrosé arroseur » ?

Ça, c’était au chapitre de l’IA qui s’inspire des écrivains humains. À celui des écrivains humains qui utilisent les intelligences artificielles s’agrège le témoignage de la romancière japonaise Rie Kudan, qui vient de reconnaître que son roman Tokyo-to Dojo-to avait « en partie » – elle évoque 5 % – été écrit par une IA !

Le plus cocasse, c’est que l’autrice a fait cette annonce après que son ouvrage eut reçu le prix Akutagawa, la plus prestigieuse des récompenses littéraires nippones, et que ses jurés eurent déclaré que son œuvre était d’une « telle perfection qu’il était difficile d’y trouver des défauts ».

Rie Kudan, elle, a assumé et assuré que ChatGPT, logiciel d’intelligence artificielle générative auquel elle avait fait appel, l’avait « aidée à libérer son potentiel créatif ». Avant de préciser qu’elle « conversait fréquemment avec l’IA », lui confiant ses pensées les plus intimes, et que « certaines réponses de ChatGPT lui avaient inspiré des dialogues du roman ».

Notre dossier « Intelligence artificielle »

Finalement, le serpent se mord la queue. Et c’est typiquement le genre de questions insolubles que posent ces exemples qui ont poussé de nombreux écrivains de renom – parmi lesquels George R. R. Martin, auteur du célèbre Game of Thrones – à entreprendre des actions en justice contre la start-up californienne OpenAI (créatrice de ChatGPT), accusée de bafouer les droits d’auteur.