« Faites des dons »Pour les influenceurs, prendre position n’est plus tabou

« Stream for Humanity » : Pour les influenceurs, prendre position n’est plus tabou

« Faites des dons »Ce week-end, le marathon caritatif en ligne « Stream for Humanity » a levé 3,4 millions d’euros, preuve que les influenceurs s’emparent de plus en plus des sujets sociaux et politiques
Quentin Meunier

Quentin Meunier

L'essentiel

  • Le marathon caritatif en ligne « Stream for Humanity » a réuni 26 personnalités d’Internet et a levé 3,4 millions d’euros pour Médecins sans frontières.
  • Les influenceurs prennent de plus en plus position sur des sujets politiques et sociaux, malgré les risques.
  • Ces marathons caritatifs permettent aux créateurs de contenus d’affirmer leurs positions et de gagner en légitimité.

Ce week-end, le marathon caritatif en ligne « Stream for Humanity » a réuni 26 personnalités d’Internet. Organisé par Amine (« AmineMaTue » de son pseudo Twitch complet), cet événement a levé 3,4 millions d’euros pour l’ONG Médecins sans frontières, et plus spécifiquement pour quatre terrains d’actions : la Palestine, le Liban, le Soudan et le Congo.

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ZEvent, Streamers for Palestine, Speedons, Furax ou même Téléthon Gaming : sur Internet, la formule du marathon caritatif cartonne. Le format séduit les associations, mais traduit aussi l’engagement de plus en marqué des créateurs de contenus. « Les influenceurs sont moteurs dans l’organisation de ce genre d’événements, détaille Irchade Kari, consultante en communication numérique chez Image 7. Ils ont des motivations avant tout personnelles, car ils prennent davantage de risques en affichant une position politique. » « Il faut souvent attendre qu’il y ait de gros créateurs qui prennent position pour que d’autres suivent », complète Amélie Deloche, cofondatrice du collectif Paye ton influence.

Parler c’est risqué, pas parler aussi

D’autant que chaque prise de parole sur les réseaux sociaux est scrutée. Squeezie, youtubeur aux 19 millions d’abonnés, en avait momentanément perdu 100.000 après avoir posté un message « contre l’extrême droite » lors des élections législatives de 2024. Pour Stream for Humanity, des internautes se sont questionnés avec plus ou moins de bonne foi sur le choix des pays soutenus, interrogeant sur l’absence de l’Ukraine ou de Mayotte. Amine a répondu en assurant que l’événement était en préparation avant le passage du cyclone Chido, et qu’il était prêt à organiser « des événements pour d’autres causes dans le futur ».

Le piège, c’est qu’on reproche aussi aux influenceurs leur silence. Un changement qui vient aussi du public. « Les spectateurs ont une envie croissante de voir leur "role model" prendre la parole, et ne tolèrent pas le silence, explique Irchade Kari. C’est une différence de génération. »

Une prise de conscience progressive

Pour l’experte en communication, cette décomplexion est toute récente. « C’était très difficile d’imaginer des influenceurs très populaires prendre la parole sur le conflit israélo-palestinien il y a dix ans », estime-t-elle. Une série de mobilisations qui ont fait l’actualité ont progressivement amené les créateurs de contenus à se positionner sur des enjeux politiques ou sociaux : l’attention portée au génocide Ouïghour en 2019, le mouvement Black Lives Matter en 2020, la mort de Nahel en 2023. « Sur des plateaux, on voit des Miss France ou des artistes interrogés sur l’actualité, rappelle Catherine Lejealle, sociologue et chercheuse à l’ISC Paris. Donc les influenceurs aussi peuvent s’exprimer. »

Aujourd’hui, la question s’est déplacée : « Qu’est-ce qu’on a à gagner à ne pas prendre la parole ? » Les risques semblent ténus : Squeezie a certes perdu 1 % de ses abonnés, mais il les a largement récupérés depuis, et continue à apparaître aux côtés de stars comme Léon Marchand ou Jérôme Commandeur dans ses vidéos. Léna Situations a plusieurs fois exprimé son soutien avec la Palestine, mais reste une partenaire privilégiée de nombreuses grandes marques.

« Montrer qu’il y a une densité derrière la personne »

Plutôt qu’une opportunité un peu cynique, les marathons comme Stream for Humanity sont ainsi juste un prolongement de cet engagement plus assumé des vidéastes d’Internet. « C’est une façon d’affirmer leurs positions, abonde Irchade Kari. Montrer qu’il y a un sens de l’engagement chez les créateurs de contenu, une profondeur qui diffère des contenus publiés sur les réseaux sociaux. » Qui leur offre tout de même un petit coup de boost. « Ce type d’événement permet aux influenceurs de toucher de nouveaux canaux, tous les médias traditionnels parlent de l’événement, souligne Catherine Lejealle. […] Ce genre d’événement apporte une forme de légitimité. Ici, aux côtés de joueur de foot [Stream for Humanity a invité l’ex-international espagnol Gérard Piqué]. » Mais bon, tant que ça reste pour la bonne cause.