Réseaux sociauxPourquoi les jeunes néerlandais sont moins addicts aux écrans

Pays-Bas : Pourquoi les jeunes néerlandais sont moins addicts aux écrans

Réseaux sociauxSelon une étude publiée par l’OMS, les Pays-Bas ont la plus faible d’utilisateurs « problématiques » d’Internet chez les 11-15 ans
Quentin Meunier

Quentin Meunier

L'essentiel

  • Les Pays-Bas ont les taux les plus faibles d’utilisation problématique des réseaux sociaux chez les jeunes.
  • Cela pourrait s’expliquer par une sensibilisation précoce aux risques et par de meilleures relations parents-enfants.
  • De plus en plus d’initiatives autour de la déconnexion voient le jour au Pays-Bas, comme des soirées sans téléphone ou des clubs incitant à laisser les écrans de côté.

Dans l’autre pays du fromage, les enfants sont moins accros aux écrans. C’est en tout cas l’un des résultats d’une étude publiée par la branche européenne de l’OMS le 26 septembre. Selon elle, les Pays-Bas présentent la plus faible part des 11-15 ans ayant un usage « problématique » des réseaux sociaux, c’est-à-dire qui développent une forme de frustration lorsqu’ils n’y ont pas accès. Là où ce taux est de 5 %, il est de 9 % en France, de 11 % en moyenne dans les pays étudiés et jusqu’à 22 % en Roumanie.

Cela ferait-il des Pays-Bas une nation plus déconnectée ? Le rapport n’interprète pas ses résultats. Mais Regina van den Einjden, professeur néerlandaise en sciences sociales qui a contribué à l’étude, affirme qu’il y a quelques théories pour expliquer cette « performance ». D’abord, parce que le sujet a émergé relativement tôt, il y a dix ans. « A cette époque, il y avait déjà des enfants de 12 ans qui recevaient leurs premiers smartphones et commençaient à utiliser les réseaux sociaux, explique la chercheuse. Il y a eu des débats autour des effets négatifs, donc je pense que les parents néerlandais sont aujourd’hui très au courant des risques encourus, et en parlent avec leurs enfants. Ce qui peut avoir un effet préventif. »

Des parents en première ligne

Effectivement, les parents sont bien informés. Charlotte van Asten, une Française vivant depuis quatorze ans aux Pays-Bas avec un Néerlandais, et mère d’un garçon de douze ans raconte : « Dans son école, la tablette était introduite très tôt, dès l’équivalent du CM1, et les classes disposent d’un tableau numérique. Au collège, tous les téléphones sont disposés à l’entrée de la classe et sont rendus sur les temps de pause. » Elle explique également que les élèves sont éduqués à des sujets comme l’addiction aux écrans ou le cyberharcèlement, et qu’elle a été briefée sur les outils de contrôle parental lors de la souscription du forfait de son fils.

En France aussi, la sensibilisation au cyberharcèlement s’invite à l’école, à travers le programme pHARe mis en place en 2021. Concernant le portable, 199 établissements pilotes expérimentent cette année une « pause numérique » avec mise à l’écart du téléphone, sur le modèle d’autres pays. Le gouvernement envisage une généralisation à la rentrée 2025.

D’autres différences sont aussi à chercher du côté culturel, et notamment dans les rapports familiaux. « Les parents néerlandais sont assez souples, ils essaient de comprendre leurs enfants, avance Rejina van den Einjden. En général, les enfants décrivent plutôt de bonnes relations avec vous. Dans l’étude, on voit que les enfants de parents autoritaires, très stricts, qui n’apportent pas beaucoup de soutien émotionnel, ont plus de chance de développer un usage problématique. » Elle rappelle que ces comportements sont la cause ou la conséquence d’autres facteurs, notamment une santé mentale dégradée, un isolement à l’école, ou encore, justement, un divorce à l’âge adulte ou une mauvaise relation avec ses parents.

La mode de la déconnexion

Autre particularité des Pays-Bas : depuis quelques années, de nombreuses initiatives y ont été prises concernant la déconnexion. Un article de The Guardian présente par exemple The Offline club. Contre un coût d’entrée, les clients ont accès à des événements dans des cafés où s’alternent groupes de parole, temps calmes et échanges avec les autres membres, avec obligation de laisser tout écran à l’entrée. Off the radar, quant à elle, organise des soirées musicales sans téléphones. « Ce genre d’événements, où on laisse son téléphone dans un casier à l’entrée, sont de plus en plus populaires aux Pays-Bas », confirme Regina van der Eijnden.

Mais elle nuance aussi, en disant que la tendance concerne surtout « les étudiants, les jeunes adultes, tout au plus les milléniaux ». Charlotte l’assure, le chiffre de l’étude de l’OMS ne figure pas d’une société libérée du téléphone : « Dans le métro, à vélo, tout le monde l’a, constate-t-elle. C’est complètement dans les mœurs. »

L’étude de l’OMS conclut quand même sur une augmentation généralisée des comportements à risques liés aux réseaux sociaux chez les jeunes. Mais elle liste aussi quelques pistes pour lutter contre. D’une part, continuer à sensibiliser les parents. « Mon conseil serait de ne pas donner de téléphone avant l’âge de douze ans, informe Regina van der Einjden. Puis, de privilégier certaines plateformes pour les plus jeunes, comme WhatsApp ou Snapchat, qui, à mon sens, sont moins addictives que les applications avec un fil comme TikTok ou Instagram. » D’autre part, continuer à mettre la pression sur le secteur de la tech pour encadrer les effets des algorithmes. Si ça ne marche pas, il vous reste toujours le gouda pour occuper vos doigts.