Le stratagème du réseau social X, de nouveau disponible au Brésil, qui a pris de court les autorités
comme par magie•Le réseau social a eu recours à Cloudfare, une application qui empêche de bloquer les adresses IP qui se connectent. Une « provocation », selon la presse brésilienne20 Minutes avec AFP
Une astuce technique a permis mercredi au réseau social X de faire son retour au Brésil malgré le blocage imposé par la justice, nouvel épisode du bras de fer entre les autorités et Elon Musk, dont les services ont assuré qu’il s’agissait d’une manœuvre « involontaire ». Certains Brésiliens ont eu mercredi la surprise d’avoir de nouveau accès à l’application mobile de l’ancien Twitter via le réseau cellulaire et le wifi.
Un juge de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, avait ordonné le 30 août la suspension de X, reprochant notamment à la plateforme du milliardaire américain d’avoir ignoré une série de décisions judiciaires liées à la lutte contre la désinformation.
C’est l’Association brésilienne des fournisseurs d’accès Internet (Abrint), un groupement du secteur, qui a expliqué comment la reprise partielle de X avait été techniquement possible. « L’application X a été actualisée […] durant la nuit, ce qui a abouti à un changement significatif dans sa structure », a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Selon l’Abrint, X a eu recours à Cloudflare, une entreprise de cybersécurité qui utilise des adresses IP changeant sans cesse, « rendant le blocage de l’application beaucoup plus difficile ». Auparavant, les adresses IP (identifiant les appareils des internautes) étaient fixes et donc aisément bloquées.
Or, avec l’utilisation de Cloudfare, « beaucoup de ces adresses IP sont partagées avec d’autres services légitimes, comme des banques et de grandes plateformes, rendant impossible de bloquer une IP sans affecter d’autres services », a expliqué l’association. Evoquant « une situation délicate » pour les fournisseurs Internet, elle a dit attendre une « orientation officielle » de l’Agence nationale des télécommunications (Anatel).
Un effet « involontaire », selon X
Dans la soirée, X a assuré que le rétablissement de son service était un effet « involontaire » d’un changement de serveur et resterait « temporaire ». Ce changement « a eu pour effet une restauration involontaire et temporaire du service pour les utilisateurs brésiliens », a indiqué le réseau d’Elon Musk, assurant que X serait « rapidement » bloqué à nouveau dans ce pays.
La Cour suprême « vérifie une information concernant l’accès à X de la part de certains usagers. Apparemment, il s’agit seulement d’une instabilité dans le blocage de certains réseaux », a d’abord réagi la haute juridiction. Plus tard, elle a dit rester, « pour l’heure, sans information » à ce sujet.
L’Anatel a indiqué qu’elle enquête sur « les cas rapportés » d’usagers ayant accès à X, soulignant qu’il n’y avait eu aucun « changement de décision » concernant le blocage.
Les hashtags « Il est revenu » ou « Cloudflare » ont été parmi les plus utilisés mercredi au Brésil.
La « magie » d’Elon Musk passe mal
Dans la nuit, au moment où l’application s’actualisait automatiquement chez certains Brésiliens, Elon Musk a écrit sur son compte : « Toute magie suffisamment avancée est indiscernable de la technologie », une sortie vue comme une « provocation » par la presse brésilienne.
Le milliardaire avait fustigé la suspension de son réseau social, traitant de « dictateur » le juge Moraes. La droite brésilienne emmenée par l’ancien chef de l’Etat Jair Bolsonaro lui avait emboîté le pas. La suspension avait en revanche été soutenue par le gouvernement du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, au nom du respect des lois.
« Juge Alexandre de Moraes : je n’ai pas utilisé de VPN pour entrer ici, j’ai simplement ouvert l’application pour mon rituel quotidien d’abstinence et j’ai vu qu’elle fonctionnait », a posté un usager sur X.
En bloquant le réseau, le juge Moraes avait également prévu des amendes de 50.000 reais (environ 8.000 euros) par jour pour les personnes qui recourraient à des « subterfuges technologiques » pour contourner le blocage, comme l’usage de réseaux privés virtuels (VPN).
Le rétablissement de X met les juges de la Cour suprême « en échec », estime Alexandre Caramelo, professeur de télécommunications au sein de la Fondation Getulio Vargas. « Cela prouve qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » et « ignorent ce qui est techniquement possible. »