RETROStatuts pourris, pokes… A quoi ressemblait le Facebook des boomers

Facebook a 20 ans : Statuts pourris, pokes… A quoi ressemblait le Facebook des boomers

RETROLe 4 février, Facebook fête ses vingt ans. L’occasion de se rappeler comment les internautes utilisaient le réseau social à ses débuts
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Facebook fête déjà ses vingt ans.
  • Si on a l’impression que plus personne ne s’intéresse à ce vieux réseau social, il y a 20 ans, traîner sur Facebook était très cool.
  • Retour sur les premières heures de Facebook avant l’arrivée du like.

«Pense se reconvertir en vieille sorcière pour empoisonner princesse lele » ; « n’aurait pas du mettre son réveil si tôt »… Aux premières heures de Facebook, les utilisateurs inondaient le réseau de statuts plus ou moins cryptiques. Créé le 4 février 2004 (vingt ans déjà !) par le jeune Mark Zuckerberg, étudiant de Harvard, Facebook s’ouvre à tout le monde fin septembre 2006. D’abord pris d’assaut par les étudiants américains et européens, il finit par intéresser adolescents, parents et retraités au fil des années. Mais revenons aux débuts de « Face de bouc » (blague de boomer, comme cet article).

A l’occasion de l’anniversaire de sa création, voyageons une seconde dans le passé du réseau social qui a ringardisé Copains d’avant et feu la messagerie instantanée MSN Messenger.

Si aujourd’hui, on a l’impression que nos « amis » Facebook sont pour la plupart inactifs (pour ne pas dire morts), il fut un temps où le réseau social n’avait rien à envier à X (ex-Twitter) et ses millions de tweets envoyés chaque jour. Les plus ambitieux changeaient leur « statut », toujours écrit à la troisième personne, tous les jours, voire plusieurs fois par jour. « Is » (pour "est") était accolé au pseudo -à l’époque, on pouvait encore être Leeloo ou Gégédu93-. Libre à l’utilisateur de compléter à sa guise par une pensée ou une réflexion, tel un aphorisme du pauvre. « Laure is à la dèche », « Laure is in pain »…

De l’humeur et du lien

« On s’amusait à changer nos pseudos tous les jours, en fonction de notre humeur. Ça n’avait aucun intérêt mais bon », se souvient Théo, un jeune quadra parisien. « Le grand jeu était de pervertir l’obligation de commencer ses statuts en "is", en écrivant une sorte de franglais du genre "Benjamin is travailling" ou "Benjamin is très happy" », complète Benjamin, jeune actif urbain à l’arrivée de Facebook.

Côté design, la créature de Mark Zuckerberg avait tout l’air d’un formulaire administratif sorti de l’ère Web 1 avec un mur (ou wall) un peu statique et des fonctionnalités limitées. Mais en 2007-2008, c’était the place to be pour être un jeune tendance. « On s’inscrivait sans trop réfléchir. C’était être à la page d’y être !, se souvient Thibaut, journaliste strasbourgeois. On regardait qui avait déjà un compte et on cherchait des gens qu’on avait perdu de vue. On se disait qu’on allait pouvoir renouer les liens », poursuit-il.

La mode des pokes

« A l’époque c’était une façon de retrouver les gens avec qui on était au collège ou au lycée (notamment les filles…) », confirme de son côté Théo. En parlant de drague, les vieux de la vieille se souviendront des fameux pokes (et du son associé). Un doigt pour se faire remarquer par quelqu’un, comme pour dire « toc, toc, je suis là ». Une technique de drague timide en ligne qui n’a pas fait très long feu. « Pour être cool, il fallait "poker" avec du second degré bien sûr, pas juste pour draguer. Le comble du cool était de signaler IRL, à la cantonade, "hey je t’ai poké", pour bien montrer notre distance ironique vis-à-vis du poke, et vis-à-vis de Facebook d’ailleurs », décrit Benjamin. Croyez-le ou non, le like est arrivé bien après le poke, en 2008.

Rapidement, on a pu commencer à afficher nos localisations, montrer tous les lieux où on traînait et même tagger ceux avec qui on passait notre temps. Une façon d’afficher la richesse de nos activités et de dire au reste du monde : on a plein de potes et on fait plein de trucs super. Un Instagram avant l’heure, avec toujours l’idée, non assumée, que notre vie est bien plus palpitante que celle des autres. « J’ai pas mal utilisé la géolocalisation à la place des statuts, ça faisait plus classe avec tous les petits badges qui s’affichaient sur la page des lieux visités », admet Julie, une nantaise qui a commencé à utiliser Facebook dès 2007.

« Pour que la Royal reste une pizza »

Sur le mur, on pouvait voir avec qui nos amis venaient de devenir amis, les gens étaient taggés sur les photos de soirée, si bien qu’on pouvait retrouver quasi n’importe qui. Et même traquer son ex ou l’ex de son coup de cœur. Un terrain de jeu absolument jouissif pour tout amateur d’espionnage. Mais Facebook, au début, rassemblait vraiment nos amis et permettait de garder le contact. « Je prévenais mes amis en publiant sur mon mur, par exemple, que j’avais perdu mon téléphone et que j’étais donc injoignable, se souvient Cécile, encore ado aux premières heures du réseau social. C’était l’interface de secours quand je n’avais pas de portable, ce qui arrivait plutôt souvent. »

On créait des groupes un peu perchés : « Jour, z’êtes journaliste ? Non, je suis venu à ta kermesse pour le plaisir » ou « J’ai lu le Maître et Marguerite de Boulgakov ». « Il y avait beaucoup de groupes "humour" comme "Pour que la Royal reste une pizza". On y adhérait pour la blague mais on n’en faisait rien derrière », poursuit Cécile.

Depuis, les pokes ont disparu au profit des likes (le bouton j’aime et six autres réactions), les statuts ont laissé la place aux publications (photos, vidéos, articles, humeur), les groupes sont inactifs, on peut suivre des artistes, des événements publics ou privés. Les stories façon Insta ont débarqué, mais les utilisateurs ont déserté. « Aujourd’hui, je n’y vais quasiment plus mais j’ai toujours les "souvenirs" des publications d’il y a quinze ans ou presque, et j’ai un peu honte… », se désole Nathanaël, un lecteur de 20 Minutes. Vingt ans après, Facebook nous rappelle chaque jour qu’il fut un temps, c’était cool d’être sur ce réseau.