Pinterest, bientôt épinglé pour incitation au «pillage» de contenu?
WEB•Le réseau social à la mode, qui permet de partager des images, est déjà confronté à une polémique aux Etats-Unis. Le principe même du site inciterait à bafouer les règles du droit d'auteur...Anaëlle Grondin
Le réseau social Pinterest commence seulement à être connu en France. Mais les mères de famille en sont déjà accro aux Etats-Unis. Créé il y a deux ans, le site américain, qui permet d’«épingler» («to pin» en anglais) des images en fonction de ses centres d’intérêt sur des tableaux en liège virtuels et de les partager avec ses contacts, compte déjà près de 20 millions d’adeptes dans le monde. La Toile n’a pas fini d’en parler.
Les utilisateurs assidus de ce «nouveau» réseau social à la mode se sont déjà créé de véritables collections de photographies. Des fiches de recettes, images des paires de chaussures sur lesquelles on a craqué, panoramas de lieux que l’on meurt d’envie de visiter, photos «arty» que l’on trouve sublimes. Le tout, pioché à droite à gauche sur le Web, et épinglé en une fraction de seconde grâce à un bouton «pin it» développé par Pinterest, intégré au navigateur Internet. Il suffit alors d’un clic pour ajouter une image à un de ses tableaux virtuels depuis n’importe quelle page.
Quel statut pour le partage de photos sur Pinterest?
A première vue, le concept est aussi original que sympathique. Mais certains utilisateurs se montrent inquiets. C’est le cas de l’Américaine Kirsten Kowalski, avocate et photographe à Atlanta, présente sur le réseau social. Dans une note de blog publiée fin février elle s’est interrogée au sujet du statut du partage des contenus. En publiant des images sur leurs tableaux virtuels au gré de leurs découvertes sur le Net, les utilisateurs ne vérifient pas s’ils violent les règles du droit d’auteur ou non. Si certains producteurs de contenus graphiques comme les photographes se réjouissent de voir le trafic vers leur site augmenter et leur travail gagner en visibilité, d’autres commencent à être agacés par un certain parasitisme, rapporte le Wall Street Journal.
Le journal américain se demande si l’on peut parler de «fair use» (usage équitable) ou non lorsque quelqu’un épingle des images soumises au droit d’auteur en créditant son propriétaire ou en mettant un lien vers le site d’origine. Il s’agit d’un mécanisme de la propriété intellectuelle outre-Atlantique qui permet d’utiliser des contenus protégés à condition de respecter certains critères. «Une miniature pourrait être acceptable. Mais copier des images en haute résolution pourrait ne pas l’être pour le photographe», écrit le Wall Street Journal. Or, les photos épinglées sur Pinterest sont copiées sur les serveurs du site en très bonne qualité. Par ailleurs, en cliquant sur une image qui a été «repinned», c'est-à-dire épinglée une nouvelle fois à partir d’un tableau virtuel d’un ami, le lien ne mène plus forcément au site de l’auteur. Le site pourrait alors porter atteinte au marché potentiel de certaines œuvres.
Pinterest, le prochain Napster?
Une réflexion qui a poussé le Wall Street Journal à poser la question: Pinterest est-il le prochain Napster? La (toute première) plateforme de peer-to-peer, créée en 1999, avait été fermée trois ans plus tard pour infraction à la législation sur le droit d’auteur. Jusqu’à présent, Pinterest s’est abrité derrière le Digital Millenium Copyright Act (DMCA): sa responsabilité n’est engagée que s’il ne retire pas les contenus illégaux qui lui sont signalés par le biais d’une demande de retrait. Ainsi, un formulaire en ligne a été mis à disposition des auteurs, leur permettant de notifier les violations de copyright. Au final, la responsabilité est donc rejetée sur l’utilisateur. Chose qui figure noir sur blanc dans les conditions générales d’utilisation du site (mais encore faut-il les lire avant de s’inscrire): les membres de Pinterest doivent être titulaires des droits sur les contenus qu’ils partagent ou doivent disposer de l’autorisation explicite de leurs auteurs avant d’épingler quoi que ce soit…
Pinterest, élue meilleure start up par TechCrunch en 2011, dispose cependant d’un outil qui pourrait lui éviter le même sort que Napster: le «opt-out» (option de retrait). Un code à insérer sur un site Internet, permettant de bloquer le partage des images qui se trouvent sur ses pages. Le site Flickr n’a pas hésité à l’utiliser pour toutes les photographies sous copyright qu’il héberge. Une preuve de bonne volonté de la part de Pinterest. Mais cela sera-t-il suffisant?
>> Et vous, êtes-vous sur Pinterest? Si oui, vérifiez-vous systématiquement que vous avez le droit de partager une image avant de cliquer sur «Pin it»? Dites-le nous dans les commentaires ci-dessous…