Les revendeurs Apple en colère contre la firme à la pomme
REPORTAGE•Environ 80 salariés de revendeurs agréés par Apple à Paris ont manifesté ce jeudi devant l'Apple Store d'Opéra. Ils se disent «asphyxiés» par la firme et dénoncent ses pratiques commerciales...Anaëlle Grondin
«Apple nous tue», «Loyauté bafouée, clients détournés». Pancarte dans une main et pomme dans l’autre, plusieurs dizaines de salariés de la société eBizcuss, propriétaire d’ICLG, le plus gros réseau de revendeurs agréés par Apple en France avec 15 magasins, sont venus crier leur colère devant l’Apple Store d’Opéra à Paris ce jeudi midi. Depuis l’apparition dès 2009 des boutiques officielles d’Apple en France comme celle-ci ou celle du Carrousel du Louvre, les revendeurs Apple s’estiment marginalisés par la firme et ont peur de voir leurs emplois disparaître. «Apple nous étrangle en créant des pénuries. On n’a pas de produits à vendre, même lorsqu’une nouveauté sort. C’est réservé aux Apple Store. On n’a jamais reçu l’iPhone 4S ni l'iPad 2», s’est insurgée Patricia Allouche, responsable d’un magasin ICLG de l’avenue Parmentier dans le 11e arrondissement de Paris. «Toute la clientèle qu’on s’est constituée est partie», a-t-elle déploré avant d’ajouter: «La société existe depuis 30 ans. On a choisi Apple au départ car la marque n’était pas présente en France. Aujourd’hui nous sommes formés à l’iPhone et l’iPad. On fait des démonstrations. Mais on n’en a pas en stock. Alors on redirige nos clients vers les Apple Store». Rosa, salariée dans un autre magasin agréé à Paris explique qu’aujourd’hui elle n’a «que de petits accessoires ou des iPod» à vendre. «Ça a commencé à l’ouverture du premier Apple Store et ça va crescendo», a-t-elle dénoncé.
«Apple envoie des ‘clients mystères’»
Pendant ce temps, «Apple nous impose des contraintes énormes», lâche Patricia Allouche. «Nos vendeurs sont obligés d’être formés à leurs produits et nous avons des contraintes d’exposition très strictes. Par exemple, les espaces entre deux tablettes ou deux Mac en démonstration sont mesurés. Tout est contrôlé de manière officielle. Et Apple envoie en plus des ‘clients mystères’ qui viennent voir si on est souriants ou si les démonstrations sont bien faites». Cette personne peut se faire passer pour un étudiant, par exemple. Rosa, qui soutient que tous les revendeurs Apple dans l’Hexagone sont «en danger», a refusé de parler des bénéfices réalisés. Mais un de ses confrères a confié cette semaine aux Echos que la marge des revendeurs est d’environ 3% contre 10% il y a quelques années. Aujourd’hui, seule la marge arrière constitue un moyen de compensation, mais ce supplément de bénéfice «est dispensé au bon vouloir d’Apple, qui distribue les bonnes et les mauvaises notes en fonction de la qualité du point de vente, de la formation des vendeurs, du volume des achats», a-t-il expliqué au journal économique.
Cette semaine, pour faire entendre leur voix, ces employés d’eBizcuss/ICLG, rejoints par les salariés d’autres revendeurs, ont créé un collectif, baptisé «La pomme de discorde». C’est lui qui a appelé à la manifestation ce jeudi. Il compte à ce jour 70 à 80 membres, qui espèrent «rameuter tous ceux qui sont dans la même situation pour obtenir une réponse de Tim Cook», le PDG d’Apple. Pour le moment, le collectif dit n’avoir reçu aucune réponse de la firme à la pomme.
eBizcuss, au bord de la faillite
En novembre dernier, eBizcuss avait déposé un référé contre Apple. Emmanuel Paquette, journaliste à L’Express, précise sur son blog que cette société qui emploie 200 personnes a fini par recevoir de nouveaux produits. «Mais cette fois, nous avons réceptionné des produits en masse, nous obligeant à avancer de l’argent et mettant à mal notre trésorerie», a expliqué une source proche du dossier. L’entreprise est aujourd’hui au bord de la faillite, avec «un chiffre d’affaires en chute de 22% pour son troisième trimestre fiscal et un cours de Bourse qui a plongé de 50% depuis un an», indiquent Les Echos. En outre, YouCast, un autre revendeur, a été placé en redressement judiciaire récemment. Pendant ce temps, Apple affiche une croissance record de 60%. Contactée par 20 Minutes, la firme à la pomme n’a pas encore réagi.