Nokia: «On n'a pas été assez réactif sur les smartphones mais la bataille est devant nous»
INTERVIEW CROISEE•A l'occasion du lancement cette semaine du Lumia 800, le tout nouveau smartphone de Nokia sous Windows Phone, «20 Minutes» a rencontré Paul Amsellem, directeur général France de Nokia, et Marc Jalabert, directeur division grand public et opérateurs de Microsoft...Propos recueillis par Anaëlle Grondin
Votre partenariat est présenté comme la dernière chance pour Nokia de regagner du terrain sur le marché des smartphones. Au dernier trimestre, le groupe a vu ses parts de marché sur ce front se réduire à 22,8%, soit trois fois moins qu'en 2007… En quoi vous comptez vous démarquer des concurrents que sont Apple et les constructeurs qui ont choisi Android?
Paul Amsellem: Regardez-moi ce smartphone! Vous ne trouvez-pas que son design est innovant, la coque, la ligne, les couleurs flashy? Pour moi, le design c’est le premier point. Ensuite il y a les fonctionnalités qui mettent en avant le contact. Sans oublier le GPS gratuit Nokia Drive qui est directement intégré. Et aussi SkyDrive (service gratuit de stockage et de partage en ligne conçu par Microsoft, ndlr), qui permet d’avoir 25 Go de sauvegardes de données, photos, vidéos et aussi documents avec Word, Excel, directement dans le téléphone puisque ce sont des produits Microsoft.
Marc Jalabert: De notre côté chez Microsoft (qui développe le système d’exploitation Windows Phone, ndlr), on a une stratégie qui est vraiment de démocratiser l’utilisation des smartphones. On veut très rapidement arriver sur des téléphones qui sont accessibles au niveau des prix. Et on mise énormément sur la simplicité.
Au niveau hardware, les entrailles du Lumia 800 n’arrivent pas tout à fait au niveau du dernier iPhone ou encore d’un Samsung Galaxy… Et il sera difficile de convaincre des consommateurs qui ont déjà acheté toutes leurs applications sur l’App Store ou l’Android Market. Quelle est votre cible?
Marc Jalabert: On vise les 60% de Français qui n’ont pas encore de smartphones.
Paul Amsellem: Et puis les 15-25, trendy, dynamiques, qui ont envie d’avoir un téléphone autre que noir à mettre dans leur sac à main. On veut que les gens ressortent leurs téléphones en soirées sur les tables comme c’était le cas quand l’iPhone venait de sortir.
Vous misez énormément sur le côté mode. Vous pensez vraiment que le design est la chose la plus importante dans le choix d’un smartphone?
Paul Amsellem: Aujourd’hui en France, c’est le premier déclencheur d’achats. En deuxième il y a le prix. En troisième, ce qu’il y a à l’intérieur du téléphone.
Pourquoi avoir choisi Microsoft et Windows Phone comme partenaire?
Paul Amsellem: On estime que c’est un OS qui est ouvert, et surtout il nous permet nous aussi de notre côté d’ajouter des services en plus (comme le Nokia Drive). Apple a un OS qui est fermé, Android n’est pas stable…
Marc Jalabert: De notre côté, on sait que Nokia fait partie des pionniers de la téléphonie mobile et est extrêmement réputé pour la qualité de ses téléphones. Les notions de vignettes dynamiques et de couleurs que Windows Phone met en avant sur l’écran d’accueil sont dans l’esprit du design pensé par Nokia. Il a poussé l’intégration assez loin. Il y a une très forte complémentarité.
Pour le moment la bibliothèque d’applications n’en compte que 35.000 contre 420.000 pour Apple et 200.000 pour Google en juin dernier. Cela peut être un frein pour un achat dans l’immédiat…
Paul Amsellem: Il y en a plein d’autres qui vont arriver.
Marc Jalabert: Il n’y a pas de problème sur les «top applications», celles qui sont les plus utilisées. Mais comme disait Paul, les développeurs vont petit à petit en rajouter. Ce lancement avec Nokia crédibilise ce troisième écosystème qu’est Windows Phone auprès des développeurs. Et quand on regarde les prévisions des analystes, IDC ou Gartner, le marché des smartphones se démocratisant les prix vont vraiment baisser. On va sortir un peu du domaine exclusif dans lequel les smartphones sont confinés aujourd’hui. C’est une belle opportunité pour les développeurs.
Comment expliquez-vous le retard de Nokia ces dernières années sur le marché du smartphone? Le groupe s’est laissé complètement dépasser par Apple et d’autres concurrents comme Samsung, par exemple.
Paul Amsellem: Peut-être qu’on est passé à côté de tendances. Comme d’autres dans d’autres secteurs: Mercedes a connu ses moments de creux et aujourd’hui repart très bien… C’est une économie qui va très vite. On n’a pas été assez rapide et réactif. On s’est peut-être laissé déborder. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a moins de 5% des gens dans le monde qui ont un smartphone. Quand tout le monde pense qu’on s’est laissé dépasser et que c’est fini, attention la bataille est devant nous et non pas derrière nous. On a encore énormément de gens à aller conquérir. On a des réseaux de distributions dans le monde entier et des relations avec les opérateurs télécom que la plupart des concurrents que vous citez n’ont que depuis récemment et pas depuis 20 ou 30 ans, comme nous.
Les Echos écrivaient mardi, en vous citant, Paul Amsellen, que vous préparez une tablette sous Windows 8 pour l’année prochaine. Pouvez-vous nous en dire plus?
Paul Amsellen : Je n’ai pas de confirmation, donc pas de commentaires.