retroPourquoi les assistants d’IA générative adorent les prénoms de vieux ?

Claude, Georges… Pourquoi les assistants d’IA générative adorent les prénoms de vieux ?

retroPlusieurs interfaces d’intelligence artificielle générative portent d’anciens prénoms, une façon de conjurer les peurs associées à cette technologie
Pourquoi les assistants d'IA générative adorent les prénoms de vieux ?
Pourquoi les assistants d'IA générative adorent les prénoms de vieux ?  - Teresa Crawford/AP/SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Si Jade, Romy, Gabriel et Léo ont le vent en poupe chez les enfants, du côté des IA, on leur préfère Albert, Mona, Claude ou Georges. Plusieurs interfaces d’intelligence artificielle générative portent des noms au charme suranné – pour ne pas dire prénoms de vieux –, une façon de conjurer les peurs associées à cette technologie inédite qui bouleverse nos sociétés, selon des expertes.

« Tradition et valeurs »

Lorsqu’il a fallu trouver un nom à son outil d’intelligence générative, spécialisé dans l’aide à la création d’entreprise, Rachid Belaziz a sollicité son équipe marketing. Le consensus est vite arrivé, ce serait Georges.

Cela évoque « quelqu’un de posé », « réfléchi », « avec de l’expérience » et renvoie à une idée « de tradition et de valeurs », raconte à l’AFP le chef d’entreprise originaire du Gers, dans le sud-ouest de la France. « Il faut de la sérénité parce que souvent, les gens s’enflamment quand ils veulent monter leur entreprise », poursuit-il.

Georges est un agent conversationnel (ou « chatbot ») avec qui un utilisateur peut dialoguer de son projet pour parvenir à la production d’un plan d’affaires en quelques minutes. Une tâche qui peut habituellement prendre entre deux à trois semaines. Il est là « pour poser un cadre, un peu comme un professeur », précise Rachid Belaziz.

Un prénom facilement mémorisable

Ulrich Tan, de la direction interministérielle du Numérique (Dinum), qui a développé Albert, une intelligence artificielle déployée dans l’administration française, cherchait quelque chose de « mémorisable ». Et surtout pas un acronyme.

« Beaucoup d’agents publics connaissent aujourd’hui cette IA car ce n’est pas un nom qu’on a l’habitude d’entendre ailleurs et encore moins dans le monde du numérique », souligne-t-il.

Aide à la recherche d’information, la synthèse de documents ou encore la génération de réponses à des avis d’usagers : près de 200 fonctionnaires utilisent désormais Albert, lancé en janvier dans plusieurs services de l’État français.

« Chaleureux et attachant »

La start-up californienne Anthropic, a, elle, baptisé son modèle d’IA générative, Claude, en hommage au mathématicien américain Claude Shannon, dont les théories sur le langage binaire appliqué au circuit électrique ont rendu possible les réseaux modernes de communication de masse.

« Claude est là pour vous aider », clame le site Internet de la start-up, qui a dévoilé sa première version en mars 2023.

Comme son rival ChatGPT créé par OpenAi, et dont la sortie en 2022 a lancé la révolution de l’IA générative, Claude peut produire toutes sortes de contenus sur simple requête en langage courant, et permet d’interagir avec une machine comme jamais auparavant. Le tout avec un nom « chaleureux et attachant », explique à l’AFP, une porte-parole d’Anthropic.

Comme à un grand-père

Ce choix de prénoms relève avant tout « d’une stratégie de réassurance » pour la sémiologue Gaëlle Pineda face à une technologie qui « fait peur ». Il s’agit ainsi de « donner une incarnation, de la chair, à quelque chose qui, dans les représentations culturelles, en est dépourvu », poursuit-elle.

Les intelligences génératives n’ont fait que récemment irruption dans nos vies, qu’il s’agisse de digérer des textes complexes, de produire des poèmes en quelques secondes ou de réussir des examens médicaux. Un bond qui suscite autant de promesses que d’inquiétudes sur les plans économiques, sociaux et sociétaux.

L’IA convoque ainsi des craintes liées à « un futur dystopique, à la Orwell ou Terminator », abonde auprès de l’AFP, Elodie Mielczareck, sémiologue. « La meilleure façon de conjurer cette peur-là, c’est d’y injecter du passé, une épaisseur historique » que peuvent revêtir les prénoms désuets, soutient-elle.

« On s’imagine que Claude ou Georges, ce sont des personnes d’une génération qui nous précède et donc qui ont pu emmagasiner une certaine sagesse qui serait une sagesse de l’humanité », pour l’experte.

L’équipe d’Anthropic souhaiterait que les internautes se représentent Claude comme « quelqu’un à qui on irait demander conseil », comme à un grand-père.

Ulrich Tan voit quant à lui la tendance des noms néo-rétro comme une façon de rappeler « que des avancées technologiques, il y en a eu par le passé et il y en aura dans l’avenir ». « Aujourd’hui, travailler sur une technologie de pointe, c’est finalement poursuivre sur cette lancée-là », conclut-il. Comme un trait d’union entre le passé et le futur.