« Et si on levait les yeux ? » : ce documentaire a-t-il la recette pour éloigner les enfants des écrans ?
SMARTPHONES•« 20 Minutes » a rencontré le réalisateur et le producteur de ce documentaire diffusé sur Public Sénat, qui relate le combat d’un instituteur pour éloigner ses élèves de leurs écransChristophe Séfrin
L'essentiel
- La chaîne Public Sénat diffuse ce 17 février à 21 heures Et si on levait les yeux ?, un documentaire où l’on découvre comment un instituteur de classe de CM2 met tout en œuvre pour éloigner ses élèves des écrans.
- Réalisé et interprété par Gilles Vernet, le film produit par Guillaume Combastet, explique qu’il n’y a pas de fatalité et que des solutions existent pour reconnecter les enfants aux plaisirs bien réels de la vie.
- Éducation au numérique et à l’usage des écrans, contrôle parental obligatoire et exemplarité des aînés sont autant de pistes qui devraient être privilégiées.
C’est au cœur d’une classe de CM2 que nous entraîne le documentaire Et si on levait les yeux ?, diffusé ce 17 février à 21 heures sur Public Sénat. Une classe où, comme de nombreuses autres désormais, le temps libre des enfants est le plus souvent cannibalisé par l’usage de leur smartphone. Réalisateur du film, leur instituteur Gilles Vernet a fait les comptes avec ses élèves : 6 heures de temps d’écran quotidiennes en moyenne pour chacun ! Il se donne 10 mois (le temps d’une année scolaire) pour leur démontrer qu’ils peuvent reprendre le contrôle. Et lever les yeux…
Inculture et chute du langage
Et si l’on ne fait rien ? Il y aurait effectivement de quoi s’inquiéter sur l’avenir de nos chères têtes blondes, brunes et rousses. « Ce qui est le plus alarmant, fondamentalement, plus encore que le harcèlement qui est déjà une plaie absolue, c’est d’abord la chute du langage. Je constate l’inculture profonde des élèves que j’accueille à chaque rentrée en CM2. Auparavant, une moitié d’entre eux avait déjà lu Le Petit Prince et quelques livres, comme Charlie et la Chocolaterie. Désormais, s’il y en a trois qui ont ce bagage, je suis content », déplore Gilles Vernet. Qui constate par ailleurs qu’à cause des écrans, le langage intra familial disparaît.
Dans son film, la psychologue spécialiste de l’enfance Sophie Marinopoulos* le confirme : « De plus en plus, les familles, ce sont des petits morceaux. On est chacun dans sa pièce sur son écran ». Résultat : des enfants laissés seuls sur leur smartphone et le langage qui ne se transmet plus.
Les liens avec les proches piratés
Cela fait dix ans que l’instit Gilles Vernet voit cette vague arriver et s’accélérer. « Moindre capacité d’attention, appauvrissement du langage, perte du goût de l’effort, isolement, inaptitude à l’attente, à l’ennui »… les séquelles laissées par les écrans sur nos enfants sont calamiteuses. Son film Et si on levait les yeux ? se veut pourtant résolument optimiste. Car, sans oublier de parler des vertus de nos smartphones, l’enseignant a décidé d’expliquer pas à pas à ses élèves les effets insidieux de leurs écrans, comment les contenus pouvant être visionnés leur font secréter de la dopamine (l’hormone du plaisir), quelle est cette force d’attraction qui les dépossède de leur volonté et leurs désirs et, finalement, comment les écrans « piratent » leurs liens avec leurs proches. « Ce sont des graines que l’on sème », explique Gilles Vernet à 20 Minutes.
Bilan à l’issue de cette année de ce sevrage ? « Globalement, il y a eu vraiment une prise de conscience », se félicite le professeur des écoles. « On finit par obtenir en quelques mois des résultats surréalistes avec des enfants que l’on arrive à convaincre de limiter leurs interactions avec un écran à l’aide d’un timer, de lire, de jouer, de sortir. » Ses préconisations : l’éducation des enfants au numérique et au bon usage des écrans ; l’obligation d’un contrôle parental gratuit sur leur smartphone ; mais aussi l’exemplarité des parents. En attendant les résultats, fin mars, de la la Commission Macron sur la surexposition des jeunes écrans…
Un hommage au métier d’enseignant
« Le film s’adresse aux parents et à leurs enfants qui veulent ouvrir une discussion sur le sujet, mais aussi aux instituteurs qui, pour la plupart sont démunis face au phénomène, ne savent pas nécessairement comment répondre aux demandes des parents », explique Guillaume Combastet, le producteur de Et si on levait les yeux ?
Et si ce documentaire était le Être et avoir de la génération alpha, celle des enfants nés entre 2010 et 2024… avec un smartphone dans la main ? « Au-delà de la thématique des écrans, c’est surtout un hommage au métier d’instituteur », revendique Guillaume Combastet. « Je souhaite que ce film, aussi, puisse remettre l’église au centre du village concernant ce métier, et le valorise. Gilles Vernet est quelqu’un de combatif, qui a une passion pour la transmission et qui se bat au jour le jour pour élever au maximum ses élèves vers un sens critique, une citoyenneté éclairée. C’est un hussard noir du XXIe siècle ! » Après sa diffusion sur Public Sénat, Et si on levait les yeux ? deviendra un outil pédagogique dont les enseignants pourront s’emparer.
* Auteur de « Les Tout-petits face aux écrans. L’épidémie silencieuse » (éditions du Rocher).