Faillite de FTX : Génie imprudent des cryptos ou truand, Sam Bankman-Fried face à la justice
fiasco•Le jeune entrepreneur, qui valait jusqu’à 26 milliards de dollars avant sa chute, risque de finir ses jours en prison20 Minutes avec AFP
L’histoire de « SBF », son surnom, est de celles qu’affectionne Hollywood : l’ascension météorique d’un entrepreneur charismatique qui semblait à même d’aider le monde des cryptomonnaies à acquérir respectabilité et stabilité, mais qui a explosé en vol. Près d’un an après l’implosion de sa plateforme d’échanges de cryptomonnaies FTX, l’Américain Sam Bankman-Fried, héros des monnaies numériques devenu paria, va répondre d’accusations de fraude devant un tribunal fédéral new-yorkais à partir de ce mardi.
En cas de condamnation, le jeune trentenaire est susceptible de passer le reste de ses jours en prison, car les sept chefs d’inculpation retenus contre lui sont passibles, au total, de plusieurs dizaines d’années de réclusion.
T-shirt et bermuda
En quelques mois seulement, ce diplômé de physique du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) a fait d’une petite start-up, lancée en 2019, la deuxième plateforme mondiale d’échanges de cryptomonnaies. Il s’élève rapidement au-dessus de sa condition de jeune patron, décidé à jouer un rôle d’ambassadeur des cryptos, des médias au Congrès où il fait sa première apparition en décembre 2021, lors d’une audition sur le secteur.
Le public découvre un personnage atypique, à l’abondante chevelure bouclée et au visage rond, qui, quand il n’est pas en costume dans les allées du Congrès, arbore, en permanence, t-shirt et bermuda. « SBF » séduit les élus américains par son langage clair et sa vision de l’avenir des cryptomonnaies, incluant un cadre réglementaire extensif, alors que beaucoup, dans le milieu, y sont opposés.
Les politiques et les sportifs sous le charme
Il multiplie les nouveaux projets, d’une plateforme de dons en cryptomonnaies pour l’Ukraine aux cartes de crédit crypto, en passant par la création d’un marché de produits financiers dérivés qui marche directement sur les plates-bandes des Bourses américaines.
Actionnaire majoritaire de son groupe, le Californien d’origine est à la tête d’une fortune estimée à son pic à 26 milliards de dollars. « Seul Zuck (Mark Zuckerberg) est devenu si riche, si jeune », titre le magazine Forbes en octobre 2021.
Ce fils de deux universitaires de Stanford s’aventure bien au-delà de l’univers crypto, effectue des donations à des candidats politiques américains, principalement démocrates. Il dîne avec le républicain Mitch McConnell. Il convainc des célébrités comme la légende du football américain Tom Brady ou le basketteur Stephen Curry de vanter les mérites de FTX, contre forte rémunération de plusieurs dizaines de millions de dollars.
Selon la chaîne CNBC, « SBF » fait même signer un contrat à Taylor Swift, avant de renoncer finalement au partenariat. Ce végan prône le concept de l’altruisme efficace, qui consiste notamment à donner tout ou partie de sa fortune à des oeuvres.
Lorsque la tempête se lève sur les cryptomonnaies, au printemps 2022, il se pose en élément stabilisateur, rachetant la plateforme en difficulté BlockFi ou les actifs d’un autre acteur en faillite, Voyager.
« Nous prenons au sérieux notre devoir de protéger l’écosystème des actifs numériques et ses clients », tweete alors Sam Bankman-Fried, que certains comparent déjà alors au pape du capitalisme américain Warren Buffett, alors qu’il vient à peine d’avoir 30 ans.
Mais derrière cette façade rassurante, le trublion se livre à un numéro d’équilibriste financier et prend des risques colossaux, selon ce que révéleront, plus tard, des documents judiciaires.
7 millilliards de dollars envolés
Son équipe aurait utilisé l’argent déposé par les clients sur la plateforme FTX pour alimenter, sans leur consentement, les paris audacieux de sa filiale Alameda, acheter des biens immobiliers ou ses dons aux politiques. Les relations avec Alameda sont incesteuses : la firme d’investissement est dirigée par l’ex petite copine de SBF, Caroline Ellison. Elle aussi inculpée, elle a plaidé coupable et sera un témoin à charge au procès.
Début novembre 2022, le média CoinDesk révèle qu’Alameda a converti une bonne partie de ses actifs en FTT, la cryptomonnaie créée par FTX, ce qui l’expose à une chute de la devise. Quelques heures plus tard, Changpeng Zhao, patron de Binance, première plateforme mondiale, annonce la vente de tous les FTT détenus par son groupe. La cryptomonnaie s’effondre, perdant 90 % de sa valeur sur quelques jours, et l’empire de « SBF » avec elle. Plus de 7 milliards de dollars de déposés par les clients manque à l'appel.
« Fauché »
Extradé des Bahamas, où se trouvait le siège de FTX, le jeune trentenaire, dont la fortune s’est évaporée, est inculpé mi-décembre notamment de fraude et d’association de malfaiteurs. Il doit répondre, durant son procès qui démarre mardi, de sept chefs d’accusation devant un tribunal de Manhattan.
« Je suis fauché, je porte un bracelet électronique et je suis l’une des personnes les plus haïes au monde », écrivait l’accusé dans un document publié récemment par le New York Times.
Quelques jours après l’implosion de FTX, « SBF » avait admis avoir « foiré », mais il dément tout détournement de fonds et charge régulièrement ses anciens collègues, dont certains devraient témoigner contre lui au procès. « Il n’y a rien que je puisse faire qui donne à ma vie un bilan positif », a-t-il écrit. « Mais la vérité, c’est que j’ai fait ce que je pensais être juste. »