INTERNETLoppsi2, le fail annoncé de l'article 4?

Loppsi2, le fail annoncé de l'article 4?

INTERNETLe filtrage de certains sites, prévu par le projet de loi, serait tout bonnement inefficace...
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Sandrine Cochard

Sandrine Cochard

Mesure phare défendu par le projet de loi Loppsi2, l’article 4 instaurant le filtrage de sites aux contenus pédopornographiques sera-t-il bientôt enterré? Selon une étude publiée l’été dernier par la Fédération française des télécoms, et déterrée mercredi par Le Monde, le filtrage des sites serait inefficace.


Contournables


Cette «étude d'impact du blocage des sites pédopornographiques», réalisée par deux cabinets, arrive à ce constat sans appel: «Toutes les techniques de blocage, sans exception aucune, sont contournables. Elles n’empêcheront pas des utilisateurs malveillants de trouver des parades pour accéder aux contenus illégaux.» Et d’enfoncer le clou, soulignant que certains modes opératoires ne sont même pas concernés par l’article 4. «Tous les contenus diffusés sur des réseaux Peer-2-Peer, par des services de messagerie instantanée échappent au périmètre de blocage, alors même qu’ils sont les principaux supports constatés d’échange d’images pédopornographiques.»


La faisabilité technique du blocage n’est pas le seul obstacle freinant l’application du filtrage. Selon Fabrice Epelboin, journaliste pour le site Read Write Web France, les distributeurs de ces images illicites auraient anticipé la riposte de l’Etat et se serait organisés en «cybermafia». « L’idée de censurer la pédopornographie date en réalité du début du XXIe siècle, sa mise en œuvre, elle, remonte, pour les pays précurseurs, à quelques années. Mais cela fait maintenant dix ans que les distributeurs de pédopornographie sont conscients que cette menace planait sur leur portefeuille», explique-t-il dans l’étude «Le commerce de la pédopornographie sur Internet de 2000 à 2010» qu’il a réalisée en janvier dernier (et disponible en creative commons). Fabrice Epelboin décrit ainsi des circuits de distributions organisés en botnet (un réseau comptant jusqu'à plusieurs millions d'ordinateurs dit «zombies») et qui échappent donc au filtrage.


Bataille de chiffres


Que reste-t-il alors au gouvernement pour traquer les sites illicites? Une plateforme de signalement, lancée en 2006 pour les contenus à caractères pédophiles avant d’être étendue à l’ensemble des délits en septembre 2008 par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur. Son remplaçant Brice Hortefeux a d’ailleurs assuré mardi, à la tribune de l’Assemblée nationale, qu’elle avait enregistré 10.990 signalements de contenus pédopornographiques depuis son lancement. «10.900 internautes ont visionné involontairement de telles images», en a-t-il déduit, «en insistant sur le terme "involontairement"», souligne le site Numerama.


Une analyse mise à mal par l’étude de Fabrice Epelboin. «Tomber “par hasard” sur des contenus pédophiles de nos jours en surfant sur le web est une vaste plaisanterie, à moins que la nécrophilie ou la zoophilie ne fassent partie de vos recherches quotidiennes sur Internet, cela n’a aucune chance de vous arriver “par hasard”».


Contacté par 20minutes.fr pour obtenir des précisions sur le chiffre avancé par Brice Hortefeux, le ministère de l’Intérieur n’avait pas réagi à 18h. Il existe en revanche d’autres chiffres, fournis la semaine dernière par l'Association des Fournisseurs d'Accès et de Services Internet (AFA) et issus de sa propre plateforme de signalement durant l’année 2009. Selon elle, le nombre de contenus signalés «présentant un contenu pornographique accessible aux mineurs potentiellement illégaux» aurait baissé, alors que le nombre de signalement aurait au contraire augmenté, souligne Numerama. «Sur 4.573 sites signalés à l'AFA comme pédopornographiques par les internautes en 2009, 987 avaient selon l'association un caractère "potentiellement illégal". Ce qui ne veut pas dire que les 987 sites restants étaient pédopornographies, mais simplement qu'il était sûr que les 3.786 autres étaient des signalements erronés», explique le site.


«Rappelons qu'au premier semestre 2009, sur 26.222 signalements de tous types reçus par le gouvernement, 3.500 seulement ont fait ensuite l'objet d'une fiche de délit, et 762 l'objet d'une enquête» conclut Numerama. La bataille de chiffres ne fait que commencer.