Les administrateurs de Snowtigers sont-ils des «criminels organisés» ou de gentils pirates?
TELECHARGEMENT•Entre les déclarations des uns et des autres, forcément orientées, dur de s'y retrouver...Philippe Berry
De notre correspondant à Los Angeles
Il suffit de parcourir vos 170 commentaires pour s 'en convaincre: le raid des autorités contre le site français Snowtigers ne laisse personne indifférent.
De nombreuses questions restent en suspens. D'un côté, la gendarmerie, que nous avons encore contactée jeudi, refuse d'en dire davantage, l'instruction étant toujours en cours –elle devrait cependant pouvoir communiquer dans les prochains jours. Ce qu'elle nous a confirmé: une vingtaine de serveurs ont été saisis, en France et à l'étranger, représentant de 40 à 50 téra-octets de données. Des informations concernant les quelque 200.000 utilisateurs (adresse IP, trace de paiements Paypal etc) sont-elles présentes? L'Association de Lutte Contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA), qui a travaillé en collaboration avec les autorités (et selon qui 10 administrateurs du site ont été arrêtés) l'affirme à demi-mot. Frédéric Delacroix, son délégué général, confie «faire totalement confiance aux militaires pour avoir pris tous les éléments utiles à l'enquête».
Problème, l'ALPA chante son refrain favori, avec un objectif: faire peur. De l'autre côté, il n'y a qu'une mystérieuses source anonyme «proche» des administrateurs du site pour confier au blogueur Korben que les données saisies ne contiennent «rien de sensible». Dans tous les cas, rien ne dit que l'industrie se lancerait dans procédures judiciaires contre les internautes. De telles actions se sont révélées fort impopulaires au début des années 2000. Et comme l'a montré le procès Pirate Bay, en Suède, s'en prendre aux administrateurs d'un tel site est souvent plus facile.
Pour l'ALPA, Snowtigers «est une organisation clairement criminelle, organisaée et lucrative». En revanche, de nombreux internautes, en plein feuilleton Hadopi, les défendent.
Pour tenter d'y voir plus clair, 20minutes.fr a demandé ses lumières à John Bumgarner, directeur de recherche à l’U.S. Cyber Consequences Unit, ancien de la CIA et de la NSA. Il n'a aucune affiliation avec les industries du cinéma et de la musique (dont il juge le combat «dépassé») et s'intéresse plutôt aux cyber-criminels qu'aux «petits pirates». Son verdict, après avoir fait des recherches sur Snowtigers (du nom de domaine, à l'hébergeur, en passant par les boites aux lettres anonymes ouvertes à Washington): «Snowtigers était impliqué dans un business rentable. Ils avaient selon toute vraisemblances des liens troubles avec des acteurs du spam, du phishing et d'autres criminels en ligne.»
Tracker public vs privé
Car à l'inverse de trackers publics comme Mininova ou ThePirateBay, Snowtigers, lancé en 2005, après avoir atteint une certaine taille, est devenu privé. Rentrer chez les franc-maçons était sans doute plus facile. Mais surtout, avec ce type de sites, qui promettent rapidité et anonymat, tout fonctionne sur un système de ratios (entre la quantité de données téléchargées et celles envoyées, download/upload). Sur le papier, il suffit à un membre de laisser un fichier assez longtemps en partage pour avoir de facto un bon ratio. En pratique, alors que certains gros utilisateurs louent des seedbox (serveurs dédiés au téléchargement), c'est plus compliqué. Si le ratio devient trop faible, un membre reçoit des avertissement puis peut être expulsé. Pour éviter ce genre de soucis, le plus simple est de passer à la caisse et de faire une donation ou de devenir un VIP.
John Bumgarner chiffre à «2.500 dollars mensuels maximum» le coût d'hébergement et de de la bande passante. Soit 30.000 dollars pour un an. Il fait un calcul: «si ne serait-ce que 10% des 250.000 membres donnent 20 dollars par an, on arrive à 500.000 dollars». Quant aux «40 à 50 téra-octets saisis», le chiffre ne lui semble «pas du tout astronomique» (sa simple configuration personnelle, avec de multiples sauvegardes, se monte à 6 To)
Dans la communauté peer-to-peer, certains n'ont que peu de sympathie pour les trackers privés qui cherchent à générer du profit. Ce qui est contraire à une «certaine» éthique du téléchargement illégal.
>> Nous avons essayé sans succès de contacter des membres ou des administrateurs de Snowtigers pour avoir leur version. Pour envoyer un mail à un membre de la redaction, c'est par exemple pberry at 20minutes point fr