INTERNETHadopi censurée, que va-t-il se passer?

Hadopi censurée, que va-t-il se passer?

INTERNETNicolas Sarkozy a convoqué une réunion d'urgence à l'Elysée, jeudi après-midi, pour élaborer un plan B...
La contestation monte face au projet de loi réprimant le piratage des oeuvres culturelles sur internet: des acteurs de l'économie numérique ont réclamé un moratoire tandis que des associations de consommateurs et d'internautes protestent à la veille de son examen par les députés.
La contestation monte face au projet de loi réprimant le piratage des oeuvres culturelles sur internet: des acteurs de l'économie numérique ont réclamé un moratoire tandis que des associations de consommateurs et d'internautes protestent à la veille de son examen par les députés. - Joël Saget AFP/Archives
Sandrine Cochard

Sandrine Cochard

Après la censure du Conseil constitutionnel, la riposte présidentielle. Nicolas Sarkozy a convoqué une réunion d'urgence à l'Elysée, jeudi après-midi, pour décider de la suite à donner à la loi. Car après la décision des Sages de retoquer le coeur même du texte, le gouvernement doit revoir sa copie.


Deux temps


Mercredi déjà, Christine Albanel s'était voulue confiante sur l'application prochaine du texte. «On va maintenant pouvoir lancer tout ce qui est pédagogique, et on retournera devant le parlement pour le reste», a-t-elle assuré lors d’un point presse, mercredi soir. Car le texte est désormais scindé en deux parties: d’un côté ce que les Sages n’ont pas retoqué, et dont la mise en place peut donc se faire rapidement, de l’autre le dispositif de sanction censuré par le conseil, et qui nécessite d’être revu et corrigé.


>> Retrouvez tous nos articles sur la loi Hadopi en cliquant ici.


Le gouvernement opterait ainsi pour la promulgation rapide des articles qui n'ont pas été touchés -les avertissements aux internautes par mails et lettres recommandées - et le dépôt d'un nouveau projet de loi, plutôt à la rentrée, pour compléter le dispositif.


Haute autorité maintenue


Ainsi, la création d’une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) n’est pas remise en cause.


Elle sera bien créée mais avec des pouvoirs moindres: il lui sera possible d’envoyer des mails d’avertissements aux internautes suspectés de téléchargement mais il lui sera impossible de leur couper l’accès à Internet. Cette Haute autorité pourrait être constituée à l’automne, comme le prévoyait le gouvernement, date à laquelle devraient également être envoyés les premiers mails d’avertissement.

Sanctions


En ce qui concerne les sanctions infligées aux pirates, le gouvernement va devoir ronger son frein. Il lui faut trouver un dispositif alternatif à celui de la riposte graduée, retoquée par le Conseil constitutionnel. «On savait qu'il allait falloir plusieurs mois pour pouvoir passer à la phase sanction. Quand cela aura lieu? Je ne sais pas», a expliqué Christine Albanel, mercredi. En clair, le gouvernement doit proposer un système où la sanction finale est fixée par un juge.


Une solution «impossible en l'état» selon Laurent Bédoué, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats. «Cela me paraît impossible vu le nombre de juges et de greffes qui seraient nécessaires, a-t-il déclaré jeudi au figaro.fr. On évoque le chiffre de 180.000 suspensions de connexion par an, donc à moins de recruter massivement, je ne vois pas comment il serait possible de passer par des juges.» Quant à Gilles Guglielmi, docteur en droit et professeur de droit public à l'université Paris-II-Assas, il estime que le gouvernement ne pourra s'appuer sur les seuls juges civils et devra voter une nouvelle loi pénale.


De plus, passer par un juge signifie embouteiller un peu plus les bureaux des magistrats. D'autant que ce sera bien aux plaignants - en l'occurrence l'industrie du divertissement - d'apporter la preuve de la culpabilité de l'internaute. Les procédures judiciaires pourraient donc être plus lourdes. Mais la ministre se veut confiante. «Il s’agira juste de compléter un projet de loi déjà validé, a-t-elle fait valoir. On le fera dès que possible, car on sait qu'il y a une attente forte. Je ne dis pas que c'est facile, mais je me sens très soutenue.» Elle a d'ailleurs annoncé la création de «neuf TGI en région pour gérer ce type de contentieux».


Procédure d'urgence


La ministre dispose pourtant d’une fenêtre de tir réduite: le programme de travail de l’Assemblée est complet jusqu’à la fin du mois de juin et il n’est pas certain que les modifications apportées par la ministre au dispositif de sanctions puisse être examiné avant la trêve estivale du Parlement.


Ce qui renverrait la lecture du nouveau texte à la rentrée. A moins de décréter une procédure d’urgence (comme cela avait déjà été le cas pour le second examen de la loi Création et Internet, en mai dernier).

SANCTIONS PLUS SEVERES?

Pour Pascal Nègre, PDG d'Universal France, la censure de la riposte graduée et le recours à l'autorité judiciaire signifie le retour au délit de contrefaçon, sévèrement punie: jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende encourus.