CAMPAGNE 2.0Sur Twitter, les candidats à la présidentielle surfent sur les tendances

Présidentielle 2022 : Sur Twitter, les politiques surfent sur les tendances

CAMPAGNE 2.0Selon l’institut de sondage BVA, de nombreux thèmes de la campagne présidentielle ont été puisés parmi les sujets des activistes sur Twitter
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • D’après une nouvelle enquête de l’institut de sondage BVA et Uptowns, sur les réseaux sociaux, les candidats à la présidentielle s’approprient des items activistes.
  • Cinq thèmes ressortent principalement : l’immigration, l’évolution du pouvoir d’achat, les discriminations raciales, les violences faites aux femmes et le changement climatique ; mais traités de façon différente par les candidats.
  • Selon l’enquête, les réseaux sociaux jouent désormais un rôle dans la mise à l’agenda de certains sujets.

Si nous pouvons retenir une leçon de cette campagne présidentielle, c’est que le débat politique se joue aussi en ligne. Dans une enquête publiée en mars dernier, l’institut BVA et le cabinet Uptowns ont montré que, sur les réseaux sociaux, les politiques se sont emparés de quelques sujets majeurs pour répondre aux attentes des internautes.

Parmi les thèmes des activistes réutilisés par les candidats et leurs proches sur Twitter, cinq catégories ressortent majoritairement : l’immigration (525 tweets), l’évolution du pouvoir d’achat (452 tweets), les discriminations raciales (425 tweets), les violences faites aux femmes (211 tweets) et le changement climatique (195 tweets). Mais qu’est-ce que cachent vraiment ces chiffres ?

« Il est apparu que les principaux thèmes investis par les candidats et les préoccupations des Français évoluaient surtout en fonction de l’actualité », constatent Christelle Craplet et Anthony Dos Santos, qui ont réalisé l’enquête pour BVA. Prenons par exemple le thème des violences faites aux femmes – souvent ignoré du débat – qui est arrivé à la troisième place des préoccupations des politiques en ligne, selon l'étude. « L’actualité joue énormément ici. La vague #MeToo et une plus grande reconnaissance des féminicides a permis une prise de conscience de la société : c’est désormais un fort sujet de préoccupation », rappelle Christelle Craplet, directrice du projet "Présidentielle 2022 – BVA". Avant de nuancer : « Mais les politiques s’emparent de ce sujet de façon parfois opportuniste. Lors de notre étude, nous avons mesuré le fort impact de la journée des droits des femmes le 8 mars, qui a contribué à "pousser" ce thème par rapport au mois précédent ».

« Assurer sa visibilité »

Désormais, les réseaux sociaux jouent un rôle dans la mise à l’agenda de certains sujets, remarque l’Institut BVA. « Dans le même temps, les réseaux sociaux se nourrissent de l’actualité, Twitter tout particulièrement, et offrent au politique les moyens de porter au plus grand nombre leurs propres sujets. Dans un sens, on peut en effet dire que le politique est encouragé à publier s’il veut assurer sa visibilité et celle de ses idées », précise Anthony Dos Santos, associé fondateur du cabinet Uptowns. Avant de souligner : « Plusieurs camps ont d’ailleurs tout à fait compris comment on pouvait aujourd’hui massifier sa représentation en ligne. Ils n’ont alors plus forcément besoin des journalistes pour porter haut et fort leur message. »

Le compte Twitter d’Eric Zemmour pendant la campagne en a été le parfait exemple. « Tout un travail de construction d’un écosystème a été réalisé en amont par ses équipes de sorte que chaque message qu’il publie est massivement retweeté par quelques dizaines de comptes, lesquels vont générer de très fortes interactions en peu de temps », souligne Anthony Dos Santos. Ainsi, par ce travail de massification des interactions, les analystes remarquent une certaine mise à l’ordre du jour de thématiques propres aux candidats, par exemple sur l’immigration ou sur les valeurs de la France dans le cas d’Eric Zemmour.

Parfois, les thématiques doivent également s’imposer aux candidats, qui n’auront pas d’autres choix que de s’en emparer. C’est le cas du pouvoir d’achat – placé comme la première préoccupation des politiques lors de cette campagne – est utilisé majoritairement par le candidat Eric Zemmour. « Le candidat s’est focalisé à un moment uniquement sur le thème de l’immigration ou sur les valeurs de la France, il avait forcément besoin d’élargir son spectre s’il voulait parler à d’autres gens que son cœur de cible qu’il avait déjà conquis au début de sa campagne », souligne Christelle Craplet. « Nul ne peut ignorer les inquiétudes exprimées par les Français sur les réseaux sociaux face à l’envolée des prix », ajoute Anthony Dos Santos.

Une très large utilisation des thèmes

Ainsi, l’enquête BVA montre une utilisation très large des thèmes principaux de la campagne. « Sur un même sujet, il y a plusieurs façons d’en parler. Ce ne sont pas les mêmes actions et les mêmes termes qui sont utilisés. Il est donc important de prendre le temps de distinguer les différentes facettes d’un sujet pour comprendre pourquoi il est aussi haut », explique Anthony Dos Santos. Par exemple, si on reprend le sujet des violences faites aux femmes, la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa communiquera en ligne plutôt sur son action qu’elle souhaite défendre, alors que la député de La France Insoumise Clémentine Autain décidera plutôt de dénoncer le bilan du gouvernement et de mettre en valeur un plan pour lutter contre les féminicides. Plus à droite encore, les proches d’Eric Zemmour dénonceront ces violences par le prisme du fait divers pour dénoncer l’immigration.

Si le même sujet des violences faites aux femmes a semblé trouver une résonance entre le discours des politiques et des électeurs en ligne, l’institut BVA remarque cependant des sujets avec un hiatus bien plus important, par exemple sur le harcèlement scolaire – qui mobilise très peu les politiques. « Cette étude nous permet de voir à quel point il y a des convergences ou des divergences sur certains sujets entre journalistes, politiques et population générale », souligne Christelle Craplet. Selon cette dernière, ce constat pourrait expliquer le faible intérêt des Français pour l’élection présidentielle actuelle. « Il y a de grosses interrogations sur l'abstention, notamment pour les jeunes qui s’expriment beaucoup moins dans les urnes que sur d’autres canaux », remarque la directrice de projet Présidentielle 2022 chez BVA Opinion.

Selon nos interlocuteurs, les électeurs pourraient à l’avenir prendre l’habitude de s’exprimer autrement que par le vote en utilisant davantage les réseaux sociaux, en faisant « cohabiter deux formes d’engagement parallèles », imagine Christelle Craplet.

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La méthodologie utilisée par BVA

Au début de l’année, une première enquête BVA s’intéressait à la manière dont les réseaux sociaux s’imposaient comme les nouveaux territoires de l’engagement. Partant de ce constat, la nouvelle enquête de BVA, réalisée au mois de mars, a souhaité comprendre si les politiques engageaient d’éventuelles stratégies d’appropriation de sujets sur les réseaux sociaux pendant la campagne présidentielle. « Si les Français tendent à accorder moins de crédit pour traiter ou faire avancer une cause, peut-être sont-ils plus enclins à soutenir un candidat qui s’évertue à la faire vivre en ligne », nous explique Anthony Dos Santos.

Pour ce faire, a sélectionné 23 thèmes majeurs de cette campagne, en prenant en compte les sujets traités par , qu’ils soient liés à des enjeux progressistes ou conservateurs ; mais aussi à des thématiques plus traditionnelles abordées par les candidats lors des dernières campagnes. « Il est vrai que pour les enquêtes d’opinion classiques, nous testons souvent des sujets génériques pour mesurer les préoccupations des personnes que nous interrogeons. Là l’intérêt était de rentrer davantage dans le détail, pour regarder les thèmes dont les activistes s’emparent en ligne, par exemple , sans oublier les sujets structurels », compare Christelle Craplet.