EPIDEMIELes enquêtes cyber se multiplient contre les faux pass sanitaires

Coronavirus : Les investigations numériques se multiplient pour traquer les faux pass sanitaires

EPIDEMIELes réseaux de faux pass s’apparentent à de la « criminalité organisée avec des rabatteurs, des complices, des revendeurs, des délinquants multi-cartes qui exploitent la volonté de certains de ne pas se faire vacciner »
Hakima Bounemoura

H. B. avec AFP

Alors que la situation sanitaire se dégrade de jour en jour, les fraudes au pass sanitaire ne cessent de prendre de l’ampleur… « Il y a eu plus d’une centaine d’interpellations, qui visent à la fois des usagers et des réseaux de trafiquants, sur les 400 enquêtes qui ont commencé à être ouvertes », a indiqué jeudi sur France 2 Gérald Darmanin.

Selon l’entourage du ministre de l’Intérieur, près de 110.000 faux pass sanitaires circuleraient en France depuis l’instauration du dispositif à l’été. De son côté, l’Assurance maladie, qui a lancé des contentieux contre 800 personnes, comptait la semaine dernière 41.000 faux pass.

Plusieurs modes opératoires répertoriés

Face à la multiplication des faux certificats, les investigations numériques se renforcent en France. Différents modes opératoires ont été répertoriés par les enquêteurs, dont l’achat de faux certificats de vaccination sur Internet et l’usage frauduleux d’un QR code attribué à un tiers. Les autorités traquent aussi les professionnels de santé ou agents administratifs qui fournissent de faux pass.

« Nous constatons une forte augmentation de ce phénomène dès cet été sur les réseaux sociaux mais pas de recrudescence depuis le non-remboursement des tests pour les non-vaccinés », affirme le général Marc Boget, commandant de la gendarmerie dans le cyberespace, en charge de 200 enquêtes de faux pass et qui en a identifié environ 92.000 en circulation.

En lien avec les enquêteurs, l’Assurance maladie se charge notamment d’identifier des anomalies via ses techniques d’analyses statistiques dans la base de données de suivi de vaccination, en utilisant le data mining (fouille et recoupement de différentes bases de données) et l’intelligence artificielle.

« Un réseau de criminalité organisée »

« On assiste à un mode opératoire de plus en plus élaboré où les escrocs modifient à distance les mots de passe de professionnels de santé et peuvent ainsi générer des pass à leurs noms », explique le général Boget, qui enquête en lien avec l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Ces réseaux s’apparentent à de la « criminalité organisée avec des rabatteurs, des complices, des revendeurs, des délinquants multi-cartes qui exploitent la volonté de certains de ne pas se faire vacciner », selon le général.

De vastes cyber enquêtes en cours

Plusieurs enquêtes cyber « d’envergures » sont menées contre des piratages de comptes de médecins et de pharmaciens, selon l’entourage du ministre de l’Intérieur. Un réseau qui récupérait les identifiants de pharmaciens sur le site de l’Ordre national des pharmaciens a pu vendre entre 5.000 et 10.000 faux pass pour un bénéfice de l’ordre de deux millions d’euros.

Certains professionnels de santé sont également directement impliqués. Dans l’Hérault, des cyber-enquêteurs ont interpellé un pompier et un kinésithérapeute, qui seront jugés en février pour avoir fourni 123 faux tests antigéniques négatifs à une trentaine de leurs proches. Dans le Val-de-Marne, un médecin soupçonné d’avoir vendu au moins 220 faux pass sanitaires – à 1.000 euros pièce – a également été placé en détention provisoire fin novembre, selon le parquet de Créteil.

Utiliser un faux document est un délit qui expose à une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Les poursuites disciplinaires des ordres peuvent aller jusqu’à l’interdiction définitive d’exercer, selon l’Assurance maladie.