Should I stay or should I go… Le dilemme des fondateurs de la Big Tech
INNOVATION•Le patron de de Twitter a passé la main, comme ceux de Google, Amazon et Microsoft mais Mark Zuckerberg ne semble, lui, pas décidé à s'en aller20 Minutes avec AFP
Diriger, puis s’en aller. En quittant Twitter, Jack Dorsey a rejoint la liste des fondateurs de groupes technologiques américains devenus géants du numérique qui ont abandonné la direction de leur entreprise pour laisser la place à de nouveaux dirigeants, souvent plus expérimentés.
De Bill Gates (Microsoft) à Jeff Bezos (Amazon) en passant par Sergey Brin et Larry Page (Google), tous ces entrepreneurs ont lâché les rênes de leur société après avoir assuré la gestion des affaires courantes pendant plusieurs années. Le cas de Steve Jobs chez Apple est différent : atteint d’un cancer du pancréas, il avait quitté son poste en août 2011, quelques semaines avant son décès, choisissant Tim Cook pour lui succéder. D’autres ont été mis à la porte par leur conseil d’administration après de multiples polémiques, comme Travis Kalanick (Uber) ou Adam Neumann (WeWork).
L’ennui de la gestion administrative
« Quand une entreprise grossit, elle se transforme énormément et vous passez d’une petite boîte où vous connaissez tout le monde à un grand groupe où vous ne connaissez personne », avance l’analyste indépendant Rob Enderle. « Vous passez d’un travail de terrain à des tâches essentiellement administratives et de politique interne », poursuit-il, précisant que des esprits créatifs et entrepreneuriaux ont tendance à perdre de leur motivation à mesure que leur groupe s’agrandit et s’institutionnalise.
D’autant que ces fondateurs sont souvent engagés dans d’autres projets : Bill Gates se consacre depuis longtemps à l’association caritative qu’il a créée avec son ex-femme, Jeff Bezos est très impliqué dans sa société d’exploration spatiale Blue Origin, tandis que Jack Dorsey manifeste une fascination de longue date pour le bitcoin et les cryptomonnaies en général.
L’abandon du poste de directeur général ne signifie toutefois pas forcément un désinvestissement intégral du groupe : certains ex-patrons, comme Larry Page et Sergey Brin ou Jeff Bezos, continuent, par exemple, de siéger au conseil d’administration, en charge des grandes orientations stratégiques.
Expérience vs innovation
L’une des justifications souvent invoquées pour expliquer la mise en retrait tient à la nécessité de laisser la main à des dirigeants plus aguerris, mieux armés pour s’occuper du quotidien de groupes pesant des dizaines, des centaines voire des milliers de milliards de dollars en Bourse.
Les profils choisis pour remplacer les fondateurs vont dans ce sens, la plupart des nouveaux patrons ayant passé de longues années à gravir les échelons de l’entreprise, comme Satya Nadella chez Microsoft, Sundar Pichai chez Alphabet (la maison mère de Google), Andy Jassy chez Amazon ou Parag Agrawal chez Twitter. Mais placer des gestionnaires, aussi compétents soient-ils, n’est pas sans risque, car cela peut faire perdre à l’entreprise son caractère innovant, estime Rob Enderle.
« Un fondateur agira souvent à l’encontre des membres du conseil d’administration, qui ont des motivations financières, car il veut protéger son entreprise », explique l’analyste. Le danger, poursuit-il, est que le groupe « tombe en obsolescence car les dirigeants suivants se focalisent sur des gains financiers de court terme plutôt que sur la survie stratégique de long terme ».
L’exception Zuckerberg
Mark Zuckerberg, patron-fondateur de Facebook (rebaptisé Meta en octobre), fait figure d’exception en s’accrochant à son poste de PDG, qu’il occupe sans interruption depuis 2004. Si la directrice des opérations Sheryl Sandberg a acquis un rôle majeur ces dernières années, « Zuck » reste le visage et la voix du numéro un des réseaux sociaux.
Cette mainmise interroge et suscite de nombreuses critiques, d’autant que Facebook traverse depuis plusieurs semaines l’une des pires crises de son histoire. L’influente journaliste Kara Swisher estime que l’heure est venue pour Mark Zuckerberg de passer la main, avec un nom et un visage emblèmes des polémiques à répétition, qui ont toujours fait passer la sécurité des utilisateurs au second plan.
Mais en dévoilant son projet de Metaverse, Mark Zuckerberg l’a sous-entendu : il ne compte aller nulle part. Avec une action en hausse de 200 % sur cinq ans, il continue d’avoir le soutien de Wall Street. Surtout, il contrôle la majorité des droits de vote au conseil d’administration. En clair, il ne partira que de son plein gré.