Départ de Jack Dorsey : Qui est Parag Agrawal, le nouveau patron de Twitter ?
BIG TECH•Cet ingénieur, jusque-là directeur technologique du réseau, fait face à de nombreux défis, notamment une concurrence féroce et un Congrès américain remontéP.B.
L’annonce en a surpris plus d’un. Jack Dorsey, cofondateur et patron de Twitter, a tourné la page. Lundi, il a démissionné de son poste de directeur général et quittera le conseil d’administration au printemps prochain. Selon lui, le temps est venu de laisser l’oiseau bleu voler de ses propres ailes, et ce sera donc avec Parag Agrawal à la barre. Peu connu même dans la Silicon Valley, cet ingénieur spécialisé dans l’intelligence artificielle, jusque-là directeur technologique de Twitter, fait face à deux défis majeurs : celui de la modération, avec l’éviction de Donald Trump, mais aussi de la croissance et de la monétisation.
Un ingénieur de l’ombre d’origine indienne
Parag Agrawal, 37 ans, a rejoint Twitter en 2011 après être passé chez Microsoft et Yahoo. Diplômé de l’Indian Institute of Technology de Bombay, il a ensuite décroché un doctorat à Stanford, en Californie, avec une thèse sur le management des données. « Je reconnais que certains d’entre vous me connaissent bien, d’autres juste un peu et certains pas du tout », a écrit Parag Agrawal dans une lettre ouverte. A Twitter, il a beaucoup développé l’intelligence artificielle et le machine learning (apprentissage automatisé des logiciels). Twitter, Google, Microsoft, Adobe et IBM sont désormais tous dirigés par des patrons nés en Inde.
Favorable à l’éviction de Donald Trump
Bannir Donald Trump de Twitter est sans doute la plus importante décision qu’ait dû prendre Jack Dorsey. Il semble que Parag Agrawal soit sur la même longueur d’onde : il avait retweeté tous les messages de Twitter justifiant l’éviction permanente de l’ancien président américain après la prise d’assaut du Capitole par ses supporteurs, le 6 janvier 2020. Sauf surprise, il ne devrait pas revenir sur cette décision : en février dernier, le directeur financier de Twitter, Ned Segal, avait assuré que Donald Trump ne serait pas réautorisé sur la plateforme, même en cas de candidature en 2024.
Le casse-tête de la modération
Parag Agrawal devient capitaine par mer agitée. Les élus américains des deux bords sont remontés contre les plateformes : les républicains crient à la censure, et les démocrates estiment qu’elles laissent la haine proliférer et ne protègent pas assez les utilisateurs. En cas de réforme de la fameuse section 230 (qui accorde aux plateformes une immunité sur les contenus publiés par des tiers), Twitter pourrait faire face à une mission impossible, avec 500 millions de tweets quotidiens.
Le défi de la croissance
Avec 211 millions d’utilisateurs quotidiens (+12 % sur un an), la croissance se tasse depuis plusieurs années. Twitter reste un outil de communication critique pour les médias, les politiques et les marques, mais le réseau n’a jamais réussi à véritablement conquérir le grand public. Côté fonctionnalités, les stories (fleets) ont fait un flop et ont été mises au placard, la fonction « éditer » se fait toujours désirer et les salons audio « spaces » n’ont pas encore réussi à faire de l’ombre à Clubhouse. En quinze ans d’existence, Twitter n’a réalisé des bénéfices qu’en 2018 et 2019, avant de repasser dans le rouge l’an dernier. De quoi expliquer ses médiocres performances à Wall Street : en sept ans, le cours de l’action est quasi-inchangé tandis que ceux de Google et Facebook ont été multipliés par six. Avec une valorisation de 36 milliards de dollars et seulement 5.500 employés, Twitter reste une proie qui aiguise les appétits.
La question de la décentralisation
C’est peut-être là où Parag Agrawal peut imprimer sa marque, comme Satya Nadella a pu le faire avec le Cloud chez Microsoft. Comme directeur technologique, Agrawal a mis l’accent sur les recherches autour de la blockchain. C’est également lui qui a supervisé la naissance de Bluesky, l’initiative de Twitter pour créer un réseau social décentralisé laissant les utilisateurs contrôler leurs données. En août dernier, Parag Agrawal avait finalisé l’embauche du développeur Jay Graber, spécialiste des cryptomonnaies, à la tête de Bluesky.