Avec le hashtag #DoublePeine, des victimes de violences sexuelles dénoncent la prise en charge de leurs plaintes
VIOLENCES SEXUELLES•De nombreux témoignages accompagnés du hashtag #DoublePeine affluent sur les réseaux sociaux, dénonçant les traitements subis par des femmes victimes de violences sexuelles lors de leur dépôt de plainteHakima Bounemoura
L'essentiel
- Le hashtag #DoublePeine, lancé par la militante féministe Anna Toumazoff et le collectif #NousToutes, est devenu viral sur les réseaux sociaux.
- En seulement 36 heures, près d’un millier de témoignages ont été postés par des femmes racontant comment elles ont été accueillies au commissariat lors de leur dépôt de plainte.
- « Ce n’est plus acceptable que les femmes de ce pays soient violées, mais encore moins qu’elles soient traumatisées une fois qu’elles ont le courage de pousser la porte d’un commissariat », explique la militante féministe Anna Toumazoff.
Il s’est répandu comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Depuis quelques jours, de nombreux témoignages accompagnés du hashtag #DoublePeine affluent sur Internet, dénonçant les traitements subis par des femmes victimes de violences sexuelles lors de leur dépôt de plainte, mettant ainsi en lumière de nombreux dysfonctionnements dans les gendarmeries et commissariats.
Tout est parti d’un thread (série de tweets) posté mardi par l’influenceuse et militante féministe Anna Toumazoff. « Au commissariat central de Montpellier, on demande aux victimes de viol si elles ont joui (…) Au Commissariat Central de Montpellier, on explique aux victimes de viol qu’une personne qui a bu est forcément consentante », a ainsi tweeté l’activiste féministe, pointant leur mauvaise prise en charge.
Près d’un millier de témoignages en seulement 36 heures
« J’ai décidé de parler du cas de cette femme, âgée de 19 ans, qui est une connaissance d’une personne de mon entourage, pour donner de la visibilité à cette affaire sur les réseaux sociaux. Pour que ça remonte jusqu’à la mairie de Montpellier, la préfecture, le commissariat », raconte à 20 Minutes Anna Toumazoff.
Très rapidement, la jeune femme reçoit sur Twitter et Instagram de nombreux récits similaires de victimes de violences sexuelles, confrontées à de nombreuses difficultés au moment de l’enregistrement de leur plainte. Avec le collectif #NousToutes et d’autres féministes, elle décide alors de lancer un appel à témoignages avec le hashtag #DoublePeine pour recenser les dysfonctionnements aux quatre coins de la France.
En seulement 36 heures, près d’un millier de récits ont été postés sur les réseaux sociaux. « Vous portez des bottes en plus ? Ah bah voilà, ça les excite ! », « Un homme, ça reste un homme », « Quand on rentre toute seule si tard, faut pas s’étonner », ou encore « C’est un amour trop passionnel »… De nombreuses femmes ont ainsi brisé le silence et raconté comment elles avaient été reçues au commissariat ou à la gendarmerie alors qu’elles venaient déposer plainte pour viol ou agression sexuelle. « Ça fait des années que nous alertons sur les dysfonctionnements concernant l’accueil des victimes et l’enregistrement de leur plainte. Ça ne peut plus durer », pointe Anna Toumazoff, rappelant par ailleurs que la plainte déposée par Chahinez, brûlée vive par son mari à Mérignac (Gironde) en mai dernier, avait été bâclée et enregistrée par un officier lui-même condamné pour des violences conjugales.
« Les pouvoirs publics doivent agir rapidement »
Alors que les violences faites aux femmes ont été décrétées « grande cause » du quinquennat, Anna Toumazoff réclame aujourd’hui une réponse rapide des pouvoirs publics. « Il est urgent d’agir. Ce n’est plus acceptable que les femmes de ce pays soient violées, mais encore moins qu’elles soient traumatisées une fois qu’elles ont le courage de pousser la porte d’un commissariat », explique la militante, déjà à l’origine en 2019 du hashtag #UberCestOver, dénonçant les violences sexuelles commises par des chauffeurs de la compagnie de VTC. « On demande des moyens financiers, de véritables formations pour les gendarmes et policiers sur cette problématique. Pas seulement des files d’attente spécifiques pour les victimes dans les commissariats ou des dispositifs 3D pour soi-disant lutter contre la récidive des auteurs de violences conjugales », ajoute Anne Toumazoff.
D’après des chiffres de l’Observatoire des violences faites aux femmes, seulement 12 % des femmes victimes de viol portent plainte. Et d’après l’association NousToutes, 66 % des victimes de viol ou de tentative de viol qui sont allées voir les autorités feraient état d’une « mauvaise prise en charge » par les forces de l’ordre lors de leur dépôt de plainte.