Avec ses plus de 200 millions d’abonnés payants à travers le monde, Netflix continue à dominer le marché du streaming vidéo. Mais face à lui, la résistance s’organise. Le secteur a énormément changé en l’espace d’un an, avec l’arrivée de Disney+, de Peacock, de Paramount + ou encore d’HBO Max sur le marché américain.
Si Netflix est parvenu à séduire 32 millions de clients de plus en 2020, son rival Disney+ a recruté près de 100 millions d’abonnés sur la même période. Les autres plates-formes enregistrent également une croissance à trois chiffres de leurs bases d’abonnés. Alors certes, Netflix est déjà bien implanté, mais le géant du streaming a encore un joli potentiel de progression à l’international. Mais au-delà de la concurrence, plusieurs raisons expliquent la stagnation du service.
La quantité avant tout
Netflix propose chaque mois plus de 100 nouveaux films, documentaires ou séries inédits produits exclusivement pour la plate-forme. Il est censé y en avoir pour tous les goûts, des télénovelas brésiliens aux émissions culinaires. La recette est simple : si vous voulez garder dans vos filets les abonnés, il faut leur proposer un flux incessant de nouveaux contenus qui justifient leur abonnement.
Et là où la plate-forme ciblait au début un public de cinéphiles, elle a considérablement revu son image de marque pour aujourd’hui séduire un public plus large. Des séries comme Narcos ou Stranger Things ont progressivement cédé leur place à des shows culinaires et des émissions de téléréalité. Netflix mise également énormément sur une audience très jeune avec des séries comme You, 3 %, Sex Education ou Riverdale.
La plate-forme tente de plaire à tout prix aux 18-30 ans et n’hésite pas à investir massivement dans des programmes qui leur sont destinés. Récemment, elle a annoncé un nouvel investissement record dans la production de séries d’animation japonaises. Elle propose également de plus en plus d’adaptations de jeux vidéo en séries. Mais la qualité suit rarement.
Indirectement, cette volonté de cibler un public plus jeune affecte la qualité des programmes. Plus question de produire aujourd’hui un Beasts of no Nation. Les nouveaux programmes produits par Netflix doivent pouvoir être regardés par tous – à l’exception peut-être des quelques films destinés aux sélections de Cannes et Sundance.
A la recherche du Graal
En l’espace d’un an seulement, Disney est parvenu à faire ce qui a nécessité plus de six longues années de dur labeur pour Netflix : franchir le cap des 100 millions d’abonnés. Malgré l’abondance de contenus exclusifs sur sa plate-forme, Netflix peine à tenir tête à son (jeune) rival. La raison est simple : la plate-forme de streaming ne dispose pas de grosses licences. Disney+ peut se reposer sur des franchises cultes comme Star Wars, Marvel ou toutes les productions de Pixar. Un seul de ces noms suffit à rameuter des millions d’abonnés. Le géant du cinéma l’a bien compris et a d’ailleurs choisi d’investir massivement dans les contenus dérivés de ses grosses licences. Depuis le début de cette année, trois séries Marvel ont atterri sur la plate-forme de streaming.
Netflix s’est contenté d’une seule et timide acquisition pour venir renforcer son catalogue, celle de Millarworld, l’entreprise d’un célèbre auteur de comics américain. Le premier projet d’adaptation, Jupiter’s Legacy, a toutefois connu un tel flop que la plate-forme de streaming a choisi d’annuler la série quelques jours seulement après la diffusion de sa première saison. Netflix n’est jamais parvenu à trouver son Game of Thrones, LA série qui rameuterait des dizaines de millions de nouveaux abonnés sur sa plate-forme. Il y a certes eu quelques tentatives, la plus notable étant sans doute l’adaptation de The Witcher – mais la qualité n’y était pas. Sans l’acquisition d’un major du cinéma, la plate-forme devra se contenter de piocher dans les œuvres littéraires et les jeux vidéo pour tenter de trouver la licence qui lui permettra de prendre son envol.
En face, les concurrents n’hésitent pas à débourser des sommes pharaoniques pour développer leur catalogue de licences. Amazon a récemment posé 8,45 milliards de dollars pour racheter la MGM. Le géant de l’e-commerce prépare également depuis des mois une nouvelle série à très gros budget dans l’univers du Seigneur des Anneaux. Warner Bros n’a que l’embarras du choix pour sa plate-forme HBO Max avec des licences comme Harry Potter, Batman, Mad Max ou King Kong, qui pourraient, à elles seules, mettre sur orbite la plate-forme de streaming.
Une offre trop chère
Ces trois dernières années, Netflix a augmenté à deux reprises les prix de ses abonnements. La formule de base reste très accessible à 7,99 euros/mois, mais elle ne donne droit qu’à un accès en SD. Pour profiter de programmes en 4K, il faut débourser 15,99 euros, un tarif deux à trois fois supérieur à celui des services concurrents.
Il y a encore deux ans, Netflix n’avait que deux vrais concurrents : Hulu, qui n’était installé qu’aux Etats-Unis et Amazon Prime Video, qui se voulait plutôt complémentaire à l’offre de Netflix. Mais tout a changé avec l’arrivée de Disney+, qui dénombre aujourd’hui près de 110 millions d’abonnés au niveau mondial. L’énorme succès de Disney+ n’a fait qu’accélérer le déploiement des plates-formes rivales, avec l’arrivée d’HBO Max, de Peacock ou encore de Paramount +. Pour se démarquer, chacun y va de sa spécificité. Disney mise sur la popularité de ses plus grosses franchises, HBO Max propose l’accès à des blockbusters qui viennent tout juste de sortir au cinéma, Peacock signe des exclusivités avec des majors du cinéma et Paramount + semble miser sur de grosses exclusivités, avec notamment la série à gros budget basée sur le jeu Halo. Le paysage a complètement changé. Les consommateurs ne savent plus non plus où donner de la tête.
Et à coup de 5 ou 10 euros de plus par mois, la facture mensuelle des abonnements grimpe en flèche. Si pour l’instant, la plupart de ces plates-formes ne sont accessibles qu’aux Etats-Unis, elles finiront forcément par être déployées à l’international. Et très logiquement, les consommateurs seront de plus en plus nombreux à résilier un abonnement lorsqu’ils souscrivent à un autre abonnement. C’est ce qu’on appelle dans le jargon la « fatigue des abonnements ».
Les analystes sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à l’affirmer : Netflix doit changer son modèle économique et proposer une formule gratuite incluant des coupures publicitaires et/ou revoir l’intégralité de son offre commerciale.
L’exode des classiques
Durant des années, Netflix était considéré comme la seule et unique plate-forme de streaming vidéo du marché. L’entreprise américaine a commencé à proposer très tôt des productions exclusives, tout en se reposant sur un vaste catalogue de films loués aux distributeurs locaux. On y retrouvait un peu de tout : du Star Wars, des films Marvel, des comédies romantiques, des films de science-fiction emblématiques, comme Alien ou Terminator et bien plus encore. Netflix, c’était un peu la vidéothèque du quartier.
L’arrivée des nouveaux acteurs a tout changé. Si Netflix continue à proposer occasionnellement des films loués à un distributeur local, on y trouve de moins en moins de contenus qui ne sont pas des Netflix Originals. Logique, puisque Disney a récupéré les droits de ses films Star Wars et Marvel et les autres acteurs misent également sur leurs propriétés pour attirer de nouveaux clients.
L’ennui, que si la plate-forme ne manque pas de contenus, les cinéphiles n’y trouvent plus forcément leur bonheur. Netflix n’est plus le gigantesque catalogue de films d’autrefois. On y retrouve aujourd’hui principalement des séries et de petits téléfilms. Certaines licences ont également complètement disparu. Le Netflix d’aujourd’hui est beaucoup plus proche d’une chaine câblée que d’une alternative aux plates-formes de vidéos à la demande.
Une entreprise qui veut à tout prix rester cool
Envers et contre tous, Netflix continue à proposer ses contenus à la chaîne. Tous les épisodes d’une nouvelle saison d’une série sont disponibles sur la plate-forme au même moment. La culture du binge-watching est bien ancrée chez Netflix.
Sur les réseaux sociaux, Netflix se distingue également de ses concurrents par son image de marque. L’entreprise cherche à tout prix à être cool, elle adopte une communication très jeune et n’hésite pas à prendre des positionnements très clairs sur diverses thématiques, quitte à se fâcher avec certains de ses abonnés. Il n’est pas rare de voir le community manager de la plate-forme s’embrouiller avec un follower.
Dans sa programmation également, Netflix n’hésite plus à jouer la carte de la provocation. Quitte, encore une fois, à s’attirer les foudres de certaines communautés. En 2020, le film Mignonnes avait été accusé de sexualiser des enfants. Un énorme débat avait suivi sa mise en ligne sur la plate-forme. L’affiche du film avait également provoqué un joli tollé. Netflix avait réagi en présentant des excuses sur les réseaux sociaux. « Nous sommes profondément désolés pour l’image que nous avions choisie pour Mignonnes/Cuties. Ce n’était ni juste ni représentatif de ce film français qui a gagné un prix au festival de Sundance. Nous avons mis à jour nos images et notre description » avait déclaré la plate-forme sur Twitter.