Dix ans après son lancement, Sunna Design, la petite start-up de Blanquefort dans la banlieue de Bordeaux (Gironde), est en passe de réussir son pari d’apporter la lumière dans les coins les plus reculés du monde privés d’électricité.

Créée par un ingénieur féru de voyages, Thomas Samuel, qui avait alors eu l’intuition que le solaire avait le potentiel pour alimenter l’éclairage public, l’entreprise est passée en mode semi-industriel et a déjà installé plus de 100.000 solutions d’éclairage dans 60 pays, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique Latine. Et elle va avoir l’occasion de montrer tout son savoir-faire, puisque c’est elle qui a été retenue pour représenter la Gironde à l’exposition du « Fabriqué en France 2021 », qui aura lieu à l’Elysée les 3 et 4 juillet prochains.

10.000 lampadaires solaires et connectés chaque année

Toujours basée à Blanquefort sur le site de l’incubateur de Bordeaux Technowest, Sunna Design s’est dotée de deux lignes de production semi-automatisées en mode « usine du futur » pour l’assemblage de ses lampadaires, et d’un entrepôt de 1.000 m2 pour le conditionnement et le stockage. C’est de là que partent quelque 10.000 lampadaires solaires et connectés chaque année, même si l’usine a la capacité de monter à terme à 100.000 produits par an.

Car le marché n’en est qu’à ses débuts, et le potentiel de développement reste énorme. « La pénétration du solaire dans l’éclairage public pourrait monter à plusieurs dizaines de pourcent, alors qu’on doit être à peine à 0,1 % aujourd’hui » assure Ignace de Prest, le directeur de Sunna Design. Ancien directeur de l’activité solaire de Schneider Electric, il a rejoint la start-up en 2018 pour accélérer son développement.

Rachat de l’Américain Sol en 2020

Il a notamment permis à Sunna Design de se diversifier. « On faisait 90 % de notre développement en Afrique et au Moyen-Orient. Nous nous sommes fixés pour objectif d’en faire la moitié dans des marchés dits matures [plutôt occidentaux] et l’autre dans des pays émergents, pour ne pas reposer que sur des pays à risque politiquement. C’est dans cette stratégie que nous avons acquis l’Américain Sol en 2020. Bien nous en a pris, puisque notre marché américain a bien traversé la pandémie avec une croissance de 30 %, quand d’autres marchés en Afrique ont beaucoup souffert. »

L’entreprise avait analysé au passage, que la problématique qui se posait dans des pays émergents, était tout aussi valable dans des centres urbains occidentaux, où des municipalités renoncent parfois à éclairer certaines zones, comme une aire de jeux, un parking ou une impasse, pour des questions de coût. Dans les nouveaux quartiers le lampadaire solaire peut aussi s’avérer une option.

« On vise les villes et aussi les entreprises qui ont la volonté de participer à la transition énergétique et de réduire leur consommation, explique Ignace de Prest. En Gironde, nous avons par exemple réalisé l’éclairage public d'un quartier d’Eysines, et celui du parking d’un supermarché à Langon. Dans le quartier Meriadeck à Bordeaux il y a aussi un certain nombre de nos éclairages. Et à l’international on a fait un immense site industriel de Toyota en Alabama. »

700 millions de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’énergie

Sunna Design n’en reste pas moins très attaché à son point de départ, l’accès à l’énergie dans des zones qui ne sont pas connectées. « L’enjeu est très important puisque 700 millions de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’énergie. Il y a aussi la question des populations déplacées, avec la fourniture d’énergie aux camps de réfugiés. »

La plus grosse base de Sunna Design à l’étranger se situe au Nigeria. « Nous avons aussi fait beaucoup de choses au Togo, au Burkina Faso, au Mali… Ce sont des marchés très locaux, dans des villages où il n’y avait aucune infrastructure d’éclairage, insiste Ignace de Prest. On n’est pas dans le cliché, on apporte de vraies solutions. » Entre le soutien aux activités économiques et sociales, la sécurité, les sujets autour de l’éclairage dans ces zones reculées sont nombreux. Pour y répondre, la fiabilité et la robustesse des produits sont essentielles, surtout dans des endroits soumis à des températures très élevées, et parfois à des phénomènes comme les tempêtes de sable.

« Le gros enjeu c’est la batterie »

« On n’est pas sur des produits à la durée de vie d’un ou deux ans. On se projette sur du long terme avec des produits fiables sur 20 ans voire plus, assure le directeur de l’entreprise girondine. Le gros enjeu c’est la batterie, où on se situe sur des durées de vie de douze ans, mais dans nos contrats de maintenance nous intégrons leur remplacement. » Tous les lampadaires sont par ailleurs équipés en Bluetooth en pied de mât, « ce qui permet de bénéficier d’un diagnostic complet à distance, même au fin fond d’un village d’Afrique. »

Sunna Design propose deux grandes familles de lampadaires, d’une puissance de 120 Wh et 240 Wh, qui s’adaptent ensuite aux besoins locaux, en termes de température de couleur, d’optique, de puissance du luminaire… Ce qui permet à l’entreprise de bénéficier d’une gamme très complète. « Il faut quatre postes d’assemblage pour assembler un produit, qui sort de l’usine en cinq à sept minutes », ajoute Vincent Groussaud, responsable de production et de l’industrialisation sur le site de Blanquefort. Et un opérateur peut se former en seulement deux heures. Sunna Design pourrait ainsi implanter des lignes d’assemblage directement dans certains pays d’ici à quelques années.