Qwant se « recentre sur le cœur du réacteur, le moteur de recherche »

Qwant se « recentre sur le cœur du réacteur, le moteur de recherche », explique son PDG

INTERVIEWA la tête du moteur de recherche « respectueux de la vie privée » créé en 2011, Jean-Claude Ghinozzi mise l’avenir de Qwant sur son moteur de recherche, sa version « junior » et son outil de cartographie
Michel Bernouin

Propos recueillis par Michel Bernouin

L'essentiel

  • Qwant a fermé sa filiale Music et abandonné son service de paiement pour se recentrer sur ses fondamentaux.
  • Qwant Maps doit sortir de sa version « beta » au printemps 2021.
  • L’entreprise gagne de l'audience mais compte toujours de fortes pertes financières.

Jean-Claude Ghinozzi est devenu PDG de Qwant en janvier 2020, alors que le moteur de recherche revendiquant le respect des données personnelles de ses utilisateurs affichait des pertes records. Un an plus tard, la société a changé de stratégie, gagnée des utilisateurs mais perd toujours des millions.

Depuis votre arrivée à la tête de Qwant, vous avez bouleversé la stratégie en supprimant des services et des projets…

Nous avons recentré notre stratégie sur le cœur du réacteur c’est-à-dire notre moteur de recherche, alternatif et respectueux de la vie privée, qui ne traque pas et on ne revend pas les données des utilisateurs. Nous avons arrêté ou cédé des projets qui n’étaient pas jugés essentiels comme Qwant Med, Qwant Pay, Qwant Enterprise. Le contenu de Qwant Music a été intégré dans Qwant.com et la filiale d’Ajaccio fermée. Qwant Mail est toujours un sujet pour Qwant mais le lancement n’est pas programmé à ce stade.

Quels sont aujourd’hui vos principaux axes de développement ?

Le moteur de recherche évidemment, et on continue à développer Qwant Junior, qui est un espace unique pour les primo-accédants d’internet. Qwant Maps, avec une cartographie basée sur Open street map où on développe nos propres contenus. Et en parallèle, nous travaillons avec des partenaires extérieurs comme Pages jaunes, Mappy, Viamichelin. On était en version beta depuis un peu trop longtemps, on va sortir un une V1 au niveau des standards du marché, probablement en mars ou avril avec une amélioration de la cartographie, une détection plus précise de lieux, plus d’informations sur des commerces, plus de contenu multimodal…

Etre cité comme exemple d’alternative à Google dans le documentaire Netflix « The social Dilemma » vous a-t-il fait gagner des utilisateurs ?

Oui, nous avons connu un pic de découverte du moteur sur tous les marchés anglo-saxons et en Amérique du Sud, où on n’avait pas forcément d’objectifs. Le témoignage d’un repenti de Youtube, c’est forcément bénéfique. Mais le combat est aussi juridique. Nous sommes partie prenante sur le combat anti-trust, on se félicite que le département de justice américain ait ouvert une enquête contre Google. On est au-delà de la concurrence déloyale, davanntage dans de l’abus de position dominante.

Avez-vous bénéficié, comme d’autres acteurs du numérique, de la crise du Covid-19 ?

Nous avons bénéficié de l’augmentation de l’usage d’Internet : les gens y ont passé plus de temps et on a vu des pics d’audience sur la période du premier confinement, puis une croissance qui a continué. Qwant comme moteur de recherche devrait terminer l’année à +50 % de croissance, avec 2,5 milliards de requêtes. L’audience a largement augmenté mais le marché publicitaire a beaucoup souffert. Des secteurs ont pratiquement arrêté de communiquer, comme les voyages, l’hôtellerie, les loisirs, l’automobile, et cela n’a pas été compensé par ceux qui ont augmenté, comme le jeu vidéo. On sera malgré tout à la fin 2020 avec une croissance à deux chiffres de nos revenus.

Après les pertes records de l’an dernier (23,5 millions d’euros), la société est toujours fragile ?

La crise ne s’aggrave pas. Nous pérennisons le développement de cette entreprise sur le long terme. Le business model existe, il est lié à l’audience et à la capacité à la monétiser, dans le respect des données de l’utilisateur. L’objectif est d’arriver à l’équilibre pour financer notre développement avec nos revenus. Nous aurions aimé que ce soit dès 2021, mais il nous faudra un peu plus de temps. 2020 sera encore une année de pertes, mais aussi de croissance.