5G : Pourrez-vous profiter du nouveau réseau à Noël ?
TELEPHONIE•Depuis le 18 novembre, les opérateurs peuvent allumer leurs antennes 5G, mais la forte attente du public face au nouveau réseau risque d’être déçue dans un premier tempsChristophe Séfrin
L'essentiel
- Le 18 novembre, feu vert a été donné aux opérateurs par l’Arcep pour lancer la 5G en France.
- Mais avec un réseau de 500 antennes seulement majoritairement réparties dans les grandes villes, une grande partie du territoire ne sera pas couvert.
- Il faudra attendre encore 4 à 5 ans pour que les promesses de la 5G soient véritablement tenues.
Des smartphones 5G dans les boutiques en veux-tu, en voilà ; des forfaits compatibles 5G qui pointent leur nez, le top départ donné aux opérateurs le 18 novembre par l’Autorité de régulation des communications et des Postes (Arcep) pour « allumer » leurs antennes 5G… Youpi, diront certains technophiles, la 5G semble enfin là ! Cette fois, à nous les débits multipliés par dix, le cloud gaming, les films qui se téléchargent en une seconde au lieu de quarante, la réalité virtuelle, les voitures autonomes… Oui, mais… « non », répond Guy Pujolle, professeur à la Sorbonne et spécialiste des réseaux.
La 5G complète d’ici à 5 ans
« La 5G qui frappe à nos portes n’est pas encore la 5G à laquelle on pense », explique à 20 Minutes l’auteur de Faut-il avoir peur de la 5G ? (Larousse). Selon lui, « la 5G ne sera pas complète pour le grand public avant 2024 ou 2025 ». Fausse joie, donc.
Explications. « La 5G, c’est d’abord l’utilisation de nouvelles fréquences. Depuis le 18 novembre, les opérateurs ont reçu l’autorisation de l’Etat d’utiliser ces fréquences. Il leur reste à effectuer des démarches administratives au plan local, d’ouvrir leur réseau quand ils le souhaitent, tout en choisissant leurs priorités géographiques », décrypte Sébastien Soriano, le président de l’Arcep. SFR a ouvert son réseau 5G sur Nice ce 20 novembre. Donc non, la 5G ne va pas couler à flots sur toute la France dès qu’Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free déboucheront le réseau nouveau…
500 antennes 5G contre 50.000 antennes 4G
L’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) a fait les comptes. On dénombrerait actuellement 500 antennes 5G dans l’Hexagone, la majorité se situant sur Paris (118), Marseille (95), Lille (82)… 500 antennes 5G… contre près de 50.000 antennes 4G réparties sur tout le territoire ! Sébastien Soriano rassure : « chaque opérateur a pour obligation d’installer 10.500 sites 5G d’ici à 2025 ». « Sur les zones déjà couvertes, on peut attendre une légère amélioration du débit, relate Guy Pujolle, mais le public ne verra pas tout de suite la différence. D’ailleurs, les 50 millions de chinois qui, actuellement, utilisent la 5G ne semblent pas ravis. Ça marche, mais rien d’exceptionnel », constate l’universitaire.
« Il y a un peu de tromperies »
C’est donc la gueule de bois qui guette les acheteurs des nouveaux iPhone 12, Galaxy Note 20 et autres Huawei Mate 40 Pro qui ont voulu investir dans un smartphone 5G dernier cri… mais qui risque de ne pas leur offrir immédiatement toutes les prestations attendues. « Le mot 5G vend du rêve. Mais pour que les opérateurs déploient leur réseau, il faut 4 à 8 ans. Pour l’heure, il y a un peu tromperie : la 5G est non stand alone, soit non complète, non finalisée », renchérit l’auteur de Faut-il avoir peur de la 5G.
Pour éviter les déceptions, l’Arcep prend les devants. « Il y a eu un certain nombre de fantasmes autour de cette 5G. Nous mettrons en ligne l’Observatoire de la 5G les jours suivants son lancement commercial par les opérateurs [d’ici à mi-décembre]. Dans une logique de transparence, son objectif sera de donner à voir l’avancement des réseaux des opérateurs. Cet Observatoire va démystifier les choses, amener la meilleure information possible avec les cartes de service des opérateurs, l’implantation des antennes », précise Sébastien Soriano.
Des applications industrielles révolutionnaires
A terme, la 5G profitera évidemment au grand public. Mais prioritairement aux entreprises. « On va réaliser des immeubles intelligents avec des flots de capteurs dont les informations capturées par les futurs data centers 5G permettront d’accéder à de nouveaux services. Grâce à l’absence de latence de la 5G pourront être réalisées des opérations chirurgicales à distance, les véhicules autonomes pourront être déployés. Les jeux vidéo en réseau vont évoluer vers le temps réel. On aura autant de débit dans un train à pleine vitesse qu’immobile sur le quai d’une gare. Et l’on assistera au développement de l’industrie 4.0 : il sera ainsi possible de commander une voiture avec ses options personnalisées le matin et d’être livré le soir », annonce Guy Pujolle.
La balle dans le camp des opérateurs
D’ici là, l’Arcep s’attend à ce que les premiers abonnés à la 5G soient d’abord des consommateurs « particulièrement motivés, avec une appétence technologique forte », note son président Sébastien Soriano. Et des consommateurs motivés financièrement : le prix des forfaits 5G proposés par SFR à Nice, première ville de France couverte, débutent à 40 euros (pour 80 Go). Pour le président de l’Arcep, « les fréquences mises à disposition des opérateurs le sont dans une quantité importante qui les mettent en situation de fournir un service de qualité. Il y a un vrai game changer ». Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont investi 2,8 milliards d’euros pour leurs fréquences. La balle est dans leur camp.