Les smartphones de la crise (2/4): Le Huawei P40 Pro coche toutes les cases… sauf une
SMARTPHONE•Malgré des promesses en photo largement tenues, le smartphone Huawei P40 Pro souffre de l'absence d’applications essentielles au quotidienChristophe Séfrin
L'essentiel
- Contraint de se passer des services de Google et du Google PlayStore à la suite de l’embargo américain en vigueur contre son constructeur, le nouveau smartphone Huawei P40 Pro veut se distinguer sur la photo.
- Plaçant la barre très haut techniquement, l’appareil se hisse au rang du meilleur photophone en ce début 2020 avec ses quatre capteurs arrières, dont un de 50 mégapixels.
- Mais vendu 1099 euros, il est sans doute trop cher dès lors que la partie logicielle est amputée d’applications essentielles.
C’est le nouveau smartphone star que vous n’avez peut-être pas vu passer durant le confinement. Lancé en pleine crise du coronavirus, comme l' iPhone SE, le Huawei P40 Pro est également victime de l’absence à bord des Google Services (Gmail, Drive, Maps…). Il s’agit de la conséquence de l’embargo américain qui frappe le constructeur chinois depuis de nombreux mois. Pour autant, Huawei a placé la barre très haut pour séduire. Mais la technique suffira-t-elle pour convaincre les acheteurs de débourser 1099 euros ?
Une fiche technique imposante
Il est beau, forcément. Autant que peut l’être un smartphone. Dos en verre dépoli sur le lequel est planté un imposant module photo ; écran OLED Full HD + (2640 x 1200 pixels) de 6,58’’/16,71 cm, contour métallique chromé en guise de pare-chocs pour éviter les accros du quotidien… le P40 Pro est une réussite esthétique. Evacuons les autres spécificités, car à l’intérieur, rien ne semble manquer. 256 Go de mémoire extensible avec 8 Go de Ram, processeur dernier cri 5G Kirin 990, batterie de 4200 mAh avec chargeur de 40 watts, norme IP68 pour l’étanchéité… la fiche technique est imposante. Elle l’est d’autant plus en photo.
La survie de Huawei passe par la photo
Et c’est là que Huawei joue gros. Champion en photo (depuis son partenariat avec Leica en 2016), grillant la politesse à ses concurrents dans le domaine de la prise de vues avec son P30 Pro, le constructeur s’est surpassé avec son P40 Pro. Ce nouveau smartphone intègre ainsi quatre capteurs arrières* et deux avant**. Cette armada offre une palette de possibilités visuelles que peu de smartphones peuvent prétendre approcher.
Disons-le tout de go : la plupart des photos réalisées avec le P40 Pro durant notre confinement sont excellentes. Les détails fourmillent à l’œil, les photos offrent une belle dynamique et la colorimétrie est assez fidèle (même si le bleu domine un peu).
L’ultra grand angle est d’un apport particulièrement appréciable. A noter la présence de différents filtres, dont celui baptisé « Impact » qui offre aux fans de photo en noir et blanc de quoi laisser parler leur créativité. Les contrastes, enfin, sont bien marqués.
Un zoom 5x optique qui se défend
Une fois encore après le Huawei P30 Pro, c’est aussi le zoom du P40 Pro qui se distingue. S’il est possible d’atteindre 50x en numérique (avec des résultats qui restent médiocres cependant), le zoom optique 5x fait, lui, des prouesses. Il parvient à maintenir un niveau d’informations assez incroyable pour un smartphone comme avec ces photos de chat…
Les photos de nuit sont aussi une réussite et peuvent rivaliser avec celles des smartphones Pixel de Google. Parfois, un simple cliché fait d’ailleurs mieux qu’un cliché pris avec le mode Nocturne comme c’est le cas ci-dessous. Reste que le P40 Pro réussit à révéler des détails que l’on ne soupçonnerait pas forcément.
Du côté du mode Portrait, les photos prises affichent un bel effet bokeh (flou à l’arrière du sujet) tout en soignant le détourage des cheveux. Même constat avec les selfies, ici opérés en 32 mégapixels.
Le P40 Pro parvient à isoler les petits cheveux rebelles sans les noyer dans un flou pseudo-artistique comme le font tant de smartphones.
Le nouveau champion de la photo
Alors oui, le P40 Pro fera l’unanimité autour de ses fonctions photos car à part les Galaxy S20 de Samsung qui peuvent rivaliser avec lui, aucun autre smartphone ne lui arrive à la cheville en la matière. On attend la réplique d’Apple… qui déconfinera son iPhone 12 en septembre prochain si tout va bien. Au final, il faut bien l’avouer, il n’y a guère de reproche à formuler à l’encontre du dernier vaisseau amiral de la flotte Huawei. Tout juste pourrait-on regretter la présence d’un unique haut-parleur, un peu juste pour les visionnages sans casque audio, ou d’un taux de rafraîchissement de l’écran de 90 Hz là où d’autres, comme le nouveau OnePlus 8, ont franchi la barre des 120 Hz.
Des absences handicapantes
Ah, si. Il y a aussi cette histoire Google… Et là, c’est le drame. Si Huawei développe son AppGalery comme magasin d’applications de substitution, l’échoppe reste pour le moment aussi bien achalandée qu’un rayon de gel hydroalcoolique au début du confinement. Car si les services de Google – dont YouTube- sont absents, les Facebook, Netflix ou Instagram ne s’y trouvent pas davantage. Il faut chercher, creuser, s’en remettre aux sites web des applications convoitées, en obtenir des versions non optimisées, non mises à jour automatiquement… Si TikTok, Snapchat, Amazon, Deezer ou Snapchat sont là, nos usages restent totalement chamboulés.
Alors pour qui le P40 Pro de Huawei ? Pour les geeks purs et durs qui sauront s’en accommoder, sans doute. Pour les hatters qui se réjouiront peut-être de claquer la porte au nez de Google. Mais certainement pas pour le grand public qui, devant débourser 1099 euros, aura en main un produit bridé, pour ne pas dire incomplet. Si l’on ne peut reprocher à Huawei les conséquences de l’embargo américain sur ses nouveaux smartphones, l’erreur du constructeur est de vouloir maintenir leur prix au niveau de ceux de ses concurrents alors que les siens sont plombés par les concessions qu’ils imposent.
* Un capteur photo principal de 50 mégapixels (f/1.9) ; un second de 40 mégapixels (ultragrand-angle, f/1.8) ; un troisième de 12 mégapixels (périscopique, f/3.4) ; ainsi qu’un capteur de profondeur de champ.
** Un capteur de 32 mégapixels (f/2.2) ; un capteur de profondeur de champ.