« L’incroyable mobilisation » des makers pendant la crise sanitaire
IMPRESSION 3D•Depuis le début de la crise sanitaire, les makers, ces férus d’impression 3D et de DIY, ont fourni gratuitement plusieurs centaines de milliers de visières aux soignantsAnne Demoulin
L'essentiel
- Les makers se sont mobilisés, bénévolement, pour aides les soignants face à la pénurie de protection contre le Covid-19.
- Ces férus d’impression 3D et de Do It Yourself ont produit des centaines de milliers de visières de protection, mais aussi des connecteurs pour les dispositifs de ventilation, des pousse-seringues ou encore systèmes anticontamination pour ouvrir des portes.
- Les makers « ont démontré qu’ils étaient le premier bureau R & D au monde par sa réactivité, sa souplesse et son inventivité », salue Yann Marchal, administrateur du groupe Facebook Makers contre le Covid.
Un mouvement d’ampleur nationale. Depuis le début de la crise sanitaire, les makers, ces férus d’impression 3D et de DIY, se sont mobilisés bénévolement pour faire face à la pénurie de protection contre le Covid-19. Visières de protection, connecteurs pour les dispositifs de ventilation, pousse-seringues, systèmes anticontamination pour ouvrir des portes… C'est peu dire qu'ils n’ont pas chômé pendant le confinement.
Le Réseau Français des Fablabs estime ainsi que plus de 250.000 visières ont été livrées via ses laboratoires de production. Visière solidaire d’Anthony Seddiki compte plus de 300.000 visières distribuées par son réseau, Covid3d.fr en dénombre plus de 75.000, selon les chiffres relayés par Care News.
C’est sans compter les visières produites par le groupe Facebook Makers contre le Covid. Le groupe qui fédérait 487 membres à la mi-mars en compte désormais plus de 4.600. A ces premières estimations, manquent aussi à l’appel les chiffres de la plateforme Just One Giant Lab et le Discord « Entraide Maker ».
« La mobilisation des makers français est sans précédent »
« La mobilisation des makers français est sans précédent, il serait temps que l’Etat et les pouvoirs publics s’en rendent compte », estiment les makers dans une tribune commune, publiée le 21 avril. Tous ces équipements ont été fournis gratuitement aux soignants. Conscientes des dépenses engendrées par cette mobilisation, certaines régions ont mis en place des aides. La Bretagne a, par exemple, débloquée une enveloppe de 30.000 euros, qui permettra aux trois têtes de réseaux bretonnes (le Labfab de Rennes, le fablab de la Fabrique du Loch, et l’ENSTA Bretagne à Brest) de réaliser des commandes groupées.
Le conseil régional de la région Centre-Val-de-Loire « propose aux structures, telles que les Fablabs et les associations, un remboursement des consommables, c’est-à-dire le filament, à hauteur de 1.500 euros, ainsi qu’une enveloppe de 4.000 euros pour couvrir 80 % de l’investissement », explique Yann Marchal. Cette aide ne concerne pas les particuliers qui se sont investis et ont avancé de la trésorerie.
« Nous n’avons plus d’argent puisqu’on a tout donné »
Le hic ? « Nous n’avons plus d’argent puisqu’on a tout donné. Certains ont commencé à faire des cagnottes. Mais cela ne couvre pas les besoins », estime Yann Marchal. Et de rappeler : « On veut continuer à donner. C’est important que l’on donne et que l’on ne vende pas parce que nous travaillons sous licence Creative Commons. »
Et les makers ont encore du filament sur la planche ! « On a une forte demande pour des systèmes de barrettes pour soulager les oreilles au niveau de tension des élastiques » des masques, détaille-t-il. Des systèmes que les couturières proposent également.
Autre problème auxquels font face les makers. « Nous sommes sous le coup d’un problème de réglementation, il faut que nos visières répondent à des normes et pour faire certifier nos visières, c’est 1.600 euros », explique l’administrateur du groupe Makers contre le Covid.
« On a pallié un besoin essentiel que l’Etat n’a pas su couvrir »
Quelle suite pour le mouvement des makers après le 11 mai ? « Beaucoup vont s’arrêter parce qu’ils vont reprendre le travail », note Yann Marchal. Alors que leur « objectif était d’aider les soignants », les makers croulent sous les demandes de particuliers et d’entreprises. « Beaucoup renvoient les requêtes d’entreprises vers des professionnels, qui, eux, facturent les visières », explique-t-il.
Et de poursuivre : « Le mouvement n’est pas mort. On réfléchit à la suite parce que cette mobilisation était juste incroyable ! On a fait un sacré boulot, on a su se rendre utile et on a pallié un besoin essentiel que l’Etat n’a pas su couvrir », se félicite-t-il.
Et de souligner que l’ensemble des makers dans le monde à l’occasion de la crise sanitaire « ont démontré qu’ils étaient le premier bureau R & D au monde par sa réactivité, sa souplesse et son inventivité. Nous sommes des millions dans le monde à réfléchir et à mettre en commun nos idées, aucune entreprise n’a cette force-là ! »