« Nudes », « dick pics », émoji aubergine… Le confinement fait exploser la sexualité en ligne
RESEAUX SOCIAUX•« Nudes », « dick pics », sextos et autres symboles sexuels sont de plus en plus utilisés par les internautes en cette période de confinementHakima Bounemoura
L'essentiel
- Les internautes compensent le manque de contact intime dû au confinement en envoyant des «nudes», sextos et autres symboles sexuels sur les réseaux sociaux.
- Les tweets contenant à la fois les termes « nudes » ou « dick pics » apposés au mot « coronavirus » ont augmenté de 384 % en seulement trente jours, selon une étude réalisée par Khoros.
- « Le confinement engendre une augmentation du stress et donc une forme d’excitation », explique Helen Fisher, chargée de recherches au Kinsey Institute, et conseillère scientifique pour le site de rencontres Match.com.
Cela fait plus d’un mois que le quotidien de plusieurs millions de Français a complètement été chamboulé par la pandémie de coronavirus. En cette période inédite de confinement et de distanciation sociale, les relations intimes sont mises à rudes épreuves, notamment pour les célibataires et pour ceux qui ne vivent pas sous le même toit que leurs partenaires. Mais cette mise en quarantaine forcée ne veut pas forcément dire désert sexuel pour tout le monde…
D’après une étude menée par la société Khoros, spécialisée dans les médias sociaux, les internautes compensent le manque de contact intime via Internet et les réseaux sociaux. L'enquête réalisée entre début mars et début avril montre que les échanges de nudes [envoi de photos dénudées] d’une personne consentante à une autre, ont explosé ces dernières semaines sur Internet. Nudes, dick pics, sextos et autres symboles sexuels sont aujourd’hui de plus en plus utilisés par les internautes.
L’usage des émojis « pêche » et « aubergine » a explosé sur les réseaux sociaux
Les tweets contenant à la fois les termes « nudes » ou « dick pics » apposés au mot « coronavirus » ont ainsi augmenté de 384 % en seulement trente jours (de début mars à début avril), d’après l’étude menée par l’entreprise Khoros. L’usage des émojis pêche et aubergine [représentations symboliques communes des organes génitaux féminins et masculins] a aussi explosé sur les réseaux sociaux. L’utilisation de l’émoji pêche a ainsi bondi de 46 % en avril par rapport au mois précédent.
Selon Helen Fisher, chargée de recherches au Kinsey Institute, et conseillère scientifique pour le site de rencontres Match.com, cette montée de l’expression de la sexualité sur Internet s’explique par plusieurs facteurs. « Le confinement engendre une augmentation du stress et donc une forme d’excitation. Cela augmente la testostérone chez les hommes et les femmes, et cela déclenche ensuite la production de noradrénaline et d’épinéphrine, des stimulants naturels qui produisent de l’énergie, de la concentration, de la motivation et de l’excitation sexuelle », explique la chercheuse.
Une impression de « sécurité » peut également expliquer cette « libéralisation » de la sexualité sur les réseaux sociaux. « Plus personne ne peut se rencontrer physiquement, il n’y a donc plus le poids de l’après-flirt en ligne, de la rencontre réelle. Les hommes et les femmes ont désormais le temps d’exprimer leur sexualité », ajoute Helen Fisher, qui pointe également du doigt le fait que les femmes ont tendance à davantage exprimer leurs réels désirs depuis le début du confinement, ce qu’elles ne faisaient pas autant que les hommes sur les réseaux sociaux jusque-là.
« Le plaisir sexuel » pour faire face à la difficulté du confinement
Avec le confinement, tout ce qui a trait à la sexualité en ligne d’une manière générale est en plein boom. Les sites proposant des contenus pornographiques ne se sont jamais aussi bien portés. Le trafic sur les sites porno représenterait aujourd’hui un quart du trafic mondial sur Internet. Le site Pornhub a enregistré une hausse du trafic mondial de 12 % par rapport au mois dernier, selon le quotidien britannique The Guardian. Même constat chez la société de production Dorcel. Grégory Dorcel, directeur général des productions, a constaté « une explosion de 35 à 50 % des visionnages de contenus et d’achats d’accessoires sexy destinés au partage ».
Autre secteur du sexe en ligne en pleine expansion, les sites de livecam. Depuis le début du confinement, les « camgirls » sont très sollicitées. Chez Desir-Cam, site français créé en 2011, on dit n’avoir jamais vu une telle demande. « C’est un pic historique. La fréquentation des clients a augmenté. Nous constatons davantage d’inscriptions, l’arrivée d’une nouvelle clientèle et des achats de minutes de show », expliquait il y a quelques jours à 20 Minutes le co-fondateur et responsable du site. « En ce moment, les gens s’embêtent, cherchent de l’occupation, de l’interaction, de l’excitation. Et ils viennent nous voir », a également confié ClaraHot, 45 ans, une des pionnières de la cam en France.
Mais tout n’est pas rose sur les plateformes en ligne, loin de là… Depuis le début du confinement en France, une forme de revenge porn et de slut shaming a déferlé sur Snapchat et sur la messagerie cryptée Telegram. Des comptes « ficha » [se taper l’affiche en verlan] diffusant des photos et vidéos intimes de jeunes filles sans leur consentement se sont multipliés un peu partout en France. « Nous avons noté une forte recrudescence de ces actes depuis le début du confinement. Près de 50 signalements ont déjà été faits par mes équipes auprès de Snapchat », a indiqué il y a quelques jours Marlène Schiappa à 20 Minutes. Depuis l’adoption de la loi « pour une République numérique » en 2016, « la diffusion de revenge porn est passible de deux ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende », précise la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui appelle aujourd'hui à la vigilance.