SOLIDARITECovoiturage, hébergement… Les Français solidaires pendant la grève

Grève : Covoiturage, hébergement, garde d’enfants… Grâce aux réseaux sociaux, l’entraide s’organise

SOLIDARITEPlateforme d’entraide, page Facebook, applications… Les Français peuvent compter sur les réseaux sociaux pour s’aider mutuellement pendant la grève
Illustration d'une journée de grève à la gare de Montparnasse   Paris.
Illustration d'une journée de grève à la gare de Montparnasse Paris. - Jacques Witt
Hakima Bounemoura

H. B.

L'essentiel

  • Covoiturage, prêts de vélo, hébergement ou encore garde d’enfants, les petites annonces pour rendre service ou aider son voisin dans la galère ont explosé depuis le 5 décembre dernier.
  • « Il y a une grande vague de solidarité en ce moment », note Emile Josselin, porte-parole de la plateforme Nextdoor, une application d’entraide gratuite entre voisins.
  • « Ces solidarités s’observent davantage à toute petite échelle que d’une manière générale dans la société », explique toutefois Sébastien Hof, psychologue du travail.

Cela fait maintenant plus de deux semaines qu’a débuté le mouvement social contre la réforme des retraites, une grève très suivie notamment dans les transports en commun, et qui a bousculé la vie quotidienne de très nombreux Français. Qu’à cela ne tienne, pour faire face à cette « galère » du quotidien, beaucoup ont décidé de s’organiser entre eux et d’opter ainsi pour le système D afin de pouvoir continuer à aller travailler ou faire garder leurs enfants.

Ce n’est pas la première fois que les Français font face à une telle situation de paralysie dans le pays. Mais la grande nouveauté aujourd’hui, c’est qu’ils peuvent compter sur les réseaux sociaux pour « s’entraider ». Lors des grandes grèves de 1995 ou 2003, il n’y avait en effet ni Facebook, ni plateforme d’entraide entre citoyens, ni aucune appli disponible sur smartphone. Covoiturage, prêts de vélo, hébergement ou encore garde d’enfants, les petites annonces pour rendre service ou aider son voisin dans la galère ont ainsi littéralement explosé depuis le 5 décembre dernier.

« Un doublement voire un triplement des connexions » sur Nextdoor

Pour faire face à tous ces soucis du quotidien, nombreux sont ceux qui se sont tournés vers des plateformes ou applications d’entraide entre citoyens. Nextdoor, une application gratuite « pour aider ses voisins », a vu bondir depuis début décembre la fréquentation sur sa plateforme. « Nous avons observé un doublement voire un triplement des connexions sur notre site depuis le début de la grève, principalement dans les grandes agglomérations », note Emile Josselin, responsable communication de l’entreprise. « Ce que l’on note surtout, c’est que beaucoup de gens proposent naturellement leur service. Il y a une grande vague de solidarité en ce moment. »

Les principales requêtes sur le site concernent des demandes de covoiturage, de garde d’enfants, ou de conseils ou matériel pour circuler à vélo. « Je peux prêter le vélo que je n’utilise pas pour permettre à quelqu’un de se rendre sur son lieu de travail », « Je propose à ceux qui le souhaitent de covoiturer ou de marcher ensemble pour aller travailler » ou encore « Je peux organiser un ramassage scolaire alternatif pour les enfants du quartier » sont des propositions qui ont très souvent émergées sur la plateforme ces derniers jours. Sur Wanted Community, même constat. De nombreuses personnes ont spontanément proposé leur aide sur cette communauté d’entraide et de partage de bons plans entre particuliers.

« On a comptabilisé plus de 200 propositions sur notre page Facebook en moins de 24 heures »

Les réseaux sociaux traditionnels ont également été mis à contribution. La page Facebook Solidarité alternatives service junior SNCF Grève, fraîchement créée ce jeudi pour aider les enfants à voyager seuls à bord des trains SNCF, compte déjà près de 700 abonnés. « On a comptabilisé plus de 200 publications sur notre page, demandes/propositions confondues », explique Marie*, l’une des deux administratrices du groupe. « Quelques familles nous ont dit avoir trouvé une solution, nous n’avons pas de retour de tout le monde pour l’instant », précise la jeune femme âgée de 32 ans.

« Les enfants ne doivent pas être les victimes des problèmes d’adultes. Même pendant la Première Guerre mondiale, il y a eu une trêve à Noël ! », ajoute Marie, dont la priorité aujourd’hui est « d’aider ces familles en diffusant les annonces d’aide ». Depuis 24 heures, les propositions affluent sur la page qu’elle a bénévolement créée avec une autre internaute. « Je prends le train lundi 23 décembre de Marseille St-Charles à 17h pour arriver à Paris gare de Lyon à 20h21. Si cela arrange des parents, je peux accompagner des enfants. Contactez-moi en MP » ou encore « Nous partons en couple de Chalon-sur-Saône dimanche matin pour Calais, trois places dispo pour des enfants (gratuites) », peut-on notamment lire sur cette page Facebook d’entraide.

L'un des messages d'entraide postés sur la page Facebook.
L'un des messages d'entraide postés sur la page Facebook. - Capture d'écran Facebook
L'un des messages d'entraide postés sur la page Facebook.
L'un des messages d'entraide postés sur la page Facebook. - Capture d'écran Facebook

Des applications à la rescousse

Les diverses applications de covoiturage et de garde d’enfants ont également permis de créer une nouvelle forme de solidarité. Avec les difficultés rencontrées dans les transports en commun, de nombreux Français se sont mis au covoiturage, ou plutôt au « court-voiturage » qui s’applique aux trajets domicile-travail. L’application Karos a ainsi recensé trois fois plus de trajets en région parisienne lundi dernier par rapport à un jour « normal ». D’autres applications sont également venues en aide aux parents qui souhaitaient faire garder en urgence leurs enfants. Parmi elles, Yoopies ou encore Keradom qui permettent de dénicher à la dernière minute une nounou ou une baby-sitter dans son quartier.

La mobilisation contre la réforme des retraites aura donc au moins eu le mérite de permettre de retisser des relations entre les gens, et de recréer du lien social. Ces solidarités « s’observent davantage à toute petite échelle que d’une manière générale dans la société », explique toutefois au Parisien Sébastien Hof, psychologue du travail. « L’individualisme est si fort que quand l’entraide assez naturelle refait surface en période de crise, on s’en étonne »…

* Prénom d’emprunt.