Whatsapp, Telegram, Discord... La nouvelle stratégie de communication des «gilets jaunes» pour se mobiliser
MANIFESTATION•Les « gilets jaunes », qui s’apprêtent à manifester samedi à l’occasion de l’acte 56, « se sont structurés et s’organisent désormais en dehors des réseaux sociaux » traditionnels, a expliqué Maxime Nicolle, l’une des figures du mouvementHakima Bounemoura
L'essentiel
- Les « gilets jaunes » s’apprêtent à manifester samedi à l’occasion de « l’acte 56 » de leur mouvement.
- « Les gens se sont structurés et s’organisent désormais en dehors des réseaux sociaux », a déclaré Maxime Nicolle, l’une des figures des « gilets jaunes ».
- « Sur Facebook, nous étions trop surveillés, la moindre de nos actions était scrutée par les autorités », explique Philippe Pascot, l’un des leaders du mouvement.
- Whatsapp, Telegram, Discord, Skype… « Pour communiquer, on préfère désormais passer par d’autres systèmes de communication plus sécurisés », explique Maxime Souque, l’un des administrateurs de la plateforme « Le vrai débat ».
Doit-on s’attendre ce samedi à une journée noire ? Deux jours après le début de la grève illimitée contre la réforme des retraites, les « gilets jaunes » devraient défiler samedi à Paris à l’occasion de « l’acte 56 » de leur mouvement. Pour l’instant, peu d’informations sont disponibles, mais selon la plateforme Démosphère, qui répertorie les événements « alternatifs », le principal cortège des « gilets jaunes » devrait s’élancer en fin de matinée de Bercy pour se diriger vers la porte de Versailles, en passant par la gare d’Austerlitz et la place Denfert-Rochereau.
Difficile de dire à quoi s’attendre ce samedi tant peu d’informations filtrent sur les réseaux sociaux, le canal habituel des « gilets jaunes ». Interrogé sur le manque de communication du mouvement pour cette 56e journée de mobilisation, Maxime Nicolle, alias Fly Rider, figure médiatique des « gilets jaunes », a affirmé au Parisien que « les gens se sont structurés et s’organisent désormais en dehors des réseaux sociaux » traditionnels.
« Sur Facebook, on était constamment surveillés, c’était trop facile d’anticiper nos actions »
Les appels nationaux à manifester pour l’acte 56 du mouvement n’ont en effet pas beaucoup été relayés sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Sur Facebook, plateforme sur laquelle est née et s’est organisée la contestation, très peu d’événements ou de vidéos ont été postées cette semaine pour appeler à la mobilisation. Alors qu’au plus fort du mouvement, il y a un an, on comptait des centaines de pages Facebook d’appels à manifester. « Les gens restent très mobilisés, on s’organise juste aujourd’hui de manière différente », explique Maxime Souque, l’un des administrateurs de la plateforme « Le vrai débat », et « gilet jaune » de la première heure.
« On ne fait plus d’appels sur Facebook, on préfère passer par d’autres systèmes de communication, plus privés. C’était du pain béni pour les forces de l’ordre, ils pouvaient trop facilement anticiper nos actions, et nous court-circuiter », ajoute le militant. « Passer par les réseaux sociaux traditionnels, ça ne sert plus à rien », explique de son côté Philippe Pascot, l’un des leaders du mouvement. « Nous étions trop surveillés, la moindre de nos actions était scrutée par les autorités. Il ne fait aucun doute que nous étions « espionnés ». On ne peut plus aujourd’hui faire confiance aux grandes plateformes », ajoute l’écrivain et ancien élu, qui sera dans la rue samedi.
« De grosses boucles WhatsApp pour communiquer entre nous »
Les « gilets jaunes » n’ont pas pour autant déserté tous les réseaux sociaux. Ils se servent aujourd’hui davantage des applications de messagerie cryptées, plus sûres et très faciles à utiliser. « Nous avons mis en place de grosses boucles WhatsApp pour communiquer entre nous : on met en place les actions à venir, on se fixe des rendez-vous et on lance les appels à manifester », explique Philippe Pascot, qui se refuse à en dire davantage, pour ne pas trop dévoiler la nouvelle stratégie mise en place par le mouvement.
De nombreux militants utilisent également Discord, une plateforme de VoIP à la base conçue pour les gamers mais qui est aujourd’hui très populaire. « Elle permet à des gens de communiquer entre eux en temps réel, par message vocal ou texte, et de créer des groupes de discussion », explique un militant originaire de Toulouse. « Pour s’organiser, du côté d’Avignon, on passe aussi par Telegram, Signal et on met en place des discussions de groupe sur Skype. Nous avions déjà procédé ainsi lors de la grande manifestation du 16 mars », précise Maxime Souque. Le but étant bien évidemment d’utiliser des moyens de communication plus sécurisés, mais aussi plus efficaces…
Certains observateurs sont aujourd’hui sceptiques et soupçonnent que ce changement de « stratégie de communication » cache en réalité le fait qu’il y ait de moins en moins de militants actifs sur le terrain. La dernière manifestation officielle des « gilets jaunes » remonte au 30 novembre, deux semaines après le premier anniversaire du mouvement. La mobilisation n’avait pas eu lieu dans les grandes villes, la tactique adoptée avait été celle de défiler localement. Les manifestations n'avaient rassemblé que 28.000 personnes, dont 4.700 à Paris…