RESEAUX SOCIAUXA quoi sert «l’appel de Christchurch» contre la cyberviolence

«Appel de Christchurch»: A quoi va servir cette initiative contre la cyberviolence?

RESEAUX SOCIAUXEmmanuel Macron et la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Adern ont appelé ce mercredi Etats et plateformes Internet à s’engager contre la diffusion de violence en ligne
Estelle Maussion

Estelle Maussion

L'essentiel

  • L’initiative lancée ce mercredi après-midi à Paris est avant tout un acte politique.
  • Elle met la pression sur les plateformes pour qu’elles renforcent le contrôle des contenus diffusés.
  • Mais les moyens d’action restent à définir au niveau national comme international.

Déclarer la mobilisation générale contre la diffusion de violence sur Internet. Tel est l’objectif de l’appel lancé ce mercredi après-midi à Paris par le président français Emmanuel Macron et la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Adern. Rassemblant à la fois des Etats, dont le Royaume-Uni, le Sénégal et la Jordanie, et les géants du numérique, dont Google, Twitter et Facebook, l’initiative intervient deux mois après la diffusion en direct sur Facebook de l’attaque contre des mosquées en Nouvelle-Zélande qui a fait plus de 50 morts. Elle place la France et la Nouvelle-Zélande à la pointe de la lutte contre la diffusion de contenus violents et à caractère terroriste, un domaine où il sera difficile de parvenir à un consensus sur le plan mondial.

Que prévoit l’appel de Christchurch ?

Le texte de quatre pages présenté ce mercredi après-midi à l’Elysée, en marge du deuxième sommet « Tech For Good » réunissant 80 grands patrons mondiaux de la tech, demande aux pays et aux grandes entreprises du numérique d’agir contre le terrorisme et l’extrémisme violent en ligne. Porté par Emmanuel Macron et Jacinda Arden, l’appel est soutenu par une vingtaine de dirigeants politiques et de patrons. « Il faut apporter une réponse mondiale à un réseau mondial », a expliqué dans Le Monde la Première ministre néo-zélandaise. « L’objectif est de se donner des axes de travail pour l’avenir » notamment en termes de « réactivité aux incidents » et de « collaboration » entre les différents acteurs, plateformes, États et sociétés civiles, a précisé la présidence française.

Le texte ne va toutefois pas jusqu’à préconiser l’adoption d’une loi obligeant les plateformes à retirer les contenus indésirables en 24 heures sous peine d’amendes, comme c’est le cas en Allemagne depuis début 2018. La France, qui réfléchit à imiter son voisin allemand, porte également via le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, un projet de charte sur les contenus haineux sur Internet qu’elle voudrait voir aboutir au niveau du G7, qui rassemble les pays les plus industrialisés (France, Canada, Allemagne, Etats-Unis, Italie, Japon, Royaume-Uni).

Quel est l’impact de l’appel ?

« C’est un texte de diplomatie internationale, qui expose de grands principes. C’est avant tout un acte politique, symbolique », souligne Jennyfer Chrétien, déléguée générale de Renaissance Numérique, think tank créé en 2005 pour lutter contre la fracture numérique et développer un numérique citoyen. En matière de régulation des réseaux sociaux, souligne la responsable du think tank, il y a d’importantes différences culturelles entre les Etats. L’approche chinoise n’a rien à voir avec celle des Etats-Unis ou des pays européens. Même au sein de l’Union européenne, les positions varient entre, d’un côté, la France et l’Allemagne favorables à une régulation par la loi et, de l’autre, des pays nordiques souhaitant préserver la liberté d’expression et donc beaucoup plus réticents à un contrôle. Dans ce cadre, l’appel incite malgré tout à une action globale, réunissant l’ensemble des parties prenantes, gouvernements, plateformes et société civile.

« L’appel permet également d’accentuer la pression sur les réseaux sociaux pour obtenir plus de transparence sur l’utilisation des algorithmes, que ce soit dans la diffusion des contenus comme leur filtrage », ajoute Jennyfer Chrétien. Aucun hasard de calendrier, Facebook a choisi le jour du lancement de l’appel pour annoncer un durcissement des conditions d’utilisation de son outil de vidéo en direct, Facebook Live, au centre des critiques au lendemain des attentats en Nouvelle-Zélande. « Toute personne ne respectant pas les politiques de Facebook les plus sensibles se verra interdire l’utilisation de Facebook Live pour une période déterminée – par exemple 30 jours – à compter de sa première infraction », a écrit Guy Rosen, un haut responsable du groupe sur un blog de l’entreprise.

Quelles sont ses limites ?

« Si l’appel va dans le bon sens, c’est sa mise en œuvre concrète qui s’annonce délicate », note Lucien Castex, le secrétaire général de l’Internet Society France, association de défense d’un usage libre d’Internet. Premier écueil, l’appel n’est pas contraignant, et un acteur majeur, les Etats-Unis, ne fait pas partie des signataires. Deuxième problème, passer à l’action suppose de répondre à de multiples questions. Comment se mettre d’accord au niveau international sur la définition d’un contenu terroriste ? Tous les pays voudront-ils renforcer les moyens de la justice pour lutter contre les propos haineux ? Où poser la limite entre combat contre des publications indésirables et censure ?

Plaidant pour une plus grande responsabilisation des plateformes, Renaissance numérique et Internet Society France soulignent aussi la nécessité d’investir dans la sensibilisation et l’éducation des utilisateurs à un usage responsable des réseaux sociaux.