Intox, fake news… Mike Borowski, «l’éditorialiste» qui vit grâce aux fausses informations avec «La Gauche M’A Tuer»
MEDIAS•Le site suscite autant d’audience et de réactions que les plus grands médias françaisH. B. avec AFP
Avec son seul clavier, Mike Borowski a créé une poule aux œufs d’or des fausses informations version droite dure… Le site « La Gauche M’A Tuer », son moyen de subsistance, suscite autant d’audience et de réactions que nombre de grands médias français.
Les « fact-checkers » français, connaissent par cœur ce trentenaire aux cheveux roux clairsemés attiré par les projecteurs. Chaque semaine ou presque, ils signalent un de ses articles comme faux. De la désinformation délibérée ? « Un média d’opinion. Vous dites que c’est faux, on dit que c’est vrai, chacun défend son truc », relativise-t-il.
« Il suffisait que j’écrive "Taubira" et "prison" et je faisais 10.000 partages »
Mike Borowski a été « apparatchik » à l’UMP, candidat à des élections, assistant parlementaire de l’énarque conservateur Gilles Carrez ou même lobbyiste. Il gère désormais seul « La Gauche M’a Tuer », créé par des jeunes UMP pour taper sur la gauche avant la présidentielle 2012.
Les difficultés de la présidence Hollande propulsent très haut son site : de janvier 2015 à septembre 2018, selon les données compilées par Le Monde avec l’outil de mesure de l’audience BuzzSumo, les articles de « La Gauche M’a Tuer » sont plus populaires sur les réseaux sociaux que ceux de… Libération, Europe 1 ou Le Point. « Il suffisait que j’écrive "Taubira" et "prison" et je faisais 10.000 partages », s’amuse-t-il.
41.000 euros de chiffre d’affaires en 2015
Si Mike Borowski garantit n’avoir « pas fait La Gauche M’a Tuer pour être millionaire », sa société créée en 2014 lui a permis d’obtenir jusqu’à 41.000 euros de chiffre d’affaires en 2015. Son site, c’est d’abord un format : des titres tapageurs, des pubs envahissantes. Ce sont aussi des obsessions, alimentées par une poignée de contributeurs : les « parasites » Roms qui « rapinent » ; les migrants- « envahisseurs » qui « occupent » la France ; le « laxisme » judiciaire ; les taxes, etc.
Les deux articles les plus partagés de ce bi-national franco-polonais ? Une intox soutenant que « nombre de retraités » vivent avec nettement moins d’argent que les « migrants » (c’est faux) et une autre selon laquelle des SDF « français » ont « été renvoyés d’un centre d’accueil pour accueillir 89 migrants » (la nationalité des SDF est inconnue).
« Victime » de la lutte contre la désinformation
Mais celui qui ne jure que par le prisme gauche-droite a été récemment désarçonné par le « nouveau monde » d’Emmanuel Macron, par les nouveaux usages d’Internet, orientés vidéo, mais aussi par les mesures accrues de Facebook contre la désinformation à la suite de l’élection de Donald Trump sur fond de « fake news » et du scandale Cambridge Analytica.
Mike Borowski reconnaît une année 2018 « compliquée. Facebook a sabordé ma page » en diminuant sa visibilité à la suite de cette nouvelle politique. Il contre-attaque en justice Facebook qui lui a fermé « par erreur » sa page pendant plusieurs semaines début 2018. Grâce à cela, il estime désormais pouvoir « être plus virulent » dessus car il n’aurait « plus de censure ». « Il suffit parfois de montrer les dents… », plastronne-t-il.
« 150 à 200 articles » évalués comme « faux » par les fact-checkers
Sur sa page « La Gauche M’A Tuer », pourtant, « une dizaine de contenus ont été retirés » par l’entreprise américaine « pour violation des standards », et « 150 à 200 articles » ont été évalués comme « faux » par les fact-checkers, selon son estimation.
D’autres plateformes ont eu la main plus lourde : Youtube, par message du 15 janvier 2018, a clôturé son compte « La Gauche M’A Tuer » « au motif que trois avertissements lui avaient été adressés en trois mois ». Si Mike Borowski conteste la mesure sur le fond, il a cette fois préféré « changer de stratégie ». Il a ouvert une nouvelle chaîne de vidéos, « Droitards Méchants ». Dessus, il se fait « journaliste-citoyen » dans les manifestations de « gilets jaunes ». « Des trucs mainstream », dans l’espoir d’un nouveau relais de croissance.