Ils ont quitté Facebook après le scandale Cambridge Analytica: «C’était difficile au début, il y a un manque après dix ans passés sur ce réseau»
VOUS TEMOIGNEZ•Il y a un an, le 17 mars 2018, les révélations autour de la vente de données personnelles de Facebook par l’entreprise Cambridge Analytica amorçait un mouvement de protestation contre le réseau. Certains utilisateurs ont depuis fait le choix de quitter le site. Ils racontentH.S.
L'essentiel
- L’entreprise Cambridge Analytica est accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consentement les données personnelles de 90 millions d’utilisateurs de Facebook.
- La société britannique avait ensuite travaillé pour la campagne du candidat républicain à la présidentielle américaine de 2016, Donald Trump.
- Ce scandale, un parmi d’autres, avait amorcé une désaffection du réseau par les internautes, notamment des plus jeunes qui privilégient désormais Instagram et Snapchat.
Il y a un an, une photo inondait le réseau Twitter. Sur cette capture d’écran, on pouvait y lire le même message partagé des centaines de fois : « Êtes-vous certain de vouloir désactiver votre compte Facebook ? ». Eclaboussé par le scandale « Cambridge Analytica » - du nom de l’entreprise ayant collecté et exploité les données personnelles de millions d’utilisateurs - le réseau social faisait face à un appel au boycott.
Le mot-clé « #DeleteFacebook » (« #SupprimezFacebook » en français) est devenu viral, popularisé par des internautes influents relayant la suppression de leur compte Facebook. Si la firme créée par Mark Zuckerberg se porte toujours très bien, des utilisateurs scandalisés par ces révélations ont sauté le pas et décidé de quitter le réseau social.
Un élément déclencheur
Pour Julien, l’affaire Cambridge Analytica a servi de déclic : « Cela faisait un moment que je voulais quitter Facebook (…) apprendre que nos données étaient vendues a été la goutte de trop. J’ai tout coupé du jour au lendemain, mes vrais amis savent où me trouver. J’utilise encore LinkedIn, Whatsapp et Snapchat parce qu’il y a un but précis. Je ne retournerai jamais sur Facebook. Beaucoup de jeunes dans mon entourage ont aussi quitté le site ».
Comme lui, Mickaël a pris sa décision à l’issue des révélations le 17 mars 2018 : « Cela fait près d’un an que j’ai supprimé mon compte. Je l’ai fait pour plusieurs raisons, j’avais l’impression de tourner en rond et de me connecter au site par habitude plus que par envie. Et puis ce scandale m’a poussé à franchir le cap », témoigne-t-il auprès de 20 Minutes.
Si Cambridge Analytica n’a pas été le seul élément déclencheur dans la décision de supprimer ou désactiver leur compte, plusieurs internautes nous ont fait part du sentiment « d’accumulation » et de « ras-le-bol généralisé » vis-à-vis des pratiques de Facebook. « J’en avais assez de toutes ces publicités ciblées, des scandales à répétition sur nos données, de la facilité avec laquelle les GAFA se goinfrent sans verser d’impôts à hauteur de leurs revenus, du contrôle des populations, de l’ingérence de certains pays quand il y a des élections. Pour tout cela je suis parti », détaille Charles.
Une modification des usages
De nombreux internautes ont fait part de leurs difficultés à prendre la décision de supprimer définitivement leur compte. Partageant l’indignation et la colère suscitées par le scandale Cambridge Analytica, certains ont préféré modifier en profondeur leurs usages.
« Je n’ai pas quitté Facebook à la suite du scandale. Mais j’ai changé ma manière d’utiliser le site juste après ces événements. Dans un premier temps, j’ai retiré l’application de mon téléphone, je ne poste plus de message sur mon mur, et je privilégie la communication par SMS sauf cas majeur (…) mais quitter définitivement Facebook ça va être dur ! » confie Julien à 20 Minutes.
Damien faisait partie des premiers Français inscrits sur le réseau, dès 2006. Ce passionné d’informatique a utilisé Facebook de façon intensive pour communiquer avec ses amis proches. Avant de désactiver son compte l’année dernière.
« L’un de mes copains, très préoccupé par les données personnelles, nous a tous convaincus de migrer vers l’application de messagerie cryptée Telegram (…) Je gardais malgré tout Facebook, pour garder contact avec mes autres relations mais avec le temps, regarder des photos d’amis à qui on n’adresse plus la parole s’apparente plus à du voyeurisme ». Comme Charles ou Mickaël, Damien invoque « l’abondance de pubs », d’informations mensongères et « l’émergence de groupes radicaux » pour justifier sa décision.
Jean, lui, assure avoir « cessé d’utiliser Facebook » après les révélations sur la vente des données personnelles de millions d’internautes. Sans pour autant supprimer son compte de façon permanente : « Ça semble complexe et je continue de consulter mon compte environ une fois par mois. En revanche, je ne publie jamais rien ».
Des débuts difficiles
Si leurs choix respectifs n’ont pas été simples à mettre en place et résultent souvent d’une réflexion antérieure à l’affaire Cambridge Analytica, aucun ne semble les regretter aujourd’hui. « C’était difficile au début, il y a comme un manque après dix ans passés sur ce réseau (…) Mes amis et ma famille se sont habitués à m’envoyer des invitations par SMS ou passent par la page Facebook de ma femme, explique Mickaël. Cette expérience m’a appris à être plus réfléchi sur ma façon d’utiliser les réseaux et sur les informations que j’accepte ou non de donner. Bref, un an après je n’en tire que du positif même s’il faut un temps d’adaptation ».
Guillaume, qui a récemment quitté le réseau reconnaît des « débuts plutôt compliqués » : « J’avais le réflexe de prendre mon téléphone pour regarder Facebook. Mais avec le temps cette addiction s’est peu à peu estompée. Je fais plus attention à mon entourage proche et j’apprécie les moments avec les gens avec qui je suis. Côté travail, Je suis plus productif et je ne m’en porte pas plus mal ».
Damien, féru d’informatique, s’attendait à plus de difficultés : « Je me suis dit que je désactivais le compte pour essayer. Je ne ressens pas de sensation de manque et je fais autre chose de mon temps (…) En fait, Facebook, ce n’est pas important au final ».