RESEAUX SOCIAUXPourquoi les «gilets jaunes» ne croient-ils qu'au direct?

«Gilets jaunes»: Pourquoi les manifestants n'ont-ils d'yeux que pour le direct?

RESEAUX SOCIAUXLes « gilets jaunes » privilégient depuis le début du mouvement les vidéos en direct, filmées au smartphone et sans montage, plus authentiques et plus fiables selon eux que les médias traditionnels…
A Tours, des «gilets jaunes» manifestent le 5 janvier 2019.
A Tours, des «gilets jaunes» manifestent le 5 janvier 2019.
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Pour se faire entendre, ils ont décidé de communiquer autrement. Dans les groupes Facebook, sur Twitter, les principales personnalités du mouvement multiplient les prises de parole face caméra, en direct. Pour commenter l’actualité, organiser des actions, collecter des fonds, mais surtout rendre compte en direct de la mobilisation. Ils profitent ainsi des réseaux sociaux, qui favorisent le direct.


>> Notre dossier sur les «gilets jaunes»

Sur Vécu, une page Facebook lancée fin décembre, le jeune « gilet jaune » Gabin Formont est en direct dans les manifestations, diffuse longuement ce que les manifestants ont à dire, sans les reprendre ou corriger des erreurs factuelles. Hors des manifestations, il se focalise notamment sur les témoignages de manifestants blessés.

Vécu, « le média des gilets jaunes »

Vécu a attiré 30.000 internautes depuis son lancement en décembre. « On reste dans la vérité mais on montre une autre facette », a déclaré Gabin Formont au média Loopsider, se félicitant d’avoir démonté une fausse nouvelle sur la mort d’une manifestante belge.

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Face à la « défiance » et à la « soif de transparence » des « gilets jaunes », « le live est une sorte de promesse anti-institutionnelle », explique le philosophe Vincent Cespedes, qui avait lancé en 2016 une plateforme de vidéos citoyennes.

Le premier rendez-vous de « gilets jaunes » avec le Premier ministre, le 30 novembre, était déjà tombé à l’eau pour une question de direct : « J’ai demandé à plusieurs reprises à ce que cet entretien soit filmé et retransmis en direct à la télévision, cela a été refusé », avait déclaré à la presse Jason Herbert, l’un des représentants désignés, pour justifier son départ de la réunion.

« On a le temps de montrer les choses sur le temps long »

« Ils refusent l’essence du journalisme : l’éditorialisation, le point de vue », explique Vincent Cespedes, au profit d’images en direct qui reprennent certains codes de la téléréalité. Les vidéastes qui ont du succès parmi les « gilets jaunes » « s’immergent avec bienveillance, n’interrogent que les gens qui font l’événement », poursuit le philosophe.

Le reporter Rémy Buisine a développé ce suivi en direct et en vidéo verticale depuis le mouvement « Nuit debout » en 2016. Désormais journaliste pour le média en ligne Brut, il filme humblement les manifestations en direct pendant des heures, à moto, armé de son smartphone. « Rémy laisse parler les gens, mais remet du contexte », précise le directeur éditorial de Brut, Laurent Lucas. Avec le direct, « on a le temps de montrer les choses sur le temps long », souligne-t-il.

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Rémy Buisine, qui enregistre des millions de vues avec ses vidéos, est bien le seul journaliste à se faire acclamer par les « gilets jaunes », alors que les caméras des grandes chaînes attirent les quolibets. « T’es le seul avec nous bordel ! », lui lance un manifestant lors de la manifestation parisienne, le 5 janvier.

« Une prise de parole immédiate »

Au début du mouvement, très vite invités sur les plateaux de télévision, les « gilets jaunes » ont été « contraints par le dispositif médiatique des émissions », selon la sémiologue Marie-France Chambat-Houillon. Ils lui préfèrent « une prise de parole immédiate », souligne la sémiologue.

Lex-paparazzo Marc Rylewski s’est donné pour mission d’interpeller des personnalités dans la rue, les questionnant sur leur salaire, leurs prises de position ou des collusions fantasmées, avant de diffuser les vidéos sur internet. « J’ai vécu pendant des années en Amérique et j’ai vu là-bas qu’ils peuvent pratiquer un journalisme autrement plus in your face », explique-t-il. « Cette pratique, je pense, arrive à point nommé pour servir la cause des "gilets jaunes" ».