«Le trolling a une véritable utilité sur Internet»... Les réseaux sociaux selon Joachim Son-Forget
POLITIQUE•Le député des Français de Suisse et du Liechtenstein, qui a quitté LREM pour fonder son propre parti après plusieurs polémiques sur Twitter, se revendique comme un pionnier de la politique 2.0…Hakima Bounemoura
L'essentiel
- Encore méconnu il y a un mois, le député Joachim Son-Forget est devenu une figure des réseaux sociaux.
- Le député des Français de Suisse et du Liechtenstein enchaîne les provocations sur Twitter, en «trollant» ses adversaires.
- Il a annoncé qu’il fondait son propre parti baptisé «Je suis français et européen» dont la réunion de lancement est prévue ce jeudi à Paris.
- Interrogé par 20 Minutes, le député explique l’importance du «trolling» sur Internet et se revendique comme un pionnier de la politique 2.0.
«Je suis désormais libre de dire ce que je pense ». Encore méconnu il y a un mois, le député Joachim Son-Forget est devenu une figure des réseaux sociaux ces dernières semaines. L’élu âgé de 35 ans a démissionné de La République en marche (LREM) après avoir écrit plusieurs tweets jugés sexistes et homophobes qui ont fait polémique sur les réseaux sociaux. Le député des Français de Suisse et du Liechtenstein enchaîne depuis les provocations sur Twitter, s’amusant à « troller » ses adversaires, tout en essayant de créer le buzz.
Il a annoncé, fin décembre, qu’il fondait son propre parti politique baptisé « Je suis français et européen » [JSF, comme ses initiales] dont la réunion de lancement est prévue ce jeudi à Paris, ainsi qu’une liste aux Européennes. Joachim Son-Forget se dit aujourd’hui soutenu par une « armée de jeunes geeks pro-européens et assez souverainistes, très ancrés dans leur génération ». 20 Minutes a interrogé le député qui se revendique comme un pionnier de la politique 2.0.
« Le trolling, réalisé de manière empirique, est fondamental »
Passé de 6.000 followers à plus de 56.000 en moins d’une semaine, Joachim Son-Forget savoure aujourd’hui sa nouvelle notoriété. Il assume surtout le moindre de ses tweets, postés de jour comme de nuit, qui en ont poussé plus d’un à douter de sa « santé mentale ». Comme celui dans lequel il pose en pyjama Pat’Patrouille, avec sa peluche de blaireau, celui dans lequel il apparaît avec un sabre laser (qui a fait plus d’un million de vues) ou encore le tweet dans lequel il pose en gilet pare-balles pour « répondre aux médias »… Dans le jargon d’Internet, c’est ce qu’on appelle du « trolling ».
a« Le trolling sur Internet est utile, il a une vraie fonction. Je me suis d’ailleurs autoproclamé "roi des trolls", explique à 20 Minutes Joachim Son-Forget. La vérité, c’est que cette activité est fondamentale. Ceux qui trollent sur les réseaux, ce sont eux qui, sur le ton de l’ironie et parfois de la grossièreté, viennent sauver la mise en expliquant le ridicule de certains faux combats, qui pour la plupart ne sont que des postures », explique le député.
« Le troll a de bons côtés, il est là pour enrichir l’expérience, la qualité du Web »
« Une partie des gamins qui font du trolling (« y a des vieux aussi, mais c’est malgré eux ! »), le font de manière empirique, ils appliquent des principes de psychologie cognitive à très haut niveau. Ils ont conscience des biais logiques d’une grande partie de la population et ils en jouent pour tourner en ridicule ceux qui font de la grandiloquence morale, ceux qui sont dans l’imposture et l’hypocrisie, et c’est assez jouissif ! », explique de manière quasi-scientifique Joachim Son-Forget, qui en plus de sa formation de médecin radiologue, est diplômé du CogMaster, le master de sciences cognitives de l’Ecole normale supérieure et docteur en neuroscience à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
« Le troll a de bons côtés. Il est là pour enrichir l’expérience, la qualité du Web », reconnaît également Antonio Casilli, sociologue-chercheur auprès du CNRS et de l’EHESS, qui a consacré tout un chapitre aux trolls dans son livre intitulé Les liaisons numériques (éditions du Seuil). « Nous sommes dans une société où l’on a exclu la possibilité d’avoir de "mauvais comportements", qui dépassent les limites, le trolling entre alors dans un phénomène d’expression plus vaste. Le Web permet une certaine opacité, briser les règles devient donc un élément de richesse. C’est un moyen de faire exploser des barrières sociales mais aussi de communication (…) C’est une manière d’être "au dessus" de la mêlée », explique le sociologue dans son livre.
Un pionnier de la politique 2.0 ?
Au-delà de ses expériences de « psychologie cognitive », Joachim Son-Forget a surtout aujourd’hui comme objectif de « dépoussiérer » la politique en recrutant massivement sur le Net pour constituer son parti. « Près de 40.000 personnes ont déjà participé à la consultation que j’ai lancée sur Internet », se félicite l’élu qui souhaite réunir à ses côtés une « Army » [en référence aux BTS Army, les fans du groupe de K-pop BTS qui se comptent sur Internet en dizaine de millions]. Parmi ces contributeurs, « près de 10.000 » seraient issus du forum 18-25 Jeuxvidéos.com, précise Joachim Son-Forget, qui explique avoir déjà lancé plusieurs groupes de travail avec eux pour élaborer le futur programme de son parti.
a« Je travaille avec des jeunes qui sont plus organisés que le service com' de l’Elysée. C’est incroyable, je suis impressionné moi-même. On est parfois 20 à travailler ensemble sur un Google doc, le truc s’écrit à une vitesse folle. Ils ont la maîtrise technique des outils et des idées ! Ils ont aussi un sens du second degré, rien à voir avec mes anciens collègues d’En Marche. Ça m’a vraiment redonné un bol d’air ! », explique-t-il.
Le député des Français de Suisse et du Liechtenstein n’est pas le premier à draguer du côté du forum Jeuxvidéos.com. Un certain Florian Philippot [à l’époque où il était encore au Front national], avait déjà tenté l’expérience en 2017. Sur sa chaîne YouTube, celui qui était vice-président du FN avait multiplié les références en soutien à ce forum, reprenant leurs codes et allant même jusqu'à les remercier publiquement dans une vidéo. Pas sûr que cela ait vraiment payé…