«Datapocalypse», révoltes des employés, Elon Musk en roue libre... Les dix plus gros fiascos techno de 2018
RETROSPECTIVE•« 20 Minutes » fait le bilan d'une année « techno » à oublier, surtout pour Facebook et Google...Philippe Berry
Si tu n’as pas été forcé de témoigner devant le Congrès américain, tu as réussi ton année. En 2018, le désamour du public et des politiques avec les entreprises de la Silicon Valley a atteint des sommets. Données personnelles piratées, collectées ou partagées à notre insu, culture d’entreprise sexiste et toxique, abus de position dominante… Les géants du Web ont touché le fond, surtout Google et Facebook, qui auraient pu remplir ce top à eux deux.
10. RIP Google+
Quoi, Google + existait encore ? Google a annoncé en octobre qu’il fermait son réseau social moribond, révélant au passage que les données privées de 500.000 comptes avaient été mises en danger par un bug découvert en mars. L’entreprise, qui a mis six mois avant d’informer le public, a volontairement joué la montre afin de ne pas être prise dans la tourmente du scandale Facebook-Cambridge Analytica.
9. Elon Musk fait n’importe quoi à la tête de Tesla
« Je pense passer Tesla en privé (sortir de la Bourse) à 420 dollars. Financement sécurisé. » En un tweet, Elon Musk affole le marché et déclenche une enquête du gendarme américain de la Bourse pour « fraude ». Musk reconnaît ensuite qu’il s’était trop avancé, pleurniche dans la presse et fume un joint lors d’un podcast. L’action s’écroule de 35 % en quatre mois, Tesla écope d’une amende et Musk abandonne son poste de président mais sauve l’essentiel en restant directeur général. A la traîne toute l’année sur ses objectifs de production du Model 3, Tesla a redressé la barre en fin d’année avec un troisième trimestre dans le vert, une première en deux ans. A confirmer.
8. Maven et Dragonfly, les projets secrets de Google dénoncés par ses employés
Les employés de Google font de la résistance. Alors que l’entreprise avait signé en douce un contrat avec le gouvernement américain sur son programme de drones, notamment sur l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale, 4.000 salariés ont signé une pétition contre ce « Project Maven ». Google capitule en juin. A l’automne, c’est « Dragonfly », un projet de moteur de recherche censuré pour le marché chinois, qui déclenche une levée de boucliers en interne. Aux dernières nouvelles, l’entreprise y aurait également renoncé.
7. Le groupe hôtelier Marriott victime d’un piratage géant
Nouvelle méga-fuite de données. Le groupe hôtelier Marriott révèle en novembre qu’il a été victime d’un piratage massif : les informations des comptes de 500 millions de clients de sa filiale Starwood (1.200 hôtels dans le monde, notamment W Hotels, Sheraton et Westin) ont été dérobées. Quelques semaines plus tard, les Etats-Unis accusent la Chine d’être responsable. Seule consolation : Yahoo avait fait pire l’an dernier avec le piratage de l’ensemble des 3 milliards de ses comptes utilisateurs.
6. Google écope d’une amende de 4 milliards d’euros
4,3 milliards d’euros. L’amende infligée à Google par la Commission européenne en juillet constitue un nouveau record. L’UE estime que Google profite de sa position dominante sur Android pour favoriser ses propres apps, tuant ainsi dans l’œuf toute concurrence. Mais pour l’entreprise californienne, qui génère un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 milliards de dollars – et qui a fait appel de la décision – il s’agit d’un PV de stationnement.
5. Le cours du bitcoin s’effondre de 80 %
Plus dure sera la chute. Après une ascension spéculative vertigineuse en 2017, le bitcoin s’est effondré en 2018, perdant 80 % de sa valeur, passant de près de 20.000 dollars à un peu moins de 4.000 dollars. Etait-on face à une bulle, et a-t-elle explosé cette année ? « Oui et oui, sans hésitation », répondent plusieurs économistes. Ces derniers ne sont pas optimistes pour l’avenir, alors que la cryptomonnaie peine à devenir mainstream et fait face à de nombreux défis techniques.
4. Google a protégé plusieurs cadres accusés de harcèlement
Google pris dans la tourmente #MeToo. En début d’année, le livre Brotopia épinglait le sexisme systémique de la Silicon Valley et le harcèlement dont sont victimes de nombreuses femmes. On en a eu une nouvelle preuve fin octobre : une enquête du New York Times a révélé que Google avait étouffé des accusations de harcèlement sexuel visant plusieurs cadres, notamment le papa d’Android Andy Rubin, parti fin 2014 avec une indemnité de 90 millions de dollars. L’entreprise assure avoir fait du ménage depuis : 48 salariés ont été licenciés pour harcèlement sexuel au cours des deux dernières années, dont 13 hauts responsables. Ça n’a pas empêché plusieurs milliers d’employés d’observer un arrêt de travail et de descendre dans la rue le 1er novembre.
3. Une piétonne tuée par une voiture autonome d’Uber
A terme, les voitures autonomes sauveront sans doute des vies. Mais dans cette période de tests, une sans-abri percutée par un véhicule d’Uber dans l’Arizona a payé le prix ultime en mars dernier. Selon un rapport préliminaire, les instruments à bord de la voiture ont bien vu la piétonne qui traversait. Le freinage automatique d’urgence des SUV de Volvo est cependant désactivé par Uber pour éviter les ralentissements intempestifs et le conducteur de contrôle, visiblement distrait, n’a pas réagi. Après une suspension de six mois, l’entreprise a été autorisée à reprendre ses tests mi-décembre.
2. Facebook instrumentalisé par la Birmanie dans le génocide des Rohingyas
Cette année, l’utopie de réseaux sociaux a un peu plus volé en éclats. Selon plusieurs enquêtes, notamment de l’ONU, le régime birman a instrumentalisé Facebook lors du génocide des Rohingyas, une minorité musulmane du pays. Incitation à la haine, appels à la violence, propagande et fake news... les algorithmes et les modérateurs de Facebook sont complètement passés au travers. L’entreprise a depuis réagi, bien trop tard.
1. Facebook vend son âme à Cambridge Analytica
Le scandale a explosé au printemps dernier. Un lanceur d’alerte révèle que Cambridge Analytica, une entreprise britannique nébuleuse qui a notamment travaillé sur la campagne de Donald Trump, a collecté les données de 87 millions d’utilisateurs Facebook sans leur consentement. Il ne s’agit pas d’un bug ou d’un piratage mais d’une fonctionnalité du réseau, qui a permis pendant des années aux développeurs d’apps d’accéder aux données des « amis d’amis ». Mark Zuckerberg a dû s’expliquer pendant plus de dix heures devant le Congrès américain, tout comme les patrons de Twitter et de Google. Et s’il a assuré que l’entreprise avait depuis durci ses règles, les errements du passé ont hanté Facebook toute l’année : la semaine dernière, on apprenait que le groupe avait laissé 150 partenaires, dont Spotify et Netflix, accéder aux messages privés des utilisateurs entre 2010 et 2017.
Bilan, l’action a perdu près de la moitié de sa valeur en six mois, et certains actionnaires ont réclamé la tête de Mark Zuckerberg et de la numéro 2 Sheryl Sandberg. Mais avec une majorité absolue des droits de vote au conseil d’Administration, Mark Zuckerberg reste maître de son destin. Pour le meilleur et pour le pire.