YouTube accusé de systématiquement démonétiser les vidéos évoquant la sexualité et le corps des femmes
SEXISME•L’association française Les Internettes qui valorise la création de vidéos par des femmes sur internet, vient de lancer une campagne pointant du doigt la politique de YouTube en matière de publicité…Marie De Fournas
L'essentiel
- Marie Camier Theron, cofondatrice des Internettes a expliqué la démarche de l’association à 20 Minutes.
- Sur Twitter, via le hashtag #MonCorpsSurYoutube, de nombreuse créatrices de vidéos YouTube se disent victimes de démonétisation abusive.
- Les vidéos abordant des thèmes tels que les règles, la cup, la sexualité ou encore le vagin seraient automatiquement démonétisées.
Apparemment, sur YouTube, parler de pénis n'est pas de souci, mais de vulves si. L’association Les Internettes vient de lancer le hashtag #MonCorpsSurYoutube sur les réseaux sociaux. Derrière le mot-dièse, une campagne pour dénoncer la politique sexiste de YouTube concernant la démonétisation de vidéos évoquant le corps et la sexualité des femmes.
Rappel : sur la plateforme, toutes les vidéos sont éligibles ou non à la publicité. Si YouTube démonétise une vidéo, il n’y a pas d’annonce avant le contenu, le créateur de celle-ci ne touche donc pas d’argent et la vidéo n’est pas recommandée. Une loi plus ou moins dictée par les annonceurs qui ne souhaitent pas voir leurs publicités associées à certains contenus.
Sexisme envers les youtubeuses?
« Cela faisait plusieurs semaines que des créatrices de vidéos que l’association fédère, me rapportaient en privé que certaines de leurs vidéos parlant de sujets féminins comme les règles, le vagin ou la sexualité avaient été démonétisées. On s’est dit qu’il fallait agir », rapporte à 20 Minutes Marie Camier Theron, cofondatrice de l'association qui a publié un communiqué sur sa page Facebook. « Les poils, les règles, le droit à disposer de son corps ne sont pas des sujets adultes. Ce sont des sujets de société. Ce sont des sujets d’utilité publique. Publique, comme dans "destinés à tous et toutes"», explique ce dernier.
Seconde absurdité pour Les Internettes : les sujets masculins ne semblent pas poser problème eux. « Le Youtubeur Dirtybiology a sorti deux vidéos : « A quoi sert un pénis » et « A quoi sert un vagin ? ». Les deux ont exactement la même approche scientifique et pourtant, la seconde a été démonétisée ! » Pire encore, il y aurait selon Marie Camier Theron, un certain sexisme de la part des équipes de vérification YouTube envers les femmes : « Le Youtubeur Nota Bene a réalisé une vidéo sur le sexe au Moyen Âge sans aucun frein ni au niveau du langage, ni au niveau des images. Sa vidéo est toujours monétisée… »
Autocensure
L’association dénonce une démarche entraînant une double censure. « Lorsqu’elles sont démonétisées, les vidéos perdent en visibilité. S’il n’y a pas de pubs, cela ne génère pas d’argent, donc YouTube n’a aucun intérêt à la faire apparaître dans les tendances. La seconde est peut-être la pire, c’est l’autocensure. Pour ne pas voir leurs vidéos démonétisées, les créatrices lissent leurs discours ou s’empêchent de dire certaines choses. Cela touche à la liberté d’expression », analyse pour 20 Minutes Marie Camier Theron.
« Lorsqu’ils seront "recommandés aussi largement" que les vidéos gaming, beauté, humour, ils nous permettront d’avancer vers un monde meilleur, dans lequel nous parviendrons à nous comprendre et à nous accepter, avec nos différences et nos similitudes », argue le communiqué de l’association pour qui ces contenus sont d’utilité publique. « « Dans la vidéo « J’ai des petits seins », démonétisée, Queen Camille raconte comment elle s’est épanouie, c’était un message bodypositif auquel des personnes ont répondu qu’elles auraient aimé entendre ça au collège.On a un problème en France d’éducation sexuelle, que les créatrices peuvent combler avec leurs vidéos souvent très pédagogiques, qui traitent de sujets tabous ou parfois mal abordés dans l’enseignement. »
Changer la mentalité des annonceurs
Problème, YouTube assure choisir les vidéos monétisées et non monétisées en fonction de la volonté de la majorité des annonceurs. « Nous savons que les annonceurs dictent leurs règles sur YouTube », écrit l’association qui ajoute : « Nous sommes prêtes à amorcer ce changement de mentalité avec les annonceurs. Et certains l’engagent déjà puisque nous savons que des vidéos démonétisées par YouTube étaient pourtant sponsorisées par des marques ».
Marie Camier Theron a bien conscience que ce n’est pas en quelques jours et avec une campagne que les choses vont se régler en un claquement de doigt. « Mais cela a le mérite d’ouvrir le débat et de libérer la parole. Beaucoup de créatrices de vidéos se sont rendu comptent qu’elles n’étaient pas seules. D’autres, que leurs vidéos avaient été démonétisées. » Sur Twitter, les témoignages de Youtubeuses concernées se multiplient sous le hashtag #MonCorpsSurYoutube.