DONNEES PERSONNELLESPourquoi Facebook résiste (malgré tout) au scandale Cambridge Analytica?

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DONNEES PERSONNELLES87 millions d’utilisateurs du réseau social ont vu leurs données personnelles récupérées par la firme Cambridge Analytica...
Hélène Sergent

H.S.

L'essentiel

  • Le 17 mars, plusieurs médias anglo-saxons ont révélé que la société Cambridge Analytica aurait utilisé les données de millions d’utilisateurs de Facebook.
  • Cet énième «scandale» visant la gestion des données des utilisateurs de Facebook a poussé certains internautes à supprimer leur compte de la plateforme.
  • Mark Zuckerberg, le patron de la firme, doit être entendu par le Congrès américain les 10 et 11 avril prochains à ce sujet.
  • Pour autant, plusieurs spécialistes estiment que l'impact économique du scandale sur Facebook reste minime tout comme celui sur nos usages et notre addiction au réseau social.

Le scandale a pris une tout autre ampleur. Ce ne sont plus 50 millions mais 87 millions d’utilisateurs qui seraient désormais concernés par le vol de leurs données personnelles via Facebook. Mercredi, la firme a livré ce nouveau chiffre concernant les informations récupérées par la firme britannique d’analyses et de communication stratégique, Cambridge Analytica. Plus de deux semaines après les premières révélations dans la presse anglo-saxonne sur les pratiques de cette entreprise et sur la responsabilité de Facebook, le réseau social et son patron Mark Zuckerberg traversent une véritable crise.

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Signe du sérieux de l’affaire, le Congrès américain a sommé le PDG du réseau de s’expliquer sur la gestion des informations personnelles des internautes. Les données des utilisateurs de Facebook auraient été transmises à Cambridge Analytica - qui travaillait pour la campagne de Donald Trump en 2016 - de façon illégale et ce via une société intermédiaire qui propose aux internautes des tests psychologiques sur Facebook. Ce scandale, loin d’être le premier en matière de gestion de données, peut-il entraîner la chute de la toute-puissante entreprise de Palo Alto ?

« #DeleteFacebook »

Quelques jours après les premières révélations, l’action de Facebook a perdu 6,8 % en bourse. « Mais on l’a vu, les résultats sont déjà en train de remonter. Il n’y a pas d’impact économique considérable », nuance Olivier Ertzscheid, chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Nantes et auteur de L’appétit des géants : pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes. Une accalmie financière qui intervient après une bataille de communication et un exercice de contrition sans précédents engagés par le n°1 de Facebook, Mark Zuckerberg.

Mais l’image du réseau social a une fois encore été sévèrement attaquée. L’émergence d’un mot-clé sur Twitter intitulé « #DeleteFacebook » (« #SupprimeFacebook ») rassemble depuis les témoignages d’internautes qui ont choisi de désactiver leur compte. Lors d’une conférence de presse accordée le 4 avril, Zuckerberg a indiqué n’avoir observé aucun « changement d’usage à la suite de ces campagnes ».

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Selon Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po et spécialiste des médias sociaux, ces retombées timides sont liées à notre addiction au site : « Jusqu’à preuve du contraire, #DeleteFacebook n’a pas le moindre impact. On retweete, ça remonte dans les trending topics mais au final les internautes gardent leur page Facebook. Il y a un phénomène d’addiction, l’interface-utilisateur ultra-simple utilisée par ces réseaux fournit des décharges de dopamine à intervalle régulier et nous sommes moins conscients de cela ».

Miser sur la « stupidité des gens »

Malgré l’émoi suscité en Europe et aux Etats-Unis par les révélations Cambridge Analytica, l’évolution des usages et l’abandon massif de Facebook semblent peu probables avancent les deux enseignants. « Je ne pense pas qu’il y aura de modifications structurelles des usages. Quand on utilise ces outils, on est comme un spectateur dans un canapé devant sa télévision. On n’est pas dans une posture critique et on l’utilise pour ce qu’il est, à savoir du divertissement », avance Olivier Ertzscheid.

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Fabrice Epelboin est, lui, plus critique encore : « Cambridge Analytica, c’est un tout petit morceau du problème. Des boîtes comme celles-ci, il y en a des centaines si ce n’est des milliers et il y a de fortes chances pour que des scandales similaires se répètent. Mais Facebook tient bon notamment en misant la stupidité des gens, leur capacité à oublier et l’incapacité à mesurer le danger que cela représente ».

Vers une prise de conscience ?

À défaut de mettre à mal le modèle économique de Facebook ou sa viabilité, cette affaire aurait pour résultat une prise de conscience accrue selon Olivier Ertzscheid. « Le discours politique de Zuckerberg change. Pour la première fois on l’a entendu parler du RGPD, c’est-à-dire du nouveau Règlement général sur la protection des données, comme d’un argument commercial. Ce scandale va probablement obliger les patrons à clarifier leur posture en la matière et permettre aussi que s’installe, dans nos mentalités, l’idée que nos rapports à ces plateformes ne sont pas qu’un rapport vertueux ».

Une évolution des usages à laquelle croit également Florence Sèdes, professeure des universités en informatique à l’université de Toulouse et spécialiste de la cyber-sécurité, et de la gestion des données personnelles : « Facebook est un réseau social de vieux. Les usages l’emporteront et notamment ceux des digital natives, qui utilisent davantage les produits périphériques comme Snapchat ou Whatsapp. Ce sont eux qui feront changer les choses ».

Facebook joue gros devant le Congrès américain

Pour l’entreprise, le principal danger n’est pas du côté des utilisateurs mais des pouvoirs publics. Selon The Atlantic, les élus démocrates et républicains explorent trois pistes pour éviter les dérives de Facebook et des autres géants du Web : punir les fuites de données par des amendes, réguler les annonces politiques et créer un comité éthique contrôlant les pratiques en vigueur.

Mark Zuckerberg a pris les devants cette semaine avec une série de mesures visant à restreindre la collecte de données (les SMS sur Android, la recherche par numéro de téléphone et email) et le partage avec des tiers. Facebook a également fermé des Pages liées à la propagande russe. Mais le sénateur démocrate Ron Wyden a prévenu : « Je ne vais pas accepter de simples excuses des entreprises Internet, qui après des années à avoir fermé les yeux, n’ont pas protégé les données personnelles les plus privées des Américains ». Peu à l’aise en public, Mark Zuckerberg pourrait bien suer à grosses gouttes devant les élus et les caméras les 10 et 11 avril.