HARCÈLEMENTLe phénomène de «Revenge Porn» est «clairement en expansion»

«Revenge Porn»: Depuis l’avènement des réseaux sociaux, «le phénomène est clairement en expansion»

HARCÈLEMENTLes cas de vengeance et de chantage par le biais de photos et de vidéos intimes se multiplient…
Le "revenge porn" est en expansion en France.
Le "revenge porn" est en expansion en France. - Lionel Bonaventure AFP
Olivier Philippe-Viela

Olivier Philippe-Viela

L'essentiel

  • Le « revenge porn » désigne le fait de poster des photos et/ou vidéos intimes d’un ex-conjoint sur internet.
  • Facebook a décidé de tester en Australie un système contre ce type de pratiques.
  • En France, les signalements se multiplient depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Facebook a décidé de sévir contre le revenge porn. Mais la méthode, testée en Australie, peut étonner : il faudra envoyer les photos compromettantes au réseau social pour qu’il puisse les identifier plus facilement si elles apparaissent sur le site.

L’essai se fait dans un pays où le phénomène est particulièrement important. Une étude de l’Institut royal de technologie de Melbourne présentée le 12 mai 2017 indiquait que, sur un échantillon d’Australiens de 16 à 49 ans, une personne sur cinq déclarait avoir déjà été victime de revenge porn.

Importé des Etats-Unis

La « vengeance par le porno » désigne le fait de poster des photos et/ou vidéos intimes d’un ex-conjoint sur Internet. La pratique n’est évidemment pas circonscrite à l’Australie, elle est même originaire des Etats-Unis, où certains couples en viennent à introduire des clauses sur l’utilisation des réseaux sociaux dans leur contrat de mariage. La pratique a même été interdite par la loi dans certains États dès 2004. Une étude de décembre 2016, disponible ici en anglais, précise que 4 % des internautes américains ont déjà été menacés ou victimes de revenge porn.

Ce type de vengeance a pris un essor important depuis l’avènement des réseaux sociaux, décuplant les possibilités de diffusion. « Le phénomène est clairement en expansion », témoigne Delphine Meillet, avocate au barreau de Paris spécialisée dans les affaires d’atteintes à la vie privée. « Je traite bien plus de dossiers revenge porn qu’il y a cinq ans », illustre-t-elle.

Jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende

La première condamnation tombée en France pour ce genre de cas remonte au 3 avril 2014, quand un homme de 35 ans avait écopé de douze mois de prison avec sursis et 5.000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Metz pour la diffusion sur des sites de rencontres d’images intimes de son ex-compagne, enseignante, qui avait découvert les faits par le biais de ses élèves. Depuis, la loi pour une République numérique d’octobre 2016 contient deux articles (226-1 et 226-2) réprimant explicitement le revenge porn.

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« Il faut néanmoins savoir que le temps judiciaire n’est pas le temps des médias, c’est interminable. Concrètement, vous portez plainte aujourd’hui, si tant est que l’on retrouve l’auteur, il n’est pas traduit devant un tribunal avant un an et demi », explique l’avocate Delphine Meillet. La peine encourue : jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende.

#BalanceTonPorc

Marie-Pierre Badré, présidente du centre francilien Hubertine Auclert, indique à 20 Minutes que les signalements de cas de revenge porn sont en hausse ces dernières semaines, du fait de « la libération de la parole avec #BalanceTonPorc ».

Globalement, la déléguée spéciale de Valérie Pécresse aux Droits des femmes y voit « un phénomène récent, apparu avec les réseaux sociaux, sur lesquelles cela se passe essentiellement ». D’où la réaction de Facebook, qui passe une vitesse dans sa lutte contre la pratique, comme Twitter, Google et Microsoft (avec un formulaire de signalement en ligne) ces dernières années.

Chantage à l’argent

Delphine Meillet a constaté une évolution dans les motifs de revenge porn : « Je pensais à l’origine qu’il ne s’agissait que de vengeance sentimentale, et dans les premiers dossiers que j’ai eus, il n’y avait pas de réclamation d’argent. Mais aujourd’hui, dans beaucoup de situations, il y a un chantage à l’argent ».

L’avocate confie que toutes les tranches d’âge sont touchées : « J’ai eu des collégiennes, ou encore le cas d’une lycéenne reçue par la directrice d’établissement qui lui a recommandé de changer de lycée. Et souvent elles le font. Beaucoup de filles de 30 ans également. Une aussi de 45 qui avait adressé des photos à son copain 15 ans plus tôt, des photos qui se sont retrouvées sur des sites pornos aujourd’hui avec son nom. »

Parole difficile

« 99 % de mes clientes sur le sujet sont des femmes », indique-t-elle. Même écho de la part de Marie-Pierre Badré, qui a constaté que « les agresseurs sont majoritairement des hommes, et les victimes majoritairement des femmes, surtout de très jeunes femmes, des adolescentes ». Une étude de l’Observatoire universitaire international d’éducation et de prévention, relayée par le centre Hubertine Auclert, indiquait qu’entre octobre 2015 et avril 2016, parmi les adolescents de 12-15 ans sondés, 17 % des filles et 11 % des garçons déclaraient avoir subi des cyberviolences à caractère sexuels.

Comme dans les cas de harcèlement sexuel, la parole est difficile. « Il y a inversion de la culpabilité, le geste de l’agresseur-diffuseur est rarement blâmé. Au contraire l’auteur peut y gagner une certaine popularité, une certaine autorité sur les collègues ou les copains, avec un sentiment de valorisation entre eux. La fille a le sentiment d’être coupable, avec un renforcement du sentiment d’exclusion qui, dans les drames les plus terribles, peut mener au suicide », explique la présidente du centre.

Double peine

« C’est la double peine, confirme Delphine Meillet. Il ne faut pas imaginer que les autres compatissent à leur souffrance, au contraire, les gens rient. C’est une violation du droit à l’image certes, mais qui vous atteint jusqu’au plus profond de votre chair. Il faut vraiment comprendre la violence subie par la victime, et la difficulté à porter plainte. »

Les réseaux sociaux créent, en outre, une frontière avec les parents, comme dans les cas de harcèlement moral à l’école. « Il n’y a que l’adulte qui peut entrer dans le mode de fonctionnement des jeunes, jamais les enfants ne parleront de ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux aux parents », ajoute Marie-Pierre Badré. Reste la prévention, « parce qu’une fois que le mal est fait, elles sont désespérées, dit l’avocate. Il faut avoir absolument conscience du risque pris en envoyant une photo ».