MOBILISATIONQuel rôle pour les réseaux sociaux dans les agressions sexuelles au Maroc?

Maroc: Quel rôle pour les réseaux sociaux dans l'agression sexuelle collective d'une femme dans un bus?

MOBILISATIONDiffusées dimanche sur les réseaux sociaux, les images d’une femme agressée sexuellement par plusieurs individus dans un bus marocain ont suscité une salve de réactions…
Romain Lescurieux

R.L.

Le Maroc est sous le choc après la diffusion d’une vidéo montrant un groupe de jeunes agresser sexuellement dans un bus une jeune femme, atteinte d’un handicap mental, selon la police. Celle-ci a confirmé dans un communiqué l’arrestation ce lundi des six auteurs - âgés entre 15 et 17 ans - et placés sous surveillance policière.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Dans cette séquence, on y voit un groupe d’adolescents, torse nu, en train de bousculer violemment une jeune femme en pleurs dans un bus, la touchant sur des parties intimes de son corps, tout en s’esclaffant. La victime, à moitié dénudée, pousse des cris de détresse, alors que le bus continue de rouler, sans qu’aucun passager, ni le chauffeur, n’intervienne. La vidéo de cette scène arrive quelques semaines après une autre, d’une dizaine de secondes, montrant une horde de jeunes hommes traquer une jeune femme marchant seule dans la rue à Tanger. Des séquences massivement relayées et commentées sur les réseaux sociaux.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Des réactions controversées

« Horreur à Casablanca », « des monstres commettent un crime odieux », écrit la presse locale, qui tire la sonnette d’alarme sur le phénomène du harcèlement des femmes dans l’espace public. L’association Touche pas à mon enfant – qui a utilisé Facebook pour publier des captures d’écran de la vidéo afin de permettre l’identification des agresseurs – a lancé un appel à témoins afin « de traduire en justice cette horde barbare qui s’est attaquée lâchement à une jeune fille ». « Je n’aime pas dessiner et être en colère en même temps, mais j’en ai marre d’annuler mes rendez-vous parce que j’ai peur d’utiliser les transports en commun la nuit, marre d’avoir peur de sortir (…) on ne veut plus de viol au Maroc ! », note de son côté une dessinatrice marocaine sur Facebook. Des internautes ont également appelé à un sit-in ce mercredi à Casablanca pour exprimer leur indignation.

a

Mais d’autres, en revanche, s’en sont pris à la victime, prenant la défense des agresseurs. Certains internautes ont en effet jugé la tenue « indécente » et « provocante », relève Le Monde. « Vu comment elle est habillée, elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même ! », commente un internaute sur Facebook. « C’est une prostituée. Elle n’a eu que ce qu’elle méritait », écrit un autre. Des réactions mitigées qui témoignent des contradictions d’une société tiraillée entre modernité et conservatisme, ajoute le quotidien précisant que ces agressions sont la plupart du temps ignorées par les autorités. « La loi marocaine condamne le harcèlement des femmes au travail, mais pas dans les espaces publics », avait affirmé début août à l’AFP Mustapha Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’homme.

« Propagation d’une idéologie misogyne »

Au Maroc, marcher seule dans la rue relève en effet parfois du parcours du combattant. Ou plutôt de la combattante : elles y subissent fréquemment remarques désobligeantes et insultes, mentionne l’AFP. Selon les chiffres officiels issus du Haut commissariat au plan marocain (HCP) , près de deux Marocaines sur trois sont victimes de violences. Et les lieux publics sont les endroits où la violence physique à leur égard est la plus manifeste. « Il y a une recrudescence de ces actes notamment dans les grandes villes », note auprès de 20 Minutes, Kader Abderrahim, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des évolutions sociétales au Maghreb.

Khadija Ryadi, l’ex-présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et Prix de l’ONU pour les droits de l’homme en 2013 explique que « des femmes sont agressées dans la rue, humiliées, insultées » et qu’à un certain moment de la nuit, cela « devient l’état de siège pour elles ». Nouzha Skalli, ancienne ministre marocaine analyse la situation dans le pays comme pleine de contradictions avec d’un côté la « libéralisation des mœurs, qui légitime l’attrait sexuel pour les filles et déculpabilise la drague » et de l’autre la « propagation d’une idéologie misogyne et agressive, qui les accuse de s’habiller de façon provocante et les considère comme responsables ».

« Ce phénomène n’est toutefois pas nouveau. La société marocaine est confrontée à cela depuis longtemps. Mais aujourd’hui, avec les smartphones et les réseaux sociaux, la réalité ne peut plus être cachée. Et tout ce qui peut contribuer à un réveil des esprits est une bonne chose », poursuit Kader Abderrahim. Mais la diffusion massive de ces vidéos peut-elle faire évoluer la situation et les mentalités ?

« Cette diffusion peut amener à une prise de conscience »

« D’un côté, cette diffusion fait prendre conscience de la place des femmes dans l’espace public. Et tout ce qui peut amener à une prise de conscience sur les violences faites aux femmes marocaines est bienvenu », réagit auprès de 20 Minutes, Yann Leroux, psychologue et spécialiste des réseaux sociaux, qui pointe également un risque d’« effet contraire ». « Ces vidéos peuvent être utilisées pour servir un tout autre discours ». Notamment violent et misogyne.

« En fait, il faut des discussions entre les politiques et une éducation aux réseaux sociaux tout en faisant attention à l’effet loupe ». Selon le spécialiste, « changer les mentalités ne se fait pas en un clic ». « C’est un travail de longue haleine ».