Pénis, sexisme, racisme: Ce que nos recherches Google disent de nous
DATA•Un ancien salarié de Google, Seth Stephens-Davidowitz, a analysé des milliers de requêtes d’internautes américains…Hélène Sergent
«Tout le monde ment. Les gens mentent sur le nombre de verres d’alcool qu’ils boivent à la maison. Ils mentent sur leur assiduité à la salle de sport, sur le prix de leur dernière paire de chaussure et sur ce livre qu’ils n’ont jamais lu en réalité. » C’est à partir de ce constat peu glorieux qu’un économiste américain, Seth Stephens-Davidowitz, a décidé d’étudier les recherches Google des internautes.
Jugeant les sondages « biaisés » par le regard des autres, le doctorant qualifie le moteur de recherche Google de « sérum de vérité numérique ». Dans un article publié ce dimanche sur le site du Guardian et repéré par Le Monde, le jeune chercheur passionné par la « big data » détaille les résultats fascinants de son étude, synthétisée dans l’ouvrage Tout le monde ment : Big Data, New Data et tout ce qu’Internet dit de nous. Cet ancien salarié du célèbre moteur de recherche a analysé grâce à l’outil Google Trends les tonnes de données disponibles en ligne sur les recherches effectuées par les internautes américains.
Insécurité masculine
Qui ne s’est jamais connecté sur Google à 2h du matin, incapable de dormir à cause de ce fichu grain de beauté - tout à fait normal mais quand même on sait jamais - pour trouver une réponse à cette crise d’hypocondrie passagère ? Cette « anxiété » commune à tous les internautes américains se concentre chez les hommes sur un point en particulier : leur pénis. Et les chiffres publiés par Seth Stephens-Davidowitz sont saisissants. Aux Etats-Unis, en termes de volumes, « les recherches effectuées sur Google par les hommes concernant leur pénis sont plus nombreuses que toutes celles portant sur leurs poumons, leur foie, leurs pieds, leurs oreilles, leur nez, leur gorge et leur cerveau cumulés », écrit-il.
Les expressions les plus fréquemment associées aux recherches sur les stéroïdes n’ont rien à voir avec leur impact sur la santé mais avec la taille de leur sexe. Fait notable, ce rapport quasi-obsessionnel des hommes à la taille de leur phallus est loin d’être partagé par les internautes féminines. « Pour chaque recherche enregistrée sur Google par une femme sur la taille du sexe de son partenaire, un homme en fait 170 à propos de son propre attribut. Et quand les femmes recherchent des informations sur les pénis, cela concerne davantage les pénis "trop gros"», ajoute l’auteur de l’étude.
Islamophobie et terrorisme
Dans l’article du Guardian, le chercheur illustre ses résultats avec des événements récents de l’actualité. Stephens-Davidowitz s’est notamment penché sur les recherches Google effectuées par les Californiens lors de la fusillade à San Bernardino menée « au nom de Daech ». « Ce soir-là, quelques minutes après la diffusion du nom des tireurs (…) la recherche la plus importante associée au mot "musulmans" était "tuer musulmans". A cet instant, le nombre de recherches comprenant l’expression "tuer musulmans" était aussi important que "recette Martini" ou "symptômes migraines" », note l’auteur.
Le doctorant ne se contente pas seulement de recenser, mais analyse également les « racines » de certaines recherches et leur évolution dans le temps. Quelques jours après cette fusillade qui a tué 14 personnes, Barack Obama a fait un discours engagé contre l’islamophobie. Discours parallèlement accompagné de recherches violentes sur Google à propos des musulmans.
Discriminations « implicites »
Autre enseignement tiré de cette étude, la dimension « implicite » ou « explicite » de certains comportements sexistes ou racistes. Ainsi le chercheur a pu constater que les parents d’un petit garçon effectuaient 2,5 fois plus la recherche « Mon fils est-il un génie » que les parents d’une petite fille. Idem, les parents tapent deux fois plus sur Google « ma fille est-elle en surpoids » que « mon fils est-il en surpoids ».
Genre, racisme, homophobie, sexualité… Cette « vérité digitale va généralement dépeindre un monde bien plus sombre que celui que nous imaginions », conclut Stephens-Davidowitz. Pour autant, le scientifique se refuse au pessimisme : « Il existe de très nombreux moyens d’exploiter ces données, notamment pour lutter contre les discriminations et la haine raciale (…) Collecter et enrichir du data sur ces problèmes mondiaux est une première étape dans la recherche de solutions. »