Journée pour la neutralité du Net: Comment se porte «l'Internet libre» en France?
LIBERTÉS NUMÉRIQUES•Mercredi 12 juillet, des dizaines d’acteurs numériques américains se mobilisent pour garantir la « neutralité du Net », menacée par la nouvelle administration Trump…Hélène Sergent
L'essentiel
- Le gendarme des télécoms américain, la FCC, est revenu le 18 mai dernier sur une décision garantissant la neutralité du Net
- Ce vote a provoqué une mobilisation importante au sein des géants du numérique
- En France, l’Arcep dispose désormais de nouveaux outils pour sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas ce principe fondamental
«La neutralité du Net (…) c’est ce qui rend Internet si dynamique et innovant - un espace créatif, de libre expression où toutes les idées peuvent s’échanger ». Dans un message publié sur le site battleforthenet.com, Airbnb, Twitter, Spotify, Youporn et des dizaines d’autres acteurs majeurs du numérique appellent à se mobiliser mercredi 12 juillet en faveur de l’Internet libre.
En cause, la remise en question par le régulateur américain des télécommunications, la FCC (Federal Communications Commission) d’un texte signé par l’administration Obama renforçant la neutralité du Net. C’est ce principe fondateur, permettant aux internautes d’accéder aux mêmes contenus peu importe leurs opérateurs, qui serait menacé outre-Atlantique. Si en France, la législation diffère, cet enjeu social, démocratique et économique préoccupe aussi ONG et observateurs.
L’actualité terroriste au premier plan
« En France, la neutralité du Net a été reléguée au second plan avec le vote de la loi renseignement et la mise en place de l’état d’urgence. La surveillance en ligne, la protection des données et de la vie privée ont été au cœur de l’actualité et de la mobilisation ces deux dernières années », reconnaît Christopher Talib, chargé de campagne pour l’association La Quadrature du Net.
« Si la neutralité est difficile à toucher et à comprendre, c’est aussi parce qu’elle paraît naturelle », ajoute Nicolas Chagny, président d’Internet Society France. « En quelques mots simples : sans neutralité du net, vous pourriez demain payer 10 euros en plus par mois pour aller sur Facebook, 10 euros sur 20minutes.fr, ou 20 euros pour aller sur Meetic ou regarder de la vidéo si votre opérateur décide de discriminer les flux », illustre-t-il.
Si la concentration des grands acteurs des télécommunications inquiète, la législation a considérablement évolué ces dernières années pour protéger et acter ce principe fondamental.
L’Arcep, le gendarme français
A l’échelle européenne, le cadre fixé par les élus des Etats membres reste flou : « On est arrivé à un consensus mou et la loi demande aux régulateurs nationaux de trancher, souligne Christopher Talib. Résultat, on constate de fortes disparités d’un pays à l’autre. En Belgique par exemple, le régulateur a considéré que le zéro rating n’était pas une atteinte à la neutralité du Net. Ce principe permet pourtant à certains opérateurs de favoriser une application plutôt qu’une autre dans un forfait mobile. En France, cette pratique est sanctionnée ».
Promulguée le 8 octobre 2016, la loi pour une République numérique inscrit dans le marbre la neutralité du Net et renforce les outils mis à disposition de l’Arcep, le gendarme français des télécoms.
Dans son rapport annuel publié le 16 juin dernier, l’organisme détaille : « Il a longtemps existé des blocages de services tels que le peer-to-peer, les newsgroups, ou même le streaming vidéo (…) l’Arcep, dans sa formation compétente, veillera à l’application du règlement lors d’une analyse au cas par cas des pratiques ». Un site, similaire à celui mis en ligne par la Quadrature du Net, permettra aux internautes de signaler les mauvaises pratiques éventuelles des opérateurs.
Enfin si l’institution soupçonne Orange, Free, SFR ou Bouygues d’interférer dans le contenu ou de favoriser certains services, elle peut désormais perquisitionner, enquêter et sanctionner les opérateurs. Vive l’Internet libre.