TESTOn peut voir nos organes en VR, mais en a-t-on vraiment envie?

VIDEO. Wahou, on peut voir nos organes en réalité virtuelle ! Mais en a-t-on vraiment envie ?

TESTNous avons plongé dans le corps humain avec le prototype de réalité virtuelle développé par le centre d’excellence international en imagerie médicale de GE Healthcare…
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Un premier prototype a été développé pendant un hackathon d'une semaine
  • Le prototype testé utilise un moteur de jeux vidéo qui permet un rendu très réaliste
  • Les premiers essais pourraient commencer d'ici à six mois

Voler comme un oiseau entre les gratte-ciel de New York, ramer au milieu des pingouins de la banquise… Quand on pense réalité virtuelle (VR pour les intimes), on imagine une immersion dans un monde féerique, mais, n’en déplaise aux gamers, ça va désormais beaucoup plus loin. La médecine commence à s’emparer de la VR. La société Open Mind l’utilise pour gérer le stress, des thérapies s’en servent pour aider des patients à surmonter leurs phobies. Et le centre d’excellence international en imagerie médicale de GE Healthcare de Buc, dans les Yvelines, s’est également emparé de la technologie.

En avant-première, nous avons pu plonger dans le corps humainavec le prototype de réalité virtuelle imaginé par Ludovic Avot et Yannick Le Berre, deux ingénieurs passionnés par les jeux vidéo. L’idée : utiliser les informations détaillées en 3D provenant d’examens scanner et IRM pour offrir un nouvel outil à la médecine. En gros, les radiologues vont pouvoir « entrer » dans l’organe, voir « l’intérieur » d’un cœur, « découper » une hanche, observer les bronches des poumons « de près ». Le pitch de base paraît fou et en vrai, ça l’est tout autant.

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Il sera possible de partager un cas à distance

Les deux ingénieurs présentent leur invention avant de nous poser le casque sur la tête et de nous entraîner dans Le Voyage fantastique version contemporaine. « Au départ, on ne savait pas quelle en serait l’utilisation. C’est un peu comme si vous preniez une photo, les appareils récoltent plein d’informations et vous décidez de garder une partie de l’information », explique Ludovic Avot, designer d’interface et d’interaction. Le médecin va pouvoir choisir de garder la portion d’un fichier complet d’un examen. Il sera même possible de discuter d’un cas à distance, le prototype permet d’être plusieurs utilisateurs. Dr. Vincent Sebban, radiologue à C.S.E. Imagerie Médicale Numérique, invité à découvrir cette réalité virtuelle en même temps que nous, ne cache pas son scepticisme.

« Pour l’apprentissage (former les chirurgiens à distance), la communication entre spécialistes ou avec le patient, ça va être super, mais je ne suis pas sûr que le rôle principal soit le diagnostic », souligne-t-il avant de revenir sur les déceptions technologiques du passé : « L’imagerie 3D actuelle n’a pas été la révolution attendue, c’est un outil de communication qui prend beaucoup de temps et qui n’a pas été très utilisée en pratique ». Il faut penser standardisation et, sur cette question, le médecin reste sur ses gardes. Les ingénieurs savent créer l’attente, mais on se languit longtemps de passer aux choses sérieuses.

« Je veux être le premier utilisateur de coloscopie en VR »

Avant de nous lancer dans l’aventure au milieu des organes humains, on tremble de voir des trucs cra-cra. Se balader à la surface d’un cerveau ou d’un squelette, il faut avoir envie. On laisse la priorité au radiologue. Casque vissé sur la tête, Dr.Vincent Sebban se familiarise avec les manettes. Il fait tourner le cœur sur lui-même, le découpe (heureusement, ça ne gicle pas), s’empare de la colonne vertébrale avant d’ausculter les fibres du cerveau. On peut suivre son expérience sur le grand écran au milieu de la pièce. « Woaw, ça, c’est très joli », lance-t-il, enjoué, mais il maintient : « l’utilisation de cette technique ne sera pas nécessairement pour le diagnostic ». Pour la thérapeutique, c’est intéressant : préparer ses gestes avant une opération, faire du repérage, et même pour faire une chirurgie en direct (stéréotaxique).

Fibres du cerveau dans la réalité virtuelle de GE Healthare
Fibres du cerveau dans la réalité virtuelle de GE Healthare - GE Healthcare

Il n’a pas le temps d’achever sa phrase qu’il change de décor. Dr. Vincent Sebban atterrit dans un tube digestif, il perd ses repères, c’est le choc. Comme un enfant devant un jouet, le médecin est emballé par le spectacle des polypes dans le colon. « Je reviens sur ce que j’ai dit, ça peut être un outil de diagnostic très intéressant dans certains domaines, la coloscopie virtuelle ». Et d’ajouter, hilare : « Je veux être le premier utilisateur de coloscopie en réalité virtuelle » !

Un avant-goût de l’avatar digital de demain

Conquis par le prototype, le médecin rend le casque, il en a pris plein les yeux. On l’enfile par-dessus nos lunettes et on sélectionne le cœur pour se mettre en jambes. Sans grande surprise, on fait un usage beaucoup plus naïf de la technologie présentée. Alors que le radiologue découpait chaque organe, explorant son aspect, on se jette la tête la première, on plonge à l’intérieur des valves : on peut passer la tête à travers le cœur !

Le coeur dans la réalité virtuelle de GE Healthcare
Le coeur dans la réalité virtuelle de GE Healthcare  - GE Healthcare

Les tissus à quelques centimètres de nous, on se croirait dans Il était une fois… la vie. Avec les manettes, il est possible de faire bouger l’organe dans l’espace, de le retourner dans tous les sens, de le découper. Le cœur s’agrandit avec le zoom, il prend la taille de la pièce. La réalité virtuelle est impressionnante et l’anatomie beaucoup plus accessible. Avec ça, les cours de bio auraient une autre gueule au lycée…

« Dans le futur, on peut imaginer un double de vous dans lequel les chirurgiens viendraient virtuellement s’entraîner. On pourrait même imaginer que les super-ordinateurs puissent anticiper les réactions du corps », lance Yannick Le Berre. En sortant de l’expérience, on se dit qu’on a peut-être rencontré la première version de l’avatar digital à usage médical de demain.