Qui est Jack Posobiec, l’Américain par qui les «MacronLeaks» est arrivé
PIRATAGE•Vendredi soir, l’équipe du candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron a dénoncé un piratage « massif et coordonnée » de données privées…
Hélène Sergent
Il est le premier à avoir relayé publiquement sur Twitter les documents de campagne piratés du mouvement d’Emmanuel Macron. Il est 20h49 ce vendredi 5 mai lorsque Jack Posobiec, militant pro-Trump et pro-Poutine diffuse à ses 108.000 abonnés un lien pour accéder aux 9 gigas de données. Son message, accompagné du mot-clé « MacronLeaks », renvoie vers un article publié quatorze minutes auparavant, sur le forum 4Chan.
a« Il faut rester précautionneux. Il n’est pas prouvé que Jack Posobiec était au courant du piratage et de la mise en ligne immédiate des données de Macron sur le forum 4Chan. Il peut tout à fait avoir mis en place un système de veille en ligne via Google Alert qui recense, en temps réel, toutes les publications comportant le mot "Macron" », estime Tristan Mendes France, enseignant au Celsa, spécialiste des nouveaux usages numériques.
Le précédent « Pizzagate »
Jack Posobiec n’en est pas à son premier coup d’essai. Ce trentenaire, qui a animé tout au long de la campagne électorale américaine le mouvement Citizens for Trump, a contribué en novembre dernier à relayer outre-atlantique l’une des théories conspirationnistes les plus virulentes à l’égard du clan Clinton. Le schéma ressemble fortement à celui du « MacronLeaks ». Des documents publiés sur 4Chan et Reddit accusaient l’ancien directeur de campagne de Clinton d’être au centre d’un réseau pédophile se réunissant dans une pizzeria de Washington D.C.
Relayée, entre autres par Posobiec, cette théorie a été rapidement démontée par les services de police américains. « Ce pizzagate aurait dû mettre un terme à toute crédibilité le concernant. Même Alex Jones, le pape du conspirationnisme aux Etats-Unis, a rétro pédalé et s’est excusé après l’avoir diffusé. Mais dans ce milieu-là visiblement, ça ne change rien », poursuit Tristan Mendes France.
Journaliste, vétéran et troll
Posobiec dispose de nombreux relais. Ce journaliste, qui explique dans sa bio être également « réalisateur, écrivain et vétéran de la Marine américaine », est rédacteur en chef du bureau basé à Washington du site The Rebel. D’origine polonaise, l’homme nie son appartenance au mouvement « Alt-right », l’extrême droite américaine et revendique son attachement « slave » : « C’est une bataille de chapelle, ce qu’il appelle slavright est en réalité une sous-branche de l’alt-right xénophobe », précise l’enseignant au Celsa.
Son mode de fonctionnement diffère peu selon Mendes France : « Il relaie régulièrement des informations non sourcées sans vérifier leur véracité. L’idée, comme c’est le cas pour le MacronLeaks, est de participer au bruit. Ce moment-là suscite davantage d’audience qu’au moment de la vérification. »
Une « première »
Si l’ex ministre de François Hollande a été la cible de nombreuses rumeurs depuis le début de la campagne, pour le chercheur Nicolas Vanderbiest, le « MacronLeaks » diffère des précédentes attaques : « C’est la première rumeur qui naît à l’étranger, qui est diffusée via l’étranger, par des étrangers pour être reprise ensuite en France. » Dès hier soir, plusieurs internautes anglo-saxons échangeaient avec des internautes français sur des groupes de discussions pro Marine Le Pen via l’application Discord.
Depuis son premier tweet vendredi soir, Jack Posobiec inonde Twitter de messages conspirationnistes, affirmant que les autorités françaises censurent les informations liées aux documents piratés de l’équipe d’En Marche !. Dans un récent message, il a même exigé d’être reçu avant le second tour par le Parlement français. « On vit un moment surréaliste. Pourtant je m’y connais en surréalisme, je suis Belge », conclut Nicolas Vanderbiest.
aContrainte ce samedi au silence jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, dimanche à 20h, l’équipe d’Emmanuel Macron a toutefois réagi vendredi soir dans un communiqué : « Nous prendrons toutes les initiatives nécessaires auprès des acteurs publics et privés pour faire la clarté sur cette opération inédite dans une campagne électorale française. La gravité des faits est d’ores et déjà une certitude et nous ne saurions tolérer que les intérêts vitaux de la démocratie soient ainsi mis en danger. »